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Intervieweuse
Est-ce que par curiosité, quand vous connaissez les langues dans lesquelles sont traduits vos livres, vous les relisait pour voir si… Je sais pas, Dominique Manotti, est-ce que vous, vous connaissez toutes les langues, non, pas le russe, vous nous l’avez dit, mais est-ce que par curiosité vous avez envie de vérifier ?
Dominique Manotti
Non. Non. Non. J’ai, j’ai essayé, écoutez, j’ai eu une expérience épouvantable avec mon premier roman, Sombre sentier, une expérience traumatisante. Traduit en anglais.
Et j’ai, alors bon, j’ai moi-même autrefois dans mon métier d’historienne, traduit un grand livre d’histoire anglais. Donc je lis bien, je le parle très mal et je le lis bien. Donc, je me suis dit, je vais relire la traduction. Là, c’était un traumatisme total. J’écris, j’écris au présent. Les traductrices s’étaient mises à deux et s’étaient partagé le roman. La première avait traduit le présent au présent et la deuxième, le présent à l’imparfait. Ça commençait comme ça.
Ça commençait comme ça. Ensuite, j’ai un style assez court. Et souvent, je coupe soit un verbe, soit un nom. Alors, elles trouvaient que c’était pas bien, donc elles l’avaient remplacé. C’était affreux. Alors, j’ai écrit quand même à l’éditeur et j’ai eu la réponse des traductrices qui m’ont dit… « Comment cela, mais nous sommes de très bonnes traductrices. Nous avons gagné un prix de traduction, en traduisant les œuvres de Geneviève Anthonioz de Gaulle. »
Intervieweuse
Tout à fait le même genre.
Dominique Manotti
Donc, elles ont écrit mon roman avec le style de Geneviève Anthonioz de Gaulle. Bon, c’était vraiment traumatisant. Du même coup, alors, j’ai changé, grâce à l’éditeur, on a changé les traducteurs. Maintenant, j’ai des traductrices en qui j’ai totalement confiance et je ne relis plus jamais.
Intervieweuse
Mais donc, il y a quand même un risque, alors ?
Dominique Manotti
Le risque est évident, enfin, mais… Vous pouvez aussi vous faire écraser en traversant la rue.
Intervieweuse
Oui, on peut dire ça aussi.
Dominique Manotti
Mais si vous êtes traduit, vous avez évidemment un risque, mais c’est pas seulement un risque. Moi, j’adore la Série noire et j’admire la Série noire. Mais les traductions de la Série noire avaient rien à voir avec le texte original.
Intervieweuse
Les toutes premières ? En effet, oui, c’était, c’était catastrophique.
Dominique Manotti
C’est quand même ça qui les a fait connaître. Bon.
Intervieweuse
Donc, il vaut mieux être mal traduit et être connu ?
Dominique Manotti
Oui. Oui, oui. Il vaut mieux être mal traduit que pas traduit du tout, c’est évident. Il vaut mieux être bien traduit que mal traduit.
Intervieweuse
Autant, oui.
Dominique Manotti
Mais si vous êtes mal traduit la première fois et que vous avez quand même un certain nombre d’intérêts qui s’éveillent, vous allez être mieux traduit la deuxième. C’est ce qui m’est arrivé, je veux dire. Mon premier roman a été vraiment amputé, on va dire. Mais les suivants ? Très bien. Mais bien sûr qu’il y a un risque, mais il faut le courir.
Intervieweuse
Par exemple en Russie. Vous avez été… Vous ne connaissez pas la traduction ?
Dominique Manotti
Non, ça, pas du tout.
Intervieweuse
Et vous n’avez pas la curiosité de demander à…
Dominique Manotti
Non.
Intervieweuse
D’accord. L’essentiel…
Dominique Manotti
Surtout pas.
Intervieweuse
L’essentiel, c’est que le livre existe. L’essentiel, c’est que le livre existe ?
Dominique Manotti
Oui, alors là, dans le cas russe, je sais vraiment pas ce qu’il y a dedans. Mais… Oui, oui, c’est important que le livre existe. Enfin, bon, c’est mon point de vue.
Intervieweuse
Et vous, Karim, vous vérifiez les traductions pour autant que vous connaissiez la langue ?
Karim Miské
La seule langue dans laquelle je peux vraiment le faire, c’est l’anglais. J’ai, j’ai… Il faut que je finisse. Mais j’ai lu, je pense, après les trente premières pages, je n’ai pas eu le temps d’avancer plus et j’ai eu de la chance, c’était une bonne traduction. Donc voilà, on a eu aussi des échanges par mail avec le traducteur avant. J’ai aussi rencontré quelqu’un qui, qui travaillait avec l’éditeur, qui est venu à Paris pour m’interviewer pour l’éditeur et qui, en même temps, on discutait. Il a aussi revu la traduction parce qu’il avait vécu beaucoup à Paris et que, sur… le slang, l’argot, il était plus au point. Le travail avait été vraiment bien fait. Après, italien, espagnol j’arrive à lire pas bien, mais bon, quand même, à me faire une idée de la musique de la langue et de voir si je m’y retrouve. J’ai eu l’impression de m’y retrouver. Grec et allemand, là, je… Vraiment, je connais pas du tout, donc je n’ai pas pu. Voilà, mais, disons, voilà, j’ai pas relu les livres en entier. J’ai regardé un peu si…