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Semaine 4 Expliquer l’autisme : esprit et cerveau

2. Psychologie de l’autisme : aborder les caractéristiques sociales

2.3. La tâche de fausse croyance de Sally et Anne

Simon Baron-Cohen et ses collègues ont utilisé la tâche de fausse croyance de Sally et Anne pour étudier si les enfants autistes peuvent comprendre la fausse croyance.  

Le chercheur s'assied à une table en face de l’enfant, et joue un scénario avec deux petites poupées, Sally et Anne, et d'autres accessoires, décrivant chaque étape au fur et à mesure. Tout d'abord, il présente et nomme les poupées et équipe chaque poupée d'un petit récipient (e.g. panier, boîte). Il place une bille dans le récipient de Sally. Ensuite il fait Sally sortir « de la pièce » en disant qu'elle va jouer dehors. Il fait ensuite marcher Anne jusqu'au récipient de Sally et la met en scène en train de retirer la bille de Sally, puis de retourner à son propre récipient pour cacher la bille. Il ramène Sally « dans la pièce ». Maintenant il pose à l’enfant trois questions qui constituent le cœur du test :

Question de croyance : Où Sally va-t-elle chercher sa bille ? (Réponse correcte : dans le récipient de Sally).

Question de mémoire : Où était la bille au début ? (Réponse correcte : dans le récipient de Sally)

Question de réalité : Où est la bille en réalité ? (Réponse correcte : dans le récipient d'Anne)


Voici une image qui illustre le test.

Ce dessin contient une séquence de cinq dessins illustrant la tâche de Sally-Anne. Le premier dessin montre Sally, qui a un panier, et Anne, qui a une boîte. Dans le deuxième dessin, Sally tient une bille et la place dans son panier. Dans le troisième dessin, Sally ferme le panier et quitte la pièce. Dans le quatrième dessin, Anne retire la bille du panier et la place dans la boîte. Puis, dans le dernier dessin, Sally retourne dans la pièce. Le texte du dessin explique qu'elle veut jouer avec sa bille et demande "Où va-t-elle la chercher ?

Figure 1 Tâche de fausse croyance de Sally et Anne

Quand les chercheurs on utilisée cette tache avec des enfants au développement typique, ils ont montré qu’au-delà de 4 ou 5 ans, la plupart étaient capables d’identifier correctement que Sally aurait une fausse croyance concernant l’endroit de la bille. Par contre, la majorité d'enfants autistes testés avec la tâche apparemment ne comprenaient pas que Sally aurait une fausse croyance concenant l'endroit de la bille. 

2.3.1 La tâche de fausse croyance de Sally et Anne: de plus près

Activité 1 : Enfants réalisant la tâche de Sally et Anne

Durée : environ 10 minutes

Regardez maintenant une courte vidéo, enregistré à la fin des années 1980, dans laquelle Baron-Cohen commence par tester deux enfants autistes, puis un enfant neurotypique plus jeune, sur cette tâche. Notez que la plupart des enfants autistes (environ 80 %) dans l'étude de Baron-Cohen n'ont pas répondu correctement à la question de croyance : " Où Sally va-t-elle trouver la bille ? ", alors que les enfants des groupes témoins ont pour la plupart répondu correctement. Que suggère cette performance des enfants autistes à la question de croyance ? Notez votre explication.


Transcription

Simon Baron-Cohen (SBC) [s’adressant à un garçon] : Son nom est Sally. D’accord ? Sally se tient à cet endroit. Là nous avons une autre poupée. Et celle-ci s’appelle Anne.
Garçon 1 : Oui.
SBC : Anne est là-bas. Maintenant, laquelle est Anne ? [Le garçon montre Anne]. Bien. Et laquelle est Sally ? [Le garçon pointe Sally]. Bien. Maintenant, regarde ça. Sally a une boîte jaune. 
SBC [Commentaire en voix-off] : C’est un test pour explorer si l’enfant peut comprendre le fait que quelqu’un d’autre peut avoir une croyance différente de sa propre croyance concernant une situation. 
SBC [au garçon] : Sally a également une petite bille.
Garçon 1 : Oui. 
SBC : Et elle la met dans sa boite jaune. Et maintenant elle part se promener. Elle s’en va.
Garçon 1 : Oui.
SBC : Elle est partie se promener. Anne se dirige vers la boite de Sally, sort la bille, et la met dans sa boite bleue. 
SBC [Commentaire en voix-off] : L’enfant sait que la bille a été bougée. L’enfant a également vu que Sally était sortie de la pièce ou qu’elle avait quitté la scène quand la transition a eu lieu. Donc en principe elle ne saurait pas que les objets ont été déplacés. Par conséquent, quand on leur demande où est-ce que Sally va regarder, pour réussir ce test l’enfant doit pointer là où Sally pense que se trouve l’objet, plutôt que là où se trouve réellement la bille.
SBC [au garçon] : Voici Sally qui revient de sa promenade.
Garçon 1 : Oui.
SBC : Où Sally va-t-elle chercher sa bille ?
[Le garçon tapote sur la boîte bleue.]
SBC : Oui. Et où était la bille au début ? 
[Le garçon tapote sur la boîte jaune.]
SBC : Et où est vraiment la bille ?
[Le garçon tapote sur la boîte bleue.]
SBC : Très bien. 
SBC [Commentaire en voix-off] : Ce qu’on a vu avec cet enfant autiste, et en fait avec la majorité des enfants autistes qu’on a testés, c’est que l’enfant pointe là où se trouve vraiment la bille plutôt que là où Sally pense qu’elle est. Et dans ce cas, ça démontre une incapacité à faire la distinction entre sa propre croyance et celle de quelqu’un d’autre.
SBC [au garçon 2] : La revoilà ! Où va-t-elle chercher sa bille ?
Garçon 2 : Boîte jaune.
SBC [a Commentaire en voix-off] : Il est très important d’écarter la possibilité que peut-être d’autres enfants non autistes ont également la même difficulté. Donc nous avons effectué exactement le même test avec un groupe d’enfants non autistes, d’environ quatre ans, et on a découvert que la majorité n’avait aucun mal avec cette tâche, qu’ils peuvent aisément faire la distinction entre où ils savent que l’objet se trouve et où Sally pense erronément qu’il se trouve. 
SBC [au garçon 2] : Où va-t-elle chercher sa bille ? Oui. Et maintenant, où est vraiment la bille ? C’est ça ! Où était la bille au début ? Très bien.
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Discussion

Le fait que les enfants autistes ont identifié correctement l'endroit où se trouvait la bille au départ, et celui où elle se trouvait après qu'Ann l'ait déplacée, montre qu'ils n'étaient pas confus quant à l'emplacement de la bille. Aparemment leur problème était de discerner la croyance de Sally sur l'emplacement de la bille. Baron-Cohen et ses collègues ont proposé que les enfants autistes réagissaient comme si la croyance de Sally concernant l'endroit où elle trouvera la bille était la même que leur propre connaissance de l'emplacement actuel de la bille. Ils ont interprété ce résultat comme montrant que les enfants autistes ont des difficultés à comprendre les pensées des autres, qui dans ce cas sont différentes des leurs.

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Le résultat de base de la tâche de Sally-Anne a été répliqué (répété avec le même résultat – voir réplication) maintes fois, avec de nombreuses variantes de la tâche. Cependant, le nombre d’enfants autistes qui donnent une réponse erronée à une question concernant une fausse croyance varie selon les études. Même dans cette expérience fondatrice de Baron-Cohen et ses collègues, environ un cinquième des participants autistes ont donné des réponses correctes à la question concernant la croyance de Sally. En plus, quelques personnes neurotypiques peuvent aussi trouver l’exercice difficile. Donc l'incompréhension des fausses croyances ne pouvait être considérée comme une caractéristique invariante et spécifique des personnes autistes. Par conséquent, cette tâche n'est absolument pas un moyen de diagnostiquer l'autisme.

Au cours des décennies qui ont suivi les premières publications des résultats concernant la fausse croyance, les implications ont été largement contestées et modifiées. Certains chercheurs soutiennent que les diverses tâches utilisée pour tester théorie de l'esprit ne fournissent pas d'indications valables ou fiables sur l'autisme (Gernsbacher et Yergeau 2019). D'autres considèrent qu'elle offre une description, plutôt qu'une explication, de la façon dont les personnes autistes s'engagent dans certaines situations.

Donc, la théorie de l'esprit est-ce qu'elle offre un aperçu utile du comportement quotidien des personnes autistes ?  Une occurrence assez commune est qu’une personne autiste échoue à donner certaines informations essentielles à une autre. Cela pourrait refléter un problème dans la compréhension de la connaissance d’une situation chez les autres personnes.

Activité 2 : Un problème en théorie de l’esprit dans la vie quotidienne ? 

Durée : environ 5 minutes

Lisez l’extrait suivant et expliquez en quoi il correspond à l’idée que la ToM est un défi pour les personnes autistes :

L’un des problèmes les plus récurrents pendant le milieu de mon enfance était mon incapacité constante à distinguer ma connaissance et celle des autres. Très souvent, mes parents manquaient des échéances ou des rendez-vous car je n’arrivais pas à leur donner ces informations. Par exemple, mes parents ont raté l’événement la journée portes-ouvertes de l’école quand j’étais en CM1 et ma mère m’a dit plus tard « Pourquoi ne nous l’avais-tu pas dit ? », ce à quoi j’ai répondu « Je croyais que vous le saviez ».

(Sarah, citée dans Sainsbury, 2000, p. 60)

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Discussion

Sarah semble ne pas comprendre que ses parents n’ont pas exactement les mêmes pensées et connaissances qu’elle. Parce qu’elle ne leur a pas dit concernant la journée portes-ouvertes, ils ignorent que l’événement aura lieu.
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