Ce chapitre aborde certaines des questions pratiques liées au processus d’élaboration d’une politique enseignante. Il se fonde sur le chapitre 2, qui porte sur la conception des politiques enseignantes dans divers contextes, et sur le chapitre 3, qui décrit les différentes dimensions des politiques enseignantes. Il doit être lu conjointement avec le chapitre 5, qui considère les principaux aspects de la mise en œuvre de politiques nationales de formation des enseignants.
La politique enseignante constitue un aspect essentiel de la politique publique. Elle est l’instrument qui permet de répartir directement les ressources et les mesures publiques. Elle a pour objectif d’améliorer la qualité des enseignants et, partant, la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage des élèves. Pour que le processus d’élaboration de la politique soit efficace, il doit être bien planifié dès le départ ; il existe des liens étroits entre l’élaboration d’une politique, la planification de sa mise en œuvre, sa mise en œuvre et la détermination des ressources nécessaires. Les services de planification des ministères de l’éducation (ME) jouent généralement un rôle nécessaire dans ce processus. Par exemple, le ME de Singapour dispose d’une direction de la planification, dont la mission consiste à « formuler et examiner les politiques éducatives et à gérer et analyser les données essentielles du ME pour appuyer sa gestion du processus décisionnel » (http://www.moe.gov.sg/ about/ org-structure/ pld/).
Le ministère/département de l’éducation (ME) est un acteur majeur dans l’organisation du processus d’élaboration d’une politique enseignante. Pour commencer, le ME clarifie les phases et les étapes du processus, désigne les organismes compétents à impliquer dans le processus, fixe les délais et estime les coûts. S’assurer de l’existence d’une équipe spéciale ou d’un groupe qui devra piloter le processus constitue une dimension importante à prendre en considération dans l’élaboration de toute politique enseignante. Habituellement, les gouvernements mettent sur pied une équipe spéciale ou un comité constitué du personnel du ME et d’experts comprenant des universitaires et des représentants d’organisations partenaires telles que les syndicats d’enseignants et les bailleurs de fonds pour gérer et diriger le processus. Les tâches du comité peuvent inclure la convocation de réunions, le lancement de recherches pertinentes, la supervision des consultations avec les parties prenantes et, de manière générale, l’organisation des politiques. Cette équipe spéciale ou ce groupe est tenu de rendre des comptes au ME.
Il convient de reconnaître que la préparation d’une politique enseignante constitue souvent une tâche longue, complexe et difficile. Il n’existe pas d’approche uniformisée en matière d’élaboration des politiques, dans la mesure où le processus dépend étroitement du contexte. En 2013, l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) précisait que « toute politique doit être placée dans son contexte », reconnaissant ainsi que sa politique enseignante s’inscrit dans la « réforme de l’éducation multidimensionnelle de l’UNRWA, dont la politique enseignante est l’un des aspects fondamentaux ». Le type de politique à élaborer (qu’elle prenne la forme d’un acte législatif, d’un programme, d’un ensemble de règles ou de lignes directrices réglementaires) (voir chapitre 5) dicte également l’approche à adopter dans le cadre des procédures d’élaboration des politiques, chaque pays possédant ses propres règles et procédures à suivre.
L'élaboration des politiques peut être conceptualisée comme un processus en six étapes. La section 4 décrit les six phases de l'élaboration des politiques.
Pour chaque phase, notez les activités clés impliquées. Réfléchissez à votre propre contexte et réfléchissez aux processus qui pourraient être améliorés.
Cette section fait la synthèse des nombreux modèles contestés d’élaboration de politiques pour proposer un cadre d’élaboration des politiques.Note de bas de page 28 Le modèle ci-dessous est présenté en tant qu’outil analytique pour permettre aux décideurs politiques de recenser les éléments clés dans la formulation d’une politique. Toutefois, il convient de reconnaître que la formulation et la mise en œuvre d’une politique constituent rarement un exercice technique rationnel. Il s’agit plutôt d’un processus foncièrement politique. L’élaboration des politiques en tant que telle est caractérisée par des conflits sociaux et des luttes sociales ainsi que par des compromis entre priorités et objectifs concurrents. Elle implique une opposition entre les forces sociales et les mouvements sociaux à chaque étape du processus politique, de la détermination du calendrier à la formulation de la politique en passant par son adoption et sa mise en œuvre. Ainsi, les luttes populaires peuvent structurer l’élaboration des politiques et les résultats des politiques, et modifier la politique relative aux enseignants telle qu’elle apparaît dans les textes officiels.
Les contestations qui ont cours au sujet de ce qu’est une politique, et donc de ce qui devrait faire partie d’une politique relative aux enseignants, reflètent les différents avis sur ce qui est souhaitable et ce qui est réalisable. Rizvi et Lingard (2010) notent que les valeurs sont au cœur de l’élaboration des politiques. Une politique sous forme de texte ou de document reflète des valeurs particulières et constitue une « attribution de valeurs faisant autorité » (Rizvi et Lingard, 2010). En tant qu’exercice porteur de valeurs, l’élaboration des politiques constitue un processus normatif au cours duquel certaines voix sont privilégiées tandis que d’autres sont plus marginalisées, ce qui reflète la hiérarchie du pouvoir dans la société. C’est pourquoi cette section commence par une discussion sur la participation des acteurs en général et l’implication des enseignants en particulier. Une consultation et une participation significatives de tous les acteurs, principalement ceux qui sont marginalisés, sont primordiales dans tous les aspects du processus d’élaboration des politiques, et surtout dans la phase de programmation.
La discussion ci-dessus semble indiquer que l’élaboration d’une politique n’est pas un processus simple et direct. L’approche par cycle de vie de la politique proposée ci-dessous doit par conséquent être comprise comme un outil analytique destiné à aider les ministères à formuler les politiques. Ce cadre doit être utilisé comme un guide flexible pour l’élaboration d’une politique enseignante et non comme un modèle rigide et prescriptif à suivre de façon étroite et linéaire. Il convient de préciser que les phases suggérées sont souvent itératives et se chevauchent ; il n’est pas facile de les distinguer nettement ainsi qu’on peut le laisser supposer. Comme indiqué ci-dessus, l’élaboration d’une politique publique constitue une activité complexe, répétitive et à plusieurs niveaux, avec en général plusieurs initiatives politiques lancées simultanément (Badat, 2014).
Les groupes concernés devraient être consultés tout au long du processus d’élaboration des politiques enseignantes ; cependant, il importe également de consulter les diverses parties prenantes et les groupes d’intérêt une fois que les politiques ont été élaborées.
Parmi les groupes à consulter figurent les organismes publics locaux lorsqu’ils existent, d’autres ministères en dehors de celui de l’éducation, les organisations nationales et internationales de la société civile, les organismes internationaux, les responsables de l’enseignement privé, les enseignants, les parents et les apprenants ainsi que les organisations qui les représentent.
Assurer une large participation et une variété d’opinions dans le processus politique garantit que les préoccupations et les points de vue des différents acteurs sont pris en considération. Cette précaution accroît en outre les chances qu’une fois achevée, la politique bénéficie du soutien du public, des acteurs, du personnel de première ligne supposé la mettre en œuvre, ainsi que des bailleurs de fonds (UNESCO et UNICEF, 2013). Le processus de consultation a une incidence considérable sur le public et les réponses professionnelles au cours de la phase de mise en œuvre de la politique et par conséquent, une incidence sur ses résultats (Adams, 2001 ; OIT/UNESCO, 2003 ; Ratteree, 2004 ; VSO, 2002a ; VSO, 2002b ; VSO, 2002c).
La complexité des contextes de pouvoir et des contextes politiques, dans lesquels les acteurs sont invités aux consultations et dans lesquels ils y participent au sein et entre les institutions, doit être prise en considération lors de la coordination de la participation (Lewis et Naidoo, 2004). La coordination doit permettre à toutes les personnes impliquées de faire entendre et respecter leur voix, quelle que soit leur force ou leur influence dans le cadre ou en dehors du processus d’élaboration de la politique (OIT/UNESCO, 2003 ; OIT/UNESCO, 2008 ; VSO, 2002a ; VSO, 2002b ; VSO, 2002c). Comme de nombreux auteurs l’ont affirmé, ce processus inclusif doit intégrer non seulement les enseignants, mais aussi les étudiants (Flutter et Rudduck, 2004 ; Morgan, 2011 ; Pedder et McIntyre, 2006 ; Ratteree, 2004 ; Thompson, 2009).
Le choix des options politiques pour atteindre les objectifs politiques est rarement précis, dans la mesure où différentes stratégies peuvent résoudre le même problème. Le processus de consultation peut devenir intense et contesté, nécessitant des négociations entre les groupes d’intérêt. Ainsi, le processus de consultation est essentiel pour opérer des choix politiques, particulièrement lorsque des stratégies et des interventions alternatives ont été suggérées pour résoudre les problèmes et les préoccupations recensés.
Le dialogue social et la consultation prennent différentes formes dans divers pays. Au Nigeria, la consultation prévoyait une enquête d’opinion publique dans des États sélectionnés (encadré 4.1).
Au Nigeria, le processus d’élaboration de la politique enseignante a nécessité la coopération de l’équipe spéciale avec le Ministère fédéral de l’éducation (FME), l’UNESCO et l’USAID au titre du projet ENHANSE (Enabling HIV and AIDS, TB and Social Sector Environment). Les objectifs de l’équipe spéciale étaient d’évaluer la politique actuelle du Nigeria en matière de formation des enseignants pour recenser, analyser et confirmer les problèmes, et de formuler des recommandations en vue d’élaborer une politique nationale globale à l’usage des gouvernants et des acteurs de l’éducation.
Le processus a associé un large éventail d’acteurs qui ont activement participé au recensement des problèmes. L’élaboration d’une politique a nécessité des réunions et des consultations dans six États du pays, à l’aide de questionnaires, d’observations de salle de classe, d’entretiens et de discussions. Ce processus a permis de dégager une série de choix politiques, notamment : l’exigence d’une formation professionnelle pédagogique obligatoire, l’introduction d’une re-certification d’aptitude pédagogique et d’une habilitation, l’introduction d’un code de conduite pour les enseignants, l’introduction de qualifications et d’expérience professionnelles minimales, l’instauration de nouvelles exigences pour la nomination des inspecteurs scolaires, et l’institution d’un contrôle régulier des établissements.
Tel qu’il a été noté au chapitre 2, l’implication des syndicats d’enseignants dans la réforme de l’éducation n’est pas seulement un droit, mais elle s’avère aussi capitale à une mise en œuvre efficace. L’implication des enseignants dans l’éducation et dans l’élaboration d’une politique enseignante va au-delà d’une simple consultation ; les enseignants doivent être considérés comme des professionnels et être fortement associés à la détermination et à la mise en pratique (phase de mise en œuvre) des changements nécessaires à l’amélioration de la qualité de l’éducation. Dans cette perspective, les syndicats d’enseignants jouent un rôle majeur en influençant les politiques et en favorisant leur appropriation. Dans une étude de l’implication des syndicats d’enseignants dans l’éducation en Amérique latine, Gindin et Finger (2013) présentent plusieurs exemples de la façon dont les syndicats d’enseignants contribuent à l’amélioration de la qualité et de l’équité. Un cas particulier qu’ils soulèvent est celui de la Bolivie (État plurinational de) où le syndicat des enseignants, la Confédération des enseignants des écoles rurales de Bolivie, a joué un rôle clé dans le plaidoyer en faveur de l’instruction en langues vernaculaires pour les groupes autochtones (Gindin et Finger, 2013 : 17-20). Ils notent la façon dont le syndicat a été un défenseur important des droits des populations autochtones de Bolivie à l’éducation, s’assurant que ces droits soient constitutionnellement reconnus.
Le point de départ de tout processus d’élaboration de politique relative aux enseignants est l’établissement d’un programme, ce qui nécessite de définir les préoccupations et les problèmes qui appellent une plus grande attention du gouvernement, d'en convenir et d'apporter des précisions à leur égard.
Le programme de la politique enseignante peut provenir d’autres sources que le gouvernement, telles que l’opinion publique, les organismes internationaux et les syndicats d’enseignants. Quelle que soit la source, le gouvernement joue un rôle essentiel dans l’acceptation du programme et les actions à prendre. Ces processus d’établissement de programmes et d’élaboration de politiques enseignantes reflètent des relations de pouvoir, en particulier en rapport avec les questions du type « qui peut parler, quand et avec quelle autorité » (Ball, 1990 : 17). Divers acteurs et parties prenantes détiennent différentes positions de pouvoir dans la société et les font valoir dans le processus politique. Il est par conséquent important de prêter attention à la manière dont (et par qui) le problème politique est constaté et encadré à mesure qu’il évolue ; les rapports de force ont une incidence sur l’ensemble du processus d’élaboration des politiques enseignantes, de la manière dont le programme proposé évolue et est mis en œuvre aux aspects qui finissent par faire l’objet de politiques.
La section 4.2 examine les rôles et les responsabilités des organismes compétents dans la conception, la rédaction et la validation d’une politique enseignante nationale.
Une fois que les problèmes requérant une attention dans les politiques ont été recensés et que le programme de la politique enseignante a été décidé, la phase suivante consiste à développer les options et les idées politiques en vue des consultations à venir. Cette étape nécessite la collecte d’informations et des recherches pour définir les options politiques réalisables et applicables qui pourraient répondre au programme convenu.
Ainsi qu’il a été mentionné à la phase 1 ci-dessus, les options politiques sont élaborées de manière à correspondre aux contextes social, politique, économique et culturel particuliers. Ces options impliquent, dès lors, de procéder à une analyse des besoins pour étudier systématiquement la situation, attirer l’attention sur les questions appelant une attention immédiate et déterminer les moyens d’aborder lesdites questions. Le coût des options politiques doit être évalué et il convient de réfléchir aux instruments politiques (législation, programmes ou réglementations) les plus appropriés.
Une activité importante au cours de cette phase consiste à analyser de manière complète la situation des enseignants d’un pays spécifique, notamment les aspects ayant une incidence sur leur efficacité, les départs effectifs et la pénurie d’enseignants. Dans les situations post-conflit et post-catastrophe, une attention spéciale doit être portée à certains aspects clés comme l’offre d’enseignant et leur affectation, et le rôle qu’ils peuvent jouer dans la construction de la paix, la réconciliation et la préparation aux catastrophes. La recherche est une composante clé d’une telle analyse de situation, pour déterminer les faits et cerner les mesures qui sont considérées comme efficaces. Le chapitre 3 présente une synthèse de certains des principaux aspects, étayée par des données probantes.
Le travail de la politique à cette phase doit permettre aux décideurs de prendre des décisions éclairées au sujet des modifications politiques nécessaires pour résoudre le problème relevé. Il est probable que, lors de l’élaboration des options politiques, des problèmes précédemment constatés évoluent et que de nouveaux problèmes soient recensés.
Un ensemble clair de principes et de facteurs doit orienter le processus d’élaboration de la politique enseignante, qui doit reposer sur un engagement en faveur d’un enseignement et d’un apprentissage de qualité (voir l’encadré 4.2 pour l’exemple de l’UNRWA). Cet ensemble de principes et de facteurs doit tenir compte de :
Le but de la politique enseignante est de professionnaliser le corps enseignant au sein de l’UNRWA en vue d’améliorer la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage dans les écoles, en reconnaissant le rôle clé des enseignants dans une éducation de qualité. La politique vise à soutenir les enseignants au niveau de l’école ainsi que le perfectionnement professionnel permanent, tout en assurant des perspectives de carrière diversifiées et motivantes. Elle introduit de nouveaux rôles pour faciliter l’assurance de la qualité scolaire, le suivi et l’évaluation, ainsi que la coordination globale de la formation professionnelle. La politique enseignante reconnaît également la nécessité d’un meilleur soutien au bureau du directeur.
La vision de la politique enseignante s’inspire du mandat de l’UNRWA, qui vise à offrir une éducation gratuite à tous les enfants de réfugiés palestiniens. Elle cherche à créer une équipe spéciale d’enseignants qui
« s’engage à offrir les meilleures normes éducatives avec des niveaux élevés de performance et de conduite professionnelle pour préparer les enfants et la jeunesse des réfugiés palestiniens pour le XXIe siècle dans lequel ils pourront vivre une vie épanouie, productive, créative et appréciée, contribuant ainsi à leur propre développement et à celui de la communauté, de la société et du monde »
Source : UNRWA, 2013 (reproduction autorisée).
L’élaboration des options et des choix politiques doit être conforme à l’analyse de la situation dans le pays et aux principes convenus. Cette tâche revient souvent à un groupe de personnes spécialisées pouvant comprendre une équipe spéciale ou une commission créée par le gouvernement ou être constitué de responsables issus du ME. Dans certains cas, l’équipe spéciale ou le ME peut choisir de sous-traiter le travail des experts impliqués dans le processus politique. Au cours de cette phase, il est parfois fait appel à des spécialistes de la formation des enseignants. Une politique enseignante bien élaborée doit clairement spécifier la vision, le problème à résoudre, les options politiques possibles et la solution aux problèmes. Mais par-dessus tout, elle doit également mentionner les coûts et les avantages de chaque option, ainsi que les conditions et les problèmes de mise en œuvre qui doivent être résolus afin d’assurer le succès de la politique.
À la suite de consultations, un document de politique final spécifiant les choix politiques convenus doit être rédigé.
Le responsable ou l’organisme officiel approprié, tel que le président, le congrès, le ministre, les législateurs, les responsables d’organisme ou le tribunal, prend une décision au sujet de la politique finale. Les discussions de ces acteurs et organismes peuvent, dans certains cas, conduire à un changement ou une modification de la politique et, dans des cas exceptionnels, à un rejet complet de celle-ci. Toutefois, la phase de consultation précédemment recommandée doit permettre d’atténuer ce risque.
Le processus d’approbation et d’adoption de la politique dépend du contexte du pays. Dans de nombreux pays où la politique finale est considérée comme un point essentiel de la plateforme du gouvernement, une copie finale est préparée pour l’appui et l’approbation du parlement. Dans d’autres cas, la politique devient un document du ME, nécessitant l’approbation du ministre de l’éducation. Toute politique approuvée peut nécessiter des mesures gouvernementales, notamment une appropriation budgétaire, des changements dans le règlement existant et de nouvelles réglementations. Le processus législatif varie d’un pays à l’autre. En Afrique du Sud, par exemple, toutes les politiques éducatives importantes sont proposées au départ sous la forme d’un projet de livre blanc (et dans certains cas, sous la forme d’un document de travail) avant de suivre la procédure législative (projets de loi, lectures et finalement loi). L’encadré 4.3 explique la procédure générale d’adoption d’une loi en Afrique du Sud, qui s’applique aussi à l’adoption d’une politique enseignante.
Le Parlement est l’assemblée législative (organe législatif) nationale d’Afrique du Sud. À ce titre, l’une de ses fonctions majeures est d’adopter de nouvelles lois, d’amender les lois existantes et d’abroger ou d’abolir (annuler) les anciennes lois. Cette fonction est guidée par la Constitution d’Afrique du Sud, qui régit l’ensemble des lois et des comportements du pays.
Les deux chambres du Parlement, l’Assemblée nationale (NA) et le Conseil national des provinces (NCOP), jouent un rôle dans la procédure d’adoption des lois. Un projet de loi ne peut être introduit au Parlement que par un ministre, un vice-ministre, une commission parlementaire ou un député. À peu près 90 % des projets de loi sont proposés par l’exécutif.
Une loi est un système de règles, généralement appliqué par un ensemble d’institutions afin de réglementer le comportement des personnes. Elle structure la politique, l’économie et la société de diverses façons. Il existe différents types de lois, notamment les lois régissant le droit en matière de contrats, les lois régissant le droit des biens, les lois régissant les fiducies, les lois régissant le droit pénal, les lois constitutionnelles et les lois régissant le droit administratif. Les lois constitutionnelles définissent un cadre pour l’élaboration du droit, la protection des droits de l’homme et l’élection des représentants politiques. Les lois soulèvent également des questions importantes concernant l’égalité, l’équité et la justice.
La procédure d’élaboration d’une loi peut commencer par un document de discussion appelé « livre vert », qui est rédigé par le ministère ou le département qui traite d’une question spécifique. Ce document de discussion donne une idée de la pensée générale qui éclaire une politique particulière. Il est ensuite publié pour recueillir des commentaires, des suggestions ou des idées. Cette étape mène à la production d’un document de discussion plus élaboré, un livre blanc, qui est un énoncé global de la politique gouvernementale. Il est rédigé par le service compétent ou l’équipe de travail compétente et les commissions parlementaires compétentes peuvent proposer des amendements ou faire d’autres propositions. Après cette étape, il est renvoyé au ministère pour des discussions plus approfondies, des contributions supplémentaires et pour les décisions définitives.
C’est une version préliminaire de la loi. La plupart des projets de loi sont rédigés par un ministère sous la supervision du ministre ou du vice-ministre concerné. Ce type de projet de loi doit être approuvé par le Cabinet avant d’être soumis au Parlement. Les projets de loi introduits par des députés en personne sont appelés propositions de loi. Un projet de loi devient loi lorsque le Président de la République sud-africaine donne son assentiment, c’est-à-dire, signe le projet de loi. Dans le cas de projets de loi provinciaux, ils deviennent lois lorsque le Premier ministre de la province donne son assentiment.
Avant qu’une nouvelle loi n’entre en vigueur, elle doit être « promulguée ». Cette procédure signifie que le Président de la République publie sa date d’entrée en vigueur au Journal officiel. Pour qu’une loi soit entièrement promulguée, le ministère/département responsable doit indiquer qu’il est prêt et possède la capacité requise pour mettre la nouvelle loi en application.
Le processus d’élaboration de la loi fait l’objet de contestation et de conflit et présente souvent des défis juridiques. Dans les États fédéraux, par exemple, les provinces, les régions ou les États peuvent s’opposer au gouvernement central si la responsabilité du financement de l’application de la loi leur est imputée. L’encadré 4.4 décrit la contestation de l’adoption de la loi sur le droit à un enseignement gratuit en Inde.
Le Gouvernement indien a engagé une action législative en 2002 pour s’assurer que sa politique éducative était conforme à l’évolution mondiale des politiques éducatives, cherchant à faire de l’éducation gratuite et obligatoire un droit fondamental pour tous les enfants indiens âgés de 6 à 14 ans. À cette fin, tirant parti de la législation actuelle inscrite dans la Constitution indienne, la 86e loi d’amendement (2002), article 21A (chapitre III) a été introduite en décembre 2002.
Avant octobre 2003, une première copie de cette loi, la loi de 2003 sur l’enseignement gratuit et obligatoire pour les enfants a été rédigée et mise à la disposition du public pour consultation. Le public a été invité à y apporter des remarques et à suggérer de possibles domaines de changements et d’améliorations.
En 2004, après avoir pris en considération les remarques du public, une copie révisée du projet de loi a été produite ; elle était intitulée « Projet de loi sur l’enseignement gratuit et obligatoire, 2004 ». Elle a été révisée de façon plus détaillée en 2005 par le Ministère des ressources humaines et du développement et le Premier ministre. Toutefois, en 2006, la Commission des finances et la Commission de la planification ont rejeté le projet de loi, en raison de financements insuffisants. Par conséquent, un modèle de projet de loi a été envoyé aux États pour prendre les dispositions nécessaires en vue de son financement et de son application.
Après des débats houleux et de nombreux recours juridiques, le projet de loi sur le droit des enfants à l’enseignement gratuit et obligatoire (2008) a été adopté dans les deux chambres du Parlement en 2009. Elle a reçu l’approbation du Président en août 2009. L’article 21-A et la loi sur le droit à l’enseignement sont entrés en vigueur le 1er avril 2010.
Malgré son approbation, la loi a fait l’objet de recours juridiques, notamment parce que les États ont été sollicités pour financer la mise en œuvre de la politique. En 2012, la Cour suprême a confirmé l’approbation du Parlement, faisant de la mise en œuvre la responsabilité juridique de chaque État.
Le chapitre 5 du présent Guide examine plus en détail la mise en œuvre de la politique qui a été approuvée.
Cette section porte sur la question de la communication et de la diffusion.
À cause de son niveau de « concrétude », le processus de mise en œuvre soulève le problème de la capacité des structures existantes et de la capacité réelle des acteurs impliqués à produire le changement souhaité. Dans certains cas, il conviendra de repenser et d’ajuster certains aspects de la politique.
Une mise en œuvre efficace de la politique doit être encouragée au moyen de campagnes d’information bien conçues, destinées à tous les acteurs et à d’autres groupes intéressés (l’encadré 4.5 propose un exemple issu de l’UNRWA). La promotion de la politique accroît la probabilité d’une mise en œuvre efficace, puisqu’elle attire le soutien et l’approbation du public, toutes choses essentielles à l’atteinte des buts souhaités. La couverture médiatique peut permettre d’assurer que le public comprenne et soutienne le processus politique.
Le plaidoyer et la communication préalables à la mise en œuvre de la politique relative aux enseignants sont essentiels. Il s’agit :
Le processus d’élaboration de la politique doit inclure un plan clair de suivi et d’évaluation qui aidera à déterminer si la politique mise en œuvre permet d’atteindre les objectifs fixés. La mise à disposition en temps opportun d’informations fiables peut améliorer la pertinence, l’efficacité et l’effectivité de n’importe quelle politique. Des efforts destinés à améliorer l’utilisation des informations visent à les rendre plus utilisables par les décideurs, notamment à la suite d’appels à plus « de systèmes de suivi et d’évaluation dirigés par le pays lui-même » (UNICEF, 2009). Le suivi et l’évaluation doivent mesurer l’efficacité de la politique à résoudre les problèmes recensés au départ, et déterminer si la politique est en train d’apporter les changements souhaités. Les problèmes relevés pendant le suivi et l’évaluation peuvent nécessiter des changements dans la conception de la politique. Toutefois, le suivi et l’évaluation ne doivent pas simplement être sommatifs et être effectués à la fin du processus. Il convient également d’y inclure un suivi formateur et continu pour ajuster la politique telle qu’elle est mise en œuvre (voir chapitre 5 pour une étude plus détaillée). Le but principal d’un suivi et d’une évaluation solides d’une politique enseignante doit être de renforcer et d’améliorer cette politique et, dès lors, elle doit être structurée au sein d’une approche d’amélioration continue.
La délimitation claire des rôles des différents acteurs impliqués dans le processus est essentielle pour assurer l’efficacité du processus d’élaboration de la politique (UNESCO et UNICEF, 2013) et garantit que les points de vue des différentes parties prenantes sont pris en considération et intégrés dans le texte définitif de la politique. Une étape essentielle de tout processus de politique enseignante consiste donc à recenser les institutions et les organisations compétentes, notamment les ministères de l’éducation, les ministères des finances, les établissements scolaires, les organisations représentant les enseignants et les élèves, les associations de parents et les organismes internationaux (OCDE, 2005). Différents acteurs jouent différents rôles à différents niveaux du processus politique. Par exemple, l’adoption/la prise de décision est généralement la prérogative des parlements ou des structures législatives équivalentes, lorsque la politique enseignante passe par un processus législatif. Le tableau 4.1 propose une liste de certains des principaux acteurs et indique les rôles et avantages potentiels de leur implication dans le cycle politique. Comme indiqué précédemment, il est essentiel que tous les organismes compétents interviennent à toutes les étapes du processus d’élaboration de la politique afin de garantir l’efficacité du processus.
Organisme/Organisation | Rôles | Incidence de l’implication sur le processus politique |
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Le tableau ci-dessus présente quelques-uns des principaux acteurs et organismes compétents devant être impliqués dans le processus de formulation de la politique. La liste particulière qui correspond à un cas donné est mieux déterminée au niveau du pays, en prenant en considération le contexte sociopolitique et socioéconomique spécifique. L’efficacité de l’implication des organismes et des acteurs compétents dépend de l’importance de leur participation et de leurs capacités. En principe, les parties prenantes doivent avoir la possibilité d’intervenir (comme indiqué précédemment) à toutes les étapes du processus d’élaboration de la politique, mais pas au stade de l’adoption (bien que les parties prenantes puissent influencer le processus, par exemple, en exerçant une pression sur les représentants parlementaires), qui est la prérogative des représentants parlementaires élus. Les enseignants, grâce à leurs structures représentatives, telles que les syndicats, constituent une force essentielle qui doit être impliquée dans tout processus d’élaboration d’une politique enseignante.
La participation suppose la création d’espaces et de mécanismes facilitant le dialogue social entre les autorités gouvernementales et les acteurs, notamment dans la mesure où il concerne les enseignants. Dans une démocratie, les différentes étapes de l’élaboration de la politique peuvent être relativement publiques, ouvertes et accessibles aux citoyens, et la loi peut faciliter la participation des acteurs sociaux à l’élaboration de la politique. Badat (2014) note qu’une telle participation peut prendre diverses formes, y compris des requêtes officielles et non officielles de la part de ceux qui élaborent la politique pour conseils, des consultations avec les organismes statutaires tels que les commissions du service des enseignants, des rapports et le plaidoyer de la part des acteurs présentés au cours de réunions publiques et d’autres événements. Ainsi qu’il a été observé plus haut, il est important de reconnaître que les acteurs possèdent des ressources très différentes et souvent inégales, par exemple en matière d’expertise et de fonds, pour s’engager dans l’élaboration de politiques.
Une implication importante et la construction de relations nécessitent une culture de transparence et d’ouverture : les acteurs et organismes compétents impliqués dans l’élaboration de politiques doivent par conséquent être associés au plus haut niveau à une communication honnête et ouverte et être prêts à écouter et à partager les informations.
Les informations sont capitales à la participation et les gouvernements doivent s’engager à rendre les informations largement disponibles. Une politique gouvernementale d’ouverture et d’accès illimité à l’information, à laquelle se sont engagés de nombreux gouvernements, assure que les acteurs et les organismes compétents impliqués dans l’élaboration de politiques enseignantes soient capables d’effectuer des choix et de prendre des décisions éclairés.
L’encadré 4.6 énumère certaines questions qui peuvent permettre de définir les rôles des organismes compétents et d’organiser des consultations au sujet des politiques.
Les aspects financiers d’une politique enseignante doivent être examinés au cours des premières étapes de l’élaboration de cette politique. Le manque d’efficacité au niveau de la mise en œuvre des politiques s’explique principalement par une incapacité à établir une liaison entre l’élaboration de ces politiques et les procédures budgétaires nationales. Par exemple, oublier de prendre en considération l’aspect du financement d’une politique pourrait donner lieu à des « mandats non financés ».
Pour renforcer les liens entre la politique, la planification et la budgétisation, de nombreux pays utilisent un procédé de budgétisation pluriannuelle qui prend souvent la forme d’un cadre de dépenses à moyen terme (CDMT) (encadré 4.7).
Les CDMT sectoriels sont intégrés dans les cadres budgétaires nationaux pluriannuels, assurant que des ressources sont allouées pour les priorités des politiques dans le budget national et dans un cadre raisonnablement étendu à plus longue échéance. Cette option peut s’avérer importante, notamment dans les pays en développement où la plupart des ressources sont souvent réservées aux programmes existants et où il est difficile d’obtenir des financements pour la mise en œuvre d’une nouvelle politique.
Le financement d’une nouvelle politique dépend de la priorité accordée au problème, des coûts et de la disponibilité des ressources pour la mettre en œuvre. Le degré de priorité des nouvelles politiques dans les plans éducatifs à long et à moyen terme doit être clairement défini. Par ailleurs, la nouvelle politique doit être budgétisée avec précaution et réalisme.Note de bas de page 29 Il se peut que les ME doivent renforcer leur capacité technique en vue de la modélisation financière de la politique, de l’évaluation des coûts et de la collecte de données financières (Clarke, 2010). Lors de l’examen des coûts du processus politique, l’évaluation des coûts de la phase de mise en œuvre du processus doit être effectuée (UNESCO, 2007).
Bien prise en considération, la planification financière des politiques peut contribuer à l’élaboration de politiques enseignantes durables et efficaces. Plusieurs pays ont adopté différentes stratégies dans l’évaluation des coûts des politiques relatives aux enseignants : au Kenya par exemple, l’évaluation des coûts a exigé une analyse des ressources existantes et des sources de potentiels financements supplémentaires du processus politique (encadré 4.8).
Plusieurs aspects de l’évaluation des coûts ont été pris en considération dans l’élaboration de la politique éducative kenyane de 2005. Premièrement, les sources potentielles de ressources disponibles ont été déterminées, notamment les organismes donateurs et les institutions intéressées par la question à l’étude. L’examen des collaborations existantes entre le Gouvernement et d’autres organisations, telles que les fonds d’affectation spéciale des autorités locales et les projets financés par la Banque mondiale, a incorporé une appréciation des projets en cours et de l’influence que toute nouvelle élaboration de politique exercerait à court ou à long terme. L’analyse de ces relations et la coordination des ressources nouvelles et actuelles étaient perçues comme essentielles à l’élaboration et à la mise en œuvre d’une politique rentable.
Lors de l’élaboration de la politique, les coûts de tous les objectifs stratégiques, y compris chacun de leurs éléments (programmes de rétention des enseignants, ressources humaines, élaboration des programmes d’études, etc.) ont donc été estimés. Les coûts ont été estimés pour la durée de vie proposée de la politique, en tenant compte de la période durant laquelle elle est censée s’appliquer.
En Afrique du Sud, l’évaluation des coûts a également exigé la prise en considération des responsabilités juridiques des institutions impliquées dans le financement des politiques éducatives (encadré 4.9).
Le Cadre de planification stratégique intégré pour la formation des enseignants et le développement a été conjointement élaboré par le Ministère de l’éducation de base et le Ministère de l’enseignement supérieur et de la formation. L’évaluation des coûts de la politique a exigé de collecter des informations dans plusieurs domaines :
Cette analyse générale a fourni des informations au sujet des ressources disponibles, de leur source et de la façon d’y accéder ou de les utiliser.
Des barrières peuvent exister à l’adoption d’une telle approche, telles que le manque de transparence au sujet des ressources disponibles, et ces barrières doivent être prises en considération. Par conséquent, l’évaluation des coûts du processus politique inclut l’identification de tous les éléments et des principaux objectifs de la politique concernée. Chaque objectif et les mesures nécessaires pour l’atteindre sont individuellement évalués en termes de coûts.
Cette section énumère quelques questions importantes à prendre en considération dans la formulation d’une politique enseignante plus susceptible d’être efficacement mise en œuvre. Une politique enseignante couronnée de succès est claire et précise en ce qui concerne les choix qui ont été faits pour relever les principaux défis.
L’élaboration d’une politique enseignante ne doit pas se faire isolément des autres politiques en général et des politiques éducatives en particulier. De plus, tout processus politique relatif aux enseignants doit tirer parti de la politique existante. Lors de l’introduction d’une nouvelle politique enseignante, une analyse approfondie devrait être menée afin d’examiner son incidence éventuelle sur les politiques existantes et les modifications qu’il conviendra, le cas échéant, d’apporter à la politique existante. La cohérence et la collaboration doivent être garanties au sein des sections/services des ME ainsi qu’avec les autres ministères. Dans certains cas, cela peut nécessiter la création de nouvelles structures et de nouveaux organismes, tels que les commissions du service des enseignants qui supervisent les différents aspects de la gouvernance des enseignants, notamment leur recrutement et leur affectation. Lorsque de telles structures existent, leurs rôles peuvent être redéfinis conformément à la politique enseignante ; par exemple, si une politique enseignante plaide pour la décentralisation de l’affectation des enseignants au niveau provincial/régional ou de l’établissement.
Une planification stratégique intégrée est indispensable à l’élaboration d’une politique efficace. Une politique relative aux enseignants doit faire partie intégrante aussi bien d’autres politiques éducatives que de l’ensemble des plans stratégiques des gouvernements.
En Afrique du Sud, le Sommet de 2009 sur le perfectionnement des enseignants a appelé à l’élaboration et à la mise en œuvre ultérieure d’un plan intégré pour la formation et le perfectionnement des enseignants. Le Gouvernement a créé des groupes de travail et proposé un Cadre de planification stratégique intégré pour la formation et le perfectionnement des enseignants en Afrique du Sud, lequel guide de nombreuses actions pour 2011-2015, fondé sur une étude complète du secteur et aligné sur son plan d’éducation étalé sur 25 ans. En dépit de ces efforts coordonnés, des incohérences persistent entre ces plans en matière d’éducation et le plan national de développement, ce qui renforce la nécessité d’un processus de planification intégré (DBE et DHET, 2011).
Les enseignants constituent les principaux acteurs des politiques enseignantes, et leur compréhension, leur acceptation et le soutien qu’ils apportent à celles-ci sont essentiels à leur mise en œuvre efficace. Le concept est inscrit dans la Recommandation de 1966, qui considère l’inclusion des enseignants et des organisations d’enseignants dans l’élaboration d’une grande variété de politiques éducatives – de même que les employeurs, les travailleurs, les parents et les autres acteurs – comme étant la pierre angulaire de l’élaboration d’une politique relative aux enseignants (OIT/UNESCO, 1966 : articles 9, 10k). La participation active des enseignants à l’élaboration et à la mise en œuvre de la politique et son « appropriation » par les enseignants contribuent au succès de toute réforme (OIT/UNESCO, 2003 ; OCDE, 2005 ; Yelland et Pont, 2014 : 35).
Ainsi qu’il a été souligné plus haut, le dialogue social avec les enseignants peut prendre différentes formes à diverses phases des étapes de formulation et de mise en œuvre.
Pour que le dialogue social soit efficace, certaines conditions doivent être remplies (OIT, 2012 : 205-206) :
Diverses formes de dialogue social utilisées pour engager les enseignants dans le processus politique peuvent présenter un chevauchement considérable entre l’élaboration et la mise en œuvre de la politique (voir aussi chapitre 5). Il est par conséquent essentiel de planifier ces conséquences lors du processus d’élaboration, par exemple en adoptant une politique sur les salaires des enseignants qui anticipe le processus de négociation, lequel peut à son tour déterminer si la politique sera mise en œuvre, et comment. Si une consultation sincère peut s’avérer difficile et prendre du temps, une consultation symbolique et un processus bâclé peuvent mettre en péril l’efficacité de la mise en œuvre.
Une politique fondée sur des données probantes (PFDP) a été encouragée au cours des dernières décennies dans le domaine des études sur le développement. L’élaboration des politiques doit prendre en considération les données disponibles en vue de concevoir des politiques enseignantes qui produisent de meilleurs résultats. La PFDP est particulièrement importante dans les pays en développement (Sutcliffe et Court, 2005). Pour faciliter la PFDP, il peut être nécessaire de renforcer la capacité de recherche du pays et de promouvoir l’intégration systématique de la recherche et de la politique. De même, pour faciliter une meilleure utilisation des données par les décideurs, les chercheurs universitaires doivent renforcer leur compréhension du réseau de recherche sur la politique et de la façon de communiquer les données politiques pertinentes aux décideurs (Segone, 2008).
L’élaboration d’une politique fondée sur des données probantes exige la gestion et la collecte de données à utiliser dans l’élaboration d’une politique enseignante (et dans sa mise en œuvre – voir chapitre 5). Un TMIS efficace, qu’il s’agisse d’une base de données autonome ou de la composante d’un EMIS, peut faciliter la gestion des données. Un TMIS peut comprendre des données liées à tous les aspects du corps enseignant importants pour la politique enseignante. S’agissant de l’efficacité de la politique, certaines conditions déterminent l’utilité d’un TMIS (ou d’un EMIS), par exemple : la fiabilité, la cohérence et l’actualité des données entre les niveaux d’éducation et les frontières administratives (nationales et décentralisées) ; le financement, la tenue à jour et la capacité d’appui technique au fil du temps ; l’utilisateur et l’engagement professionnel fondamental (surtout les enseignants et les proviseurs/directeurs d’établissement) dans la planification, l’expérimentation, le pilotage, l’exécution et le retour d’information ; et la facilité d’utilisation, la formation et les capacités (OIT, 2012: 13-14).
L’appropriation du processus politique par les pays en développement se trouve parmi les principes fondamentaux de la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide, selon lesquels :
Ainsi, une certaine clarté au sujet des rôles est nécessaire, notamment pour ce qui est de l’appropriation lorsque les organismes internationaux sont impliqués dans l’élaboration de la politique.
La Déclaration de Paris indique clairement que le processus d’élaboration de la politique doit être dirigé par le pays concerné. Les gouvernements nationaux sont responsables de la préparation de leurs politiques et stratégies axées sur le développement à travers une large consultation. Lorsque les consultants ou les donateurs internationaux fournissent une assistance technique aux fins de la prise de décision, les gouvernements nationaux doivent s’assurer que le processus est conçu pour renforcer les capacités nationales.
Dans le programme d’action d’Accra de 2008, il est fait observer que, tandis que les pays bénéficiaires « renforceront la qualité de la conception des politiques », les donateurs doivent s’engager au « renforcement des capacités des acteurs du développement – parlements, administrations centrales et locales, OSC, instituts de recherche, médias et secteur privé » de sorte qu’ils soient outillés pour jouer un rôle actif dans le processus d’élaboration des politiques (OCDE, 2005/2008 : 16).
Que le ME dispose des ressources humaines nécessaires ainsi que d’une assistance technique suffisante constitue une condition préalable à l’élaboration de politiques enseignantes viables. Une évaluation des besoins en matière de formation doit être menée pour veiller à ce que les fonctionnaires et les responsables soient capables de gérer efficacement le processus public d’élaboration des politiques. L’encadré 4.0 répertorie certains services des ME jouant un rôle important dans l’élaboration des politiques ; le tableau 4.2 comprend une liste de contrôle utilisée dans le cadre de l’évaluation de la capacité.
Les cellules de planification des ministères de l’éducation sont souvent responsables de la coordination de toutes les politiques éducatives. Elles doivent être en position de gérer et de coordonner efficacement le processus avec d’autres services et des experts externes tels que des universitaires ou des experts juridiques. Elles doivent posséder les connaissances approfondies du processus politique ainsi que les compétences qu’il exige, notamment la modélisation des politiques, l’évaluation des coûts et la recherche.
Les cellules financières au sein des ministères de l’éducation ou les cellules de politique sociale au sein des ministères des finances sont essentielles à l’élaboration d’une politique efficace. Elles doivent pouvoir fournir une évaluation des coûts précise des options politiques et avoir connaissance des contraintes et des engagements budgétaires. Lorsque les ME disposent de cellules financières, elles doivent effectivement s’engager et négocier avec les équipes du Ministère des finances.
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Ainsi qu’il a été indiqué plus tôt dans ce chapitre, le ME est un acteur clé de l’organisation du processus d’élaboration des politiques enseignantes. Au début d’un tel processus, le ministère clarifie les phases et les étapes du processus, désigne les organismes compétents à associer, fixe un calendrier et estime les coûts.
L’élaboration et la mise en œuvre des politiques (voir chapitre 5) représentent une entreprise coûteuse, complexe et qui prend du temps, aussi bien techniquement que politiquement. Prévoir un calendrier convenable est par conséquent essentiel pour s’assurer le soutien des enseignants et d’autres acteurs. Une feuille de route peut s’avérer utile pour décrire la façon dont les objectifs de la politique seront exécutés et réalisés. Par exemple, le Cadre stratégique intégré pour la formation des enseignants sud-africains a été planifié pour une exécution totale entre 2011 et 2025. Chaque objectif individuel compris dans cette politique possède son propre programme d’exécution spécifié, notamment un calendrier, des ressources et des objectifs.
Une liste claire des priorités d’une politique peut permettre de déterminer les calendriers et l’ordre dans lequel les activités visant à réaliser les objectifs de la politique doivent être menées. La réussite de certains objectifs politiques peut dépendre de la réalisation d’autres objectifs politiques. Par conséquent, les calendriers de certaines activités ou de certains objectifs politiques peuvent servir de base à d’autres objectifs. Les relations entre les différentes facettes d’un objectif politique doivent ainsi être bien analysées et comprises (Haddad, 1995 ; OMS, 2001 ; OIT, 2012).
La liste de contrôle qui figure au tableau 4.3 propose quelques questions clés auxquelles il convient de trouver des réponses lors de l’établissement d’un calendrier pour la feuille de route politique.
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Nous concluons ce chapitre en proposant une étude de cas détaillée de l’élaboration de la politique enseignante de l’Afrique du Sud (encadré 4.11). L’Afrique du Sud constitue un exemple intéressant de processus d’élaboration d’une politique et des progrès réalisés jusqu’à nos jours, qui ressemble à bien des égards au cycle politique et au cadre de planification, y compris en ce qui concerne le chevauchement et les aspects non séquentiels, examinés dans le présent chapitre.
Le chapitre 5 porte sur les plans et les capacités des organisations pour mettre en œuvre une politique enseignante nationale convenue.
Avant le changement démocratique important survenu en 1994, la formation et le perfectionnement des enseignants étaient fragmentés le long des lignes de l’apartheid. En 1995, un audit de la formation des enseignants a été effectué, lequel a souligné les effets des dispositions séparées, les obstacles à leur amélioration ainsi que les options pouvant permettre de les résoudre. La formation des enseignants était une prérogative provinciale avec 102 collèges éducatifs de diverses qualités, généralement mauvaise, notamment dans leur fonctionnement. L’audit a été suivi par l’adoption en 1996 des « Normes et standards en matière de formation des enseignants », lesquels décrivaient les compétences pour les qualifications des enseignants et les compétences minimales pour les types de qualification. Ensuite, cette adoption a été suivie en 2000 par les « Normes et standards pour les éducateurs dans l’éducation », grâce auxquels la formation des enseignants est devenue une compétence définie au niveau national, incorporant les 120 collèges éducatifs dans les établissements d’enseignement supérieur. Les nouvelles normes relatives aux compétences des enseignants délimitent sept rôles ainsi que des notions de compétences appliquées et intégrées. Le document décrit également le cadre des qualifications de la formation des enseignants conformément au Cadre national des qualifications. Plus important encore, ces documents ont mis l’accent sur les compétences et les qualifications, sans faire référence au contexte plus large des questions telles que l’offre, la demande et les évolutions dans le domaine de l’enseignement.
La rationalisation et la fusion des collèges sont survenues dans le contexte de fusion des établissements d’enseignement supérieur dans le pays. Bien que la fermeture des collèges et le fait de confier la formation des enseignants aux établissements d’enseignement supérieur avaient pour but d’améliorer la qualité et les normes, un certain nombre d’effets et de difficultés imprévus sont survenus. Parmi ceux-ci figurait la faible allocation de subventions aux facultés chargées de l’éducation, qui a donné lieu à une réduction des effectifs. Cette situation a conduit à une préoccupation croissante au cours des dernières années, en ce qui concerne la baisse de l’offre de nouveaux enseignants pour un système nécessitant des enseignants en plus grand nombre et de meilleure qualité, entre autres dans les disciplines présentant un déficit de compétences telles que les mathématiques, les sciences, la technologie, la phase de fondation et les nouveaux sujets introduits par le nouveau programme.
Il y a eu en outre des évolutions structurelles importantes : l’Education Labour Relations Council (le Conseil des relations de travail dans l’enseignement) a été créé pour négocier des accords entre les syndicats d’enseignants, qui ont des taux élevés d’adhésion (88 %), et l’État. Le Conseil a joué un rôle majeur dans diverses questions liées à la politique enseignante, telles que les salaires, les conditions de travail et l’évaluation des performances. Dans le domaine du perfectionnement professionnel des enseignants, cependant, les progrès ont été lents.
La deuxième structure importante créée est le national South African Council for Educators (SACE) (Conseil national sud-africain des éducateurs), qui est responsable de l’enregistrement professionnel des éducateurs et de leur code professionnel d’éthique. Le SACE a également travaillé sur la création d’un catalogue de formations de perfectionnement professionnel. Il a récemment reçu le mandat de gérer le système de perfectionnement professionnel permanent des enseignants, qui rendra obligatoire et reconnue la participation des enseignants au perfectionnement professionnel.
Toutes ces évolutions étaient importantes et indispensables, mais les principaux décideurs sur le terrain avaient le sentiment qu’une approche plus globale était nécessaire pour faire face à l’échelle et au rythme des questions qui se posaient. Par conséquent, un Comité ministériel sur la formation des enseignants (MCTE) a été créé en 2001. Un rapport complet en six volumes a été produit ; il présentait une vue de la situation à l’époque et proposait, pour examen, 42 recommandations de nature très diverse. Le rapport faisait état de discussions et de consultations circonstanciées avec les principales agences et parties prenantes dans le secteur. Le rapport du MCTE a été adopté par le ME et transformé en Cadre national pour la politique de formation et de perfectionnement des enseignants (NPFTED), qui a été approuvé en avril 2007. Le processus a pris douze ans à compter du début des discussions, après 1994.
Le NPFTED couvre un éventail de domaines dans la Formation professionnelle initiale des enseignants (IPET) et le perfectionnement professionnel permanent des enseignants, et comprend une section sur les systèmes d’appui à la formation et au perfectionnement des enseignants. La dénomination de ces deux domaines vise à souligner la professionnalisation envisagée des enseignants et une continuité forte entre la formation initiale des enseignants et leur perfectionnement continu dans la pratique. Le processus de création du NPFTED a aussi utilisé une approche de consultation large consistant en des présentations à différents niveaux de prise de décision au ME, dans les services nationaux et provinciaux de l’éducation, chez les syndicats et autres acteurs clés.
Le NPFTED couvre un éventail de domaines clés qui correspondent à ceux habituellement répertoriés dans l’élaboration des politiques, aussi bien en Afrique subsaharienne qu’au niveau international. Ce sont :
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