Comme énoncé aux chapitres 1 et 2, il est généralement admis que la qualité des enseignants constitue un facteur important (même si ce n’est pas le seul) qui détermine les résultats de l’éducation. La qualité de l’enseignement et des enseignants repose sur des niveaux élevés de professionnalisme et d’autonomie des enseignants : les enseignants doivent servir de vecteurs d’efficacité dans l’enseignement et dans l’apprentissage. Le débat sur la qualité des enseignants doit s’appuyer sur une compréhension contextualisée et claire des types de processus pédagogiques générateurs d’un apprentissage de qualité et sur la possibilité pour l’organisme enseignant de les édicter (Sayed et Ahmed, 2014).
Les enseignants de qualité constituent une condition nécessaire mais non suffisante à la réussite de l’éducation. L’enseignement de qualité résulte d’une combinaison complexe d’aptitudes et de compétences variées, d’environnements de travail et de soutien, ainsi que de facteurs tels que la motivation et l’engagement. Il existe aujourd’hui un ensemble de travaux prouvant qu’un certain nombre de facteurs exercent une influence à la fois négative et positive sur la qualité des enseignants ou sur leur performance. Il s’agit notamment de la formation initiale ; du PPP et des qualifications ; des effectifs des classes et des REE ; des conditions d’emploi (y compris les gratifications et les incitations) ; des conditions et de l’environnement de travail ; de l’accès aux ressources ; du respect à l’égard des enseignants et de la façon dont ils perçoivent leur situation professionnelle et sociale ; de leur implication dans la prise des décisions qui les concernent ; et de l’autonomie professionnelle.
Le présent chapitre examine les dimensions les plus importantes qu’une politique enseignante doit aborder. Nombre d’entre elles sont interdépendantes et ancrées dans le contexte historique, politique, culturel ou économique d’un pays ou d’un système éducatif donné. C’est pourquoi il est impératif de les aborder ensemble dans le cadre d’une politique enseignante holistique et intégrée.
Si le chapitre se concentre sur les éléments essentiels de toute politique enseignante, ceux-ci doivent être envisagés dans le contexte d’un pays ou d’un système éducatif particulier. Certains de ces éléments ont fait l’objet de recherches et d’études approfondies, mais l’espace ici disponible ne permet pas d’analyser chacun d’entre eux d’une manière exhaustive. Ce chapitre expose les principes de base de chaque dimension, puis fournit les références à des sources plus détaillées (sous la forme de références intégrées et de liens hypertextes), afin de permettre aux utilisateurs du présent Guide de les explorer plus en détail si nécessaire. Il présente les principes de base des neuf dimensions majeures qui sont jugées cruciales pour toute politique enseignante globale :
La section 3 présente les neuf dimensions clés d'une politique enseignante nationale. En lisant, pensez à votre propre contexte et pour chaque dimension, identifiez trois aspects qui sont particulièrement difficiles ou pertinents pour votre propre contexte.
Par exemple:
Sous 3.1, Elizabeth (travaillant au Royaume-Uni) a identifié :
Sous 3.3: Florence (travaillant en Zambie) a identifié :
Lorsque vous atteignez la fin de cette section, vous devez avoir identifié trois priorités dans votre contexte pour chacune des neuf dimensions.
Le recrutement et la rétention des enseignants constituent un aspect fondamental de toute politique enseignante. La présente section porte sur la nécessité d’une stratégie de recrutement axée sur :
Une stratégie de recrutement et de rétention des enseignants doit être considérée comme un complément nécessaire au programme ou plan national en matière d’éducation (voir chapitre 2, tableau 2.1), que la stratégie elle-même soit nationale ou décentralisée/locale. Elle doit tenir compte, dans la même mesure :
Une stratégie de recrutement doit prendre en considération les facteurs suivants (actuels et projetés):Note de bas de page 8
La planification d’une stratégie de recrutement nécessite l’accès à des informations :
Une politique enseignante doit s’accompagner d’une stratégie de recrutement permettant de faire en sorte qu’un nombre adéquat de « bons » enseignants entrent dans la profession. Celle-ci doit cerner les caractéristiques requises des enseignants et déterminer les moyens d’attirer les candidats ayant le profil recherché. De même, la stratégie doit comprendre des plans favorisant la rétention des enseignants : pour les systèmes éducatifs, c’est manquer d’efficacité que d’investir de précieuses ressources humaines et financières dans la formation et le recrutement d’enseignants qui ne resteront pas dans la profession pendant au moins un certain temps. Les stratégies de rétention consistent notamment à :
Un nombre croissant de travaux montre que les départs d’enseignants et le manque de motivation sont étroitement liés à des facteurs tels que les conditions d’emploi et de travail, la rémunération, les perspectives de carrière, le soutien administratif en faveur des enseignants (comme le paiement de la rémunération en temps opportun), les REE et les effectifs de classe, les conditions de vie (en particulier le logement et le transport), ainsi que l’accès aux soins de santé (Bennell, 2004 ; Bennell et Akyeampong, 2007 ; Mulkeen, 2010 ; Mulkeen et Chen, 2008 ; VSO, 2002 et 2008). Lorsqu’il n’existe pas encore d’informations pour un pays donné, il est possible de commander une étude sur les facteurs qui influent sur le recrutement, sur la rétention et sur la motivation des enseignants dans un contexte spécifique.
Les stratégies d’attraction et de rétention des enseignants sont propres à chaque contexte et doivent porter directement sur les facteurs qui s’avèrent diminuer l’attractivité de l’enseignement, entraver le recrutement et contribuer aux départs d’effectifs (encadré 3.1).
Le manque de logements convenables figure parmi les raisons avancées par les enseignants pour justifier leur départ de la profession. Ce manque constitue également souvent un frein aux affectations dans les zones rurales reculées. La mise à disposition de logements, par les autorités chargées de l’éducation ou par les communautés, a favorisé la rétention des enseignants dans un certain nombre de pays anglophones d’Afrique :
En Gambie, où environ 25 % des enseignants disposent de logements de fonction, l’État a recours aux fonds accordés par des donateurs pour mettre des logements permanents à la disposition des enseignants en milieu rural, sans frais pour ces occupants. En combinaison avec une indemnité pour conditions difficiles substantielle pour les affectations en milieu rural (jusqu’à 40 % de la rémunération de base dans certains cas), cette mesure a un effet notable sur l’attraction et sur la rétention des enseignants dans les établissements scolaires ruraux ;
Au Lesotho, des logements pour enseignants sont fournis à un nombre limité d’enseignants du secondaire, mais rarement aux enseignants du primaire ;
Au Malawi, quelques établissements mettent des logements à la disposition des enseignants. Les occupants versent un loyer, utilisé pour l’entretien ou d’autres activités scolaires, à la discrétion de la direction de l’établissement ;
En Zambie, des programmes novateurs sont mis en place pour attirer et retenir les enseignants, qui consistent par exemple, dans le district de Gwembe, en l’octroi de crédits aux enseignantes des établissements les plus ruraux pour l’acquisition de panneaux solaires.
Une politique de recrutement peut également encourager à revenir vers l’enseignement les enseignants qualifiés et expérimentés qui sont à la retraite, en interruption de carrière, ou qui ont changé de profession. L’expérience montre qu’une telle politique peut fournir une masse d’aptitudes pédagogiques, particulièrement parmi les enseignantes qualifiées (souvent relativement jeunes) qui sont en interruption de carrière pour des raisons familiales (OCDE, 2005). Ces retours à la profession doivent s’organiser dans le cadre des politiques en matière de ressources humaines pour l’éducation et surtout s’accompagner de formations d’appoint et de PPP, en plus des mesures d’initiation et autres mesures de soutien professionnel appropriées. Plusieurs États d’Australie, comme le Queensland par exemple (QCT, 2013), disposent de programmes organisés et détaillés qui établissent clairement les exigences et les conditions auxquelles les candidats au retour doivent satisfaire pour pouvoir réintégrer le corps enseignant.
Un nombre croissant de pays d’Afrique, d’Asie du Sud et du Sud-Est et d’Amérique latine ont abandonné le modèle d’un corps enseignant majoritairement ou exclusivement réservé aux enseignants employés à titre permanent (fonction publique ou autre) pour engager de nombreux enseignants contractuels. Les enseignants contractuels sont recrutés pour diverses raisons dans différents contextes nationaux :
Les enseignants contractuels sont généralement recrutés sur la base de contrats temporaires ou à durée déterminée (souvent annuels). Ils n’ont parfois aucune qualification professionnelle, disposent habituellement d’une formation pédagogique minimale (de quelques semaines ou de trois à six mois dans le meilleur des cas) et perçoivent une rémunération nettement inférieure à celle des enseignants titulaires (jusqu’à un huitième de la rémunération d’un titulaire). Dans de nombreux pays, les enseignants contractuels sont plus jeunes, en général moins expérimentés et comptent quelquefois davantage de femmes, mais ces profils sont loin d’être uniformes (Duthilleul, 2005 ; Fyfe, 2007 ; Kingdon et al., 2013).
Les résultats des différents régimes sont mitigés. Les enseignants contractuels ont permis une augmentation substantielle de la scolarisation et la réduction des REE dans les pays d’Afrique de l’Ouest où ils ont été déployés massivement pour la première fois. Cependant, ces pays se classent toujours au dernier rang ou presque des classements internationaux en matière d’accès à l’éducation et à l’apprentissage. D’un autre côté, en Inde, le recours accru à des enseignants contractuels n’a pas entraîné de détérioration de la qualité de l’éducation et, dans certains contextes locaux, a peut-être même permis d’améliorer les résultats de l’apprentissage. Il semblerait que les faibles niveaux de formation des enseignants contractuels soient compensés par des efforts scolaires et pédagogiques accrus, mais les différences sont la plupart du temps infimes et l’incidence globale est minimale. Les enseignants contractuels sont plus susceptibles de faire preuve d’assiduité que les enseignants fonctionnaires au Bénin et en Inde, mais plus susceptibles d’être absents en Indonésie et au Pérou (Alcázar et al., 2006 ; Bhattacharjea et al., 2011 ; Chaudhury et al., 2006 ; Senou, 2008). Il se peut que l’absentéisme soit moins fréquent chez les enseignants contractuels dans des pays comme le Bénin et l’Inde en partie parce que ces enseignants vivent généralement dans les communautés où se trouvent les établissements scolaires et ont moins de responsabilités non pédagogiques que les enseignants fonctionnaires (UNESCO, 2014a : 268).
Plusieurs conditions président à un recours concluant à des enseignants contractuels, qui ne sont pas simplement liées à leur statut. Au rang de celles-ci figure une plus grande implication des parents ou de la communauté, en vertu du recrutement local des enseignants. Dans une étude expérimentale menée au Kenya, l’effet positif d’une réduction de moitié des effectifs des classes grâce au recrutement d’un enseignant contractuel n’a été observé que dans les communautés où des parents avaient été formés pour encadrer les enseignants, tandis que les proches des enseignants fonctionnaires locaux n’étaient pas autorisés à se faire embaucher comme enseignants contractuels (Duflo et al., 2012). De même, au Mali, les notes obtenues en langue et en mathématiques par les élèves de deuxième et de cinquième années du primaire étaient systématiquement plus élevées avec les enseignants contractuels qui étaient suivis de près par la communauté locale (Bourdon et al., 2010 ; UNESCO, 2014a : 259).
Différentes initiatives ont été mises en place pour intégrer progressivement les enseignants contractuels dans les corps enseignants nationaux. Les enseignants contractuels et communautaires du Bénin ont été intégrés dans la fonction publique à l’aide d’une formation conforme aux normes nationales en matière de formation initiale. L’Indonésie s’est dotée d’un ambitieux programme d’évaluation, de perfectionnement professionnel et de plan de carrière pour les enseignants, en vue d’intégrer son pourcentage élevé d’enseignants contractuels dans la fonction publique, au prix d’une augmentation importante des dépenses du Gouvernement en faveur de l’éducation (Chang et al., 2014 ; UNESCO, 2014a : 258).
Diverses initiatives prometteuses visent à appuyer le perfectionnement professionnel des enseignants sans formation au moyen de l’enseignement à distance. Au Ghana, le programme de diplôme pour enseignants sans formation dans le domaine de l’éducation de base fournit un soutien à plus de la moitié des enseignants sans formation dans les 57 districts les plus défavorisés (UNESCO, 2014a : 249).
Le recrutement d’enseignants communautaires sous-qualifiés et peu formés peut apporter un soutien aux établissements scolaires des zones reculées et des communautés marginalisées. Au Viet Nam, le programme des auxiliaires d’enseignements et de préparation à l’école lancé en 2006 a permis à plus de 100 000 enfants de bénéficier d’un apprentissage. Plus de 7 000 auxiliaires d’enseignement bilingues recrutés localement dans 32 provinces ont été affectés pour aider les enfants issus de minorités ethniques dans les zones reculées à se préparer pour l’école au moyen d’activités d’éducation de la petite enfance pendant deux mois avant leur admission en première année de l’enseignement primaire ; les enfants ont en outre bénéficié d’un enseignement complémentaire une fois à l’école, y compris une aide à l’apprentissage du vietnamien (Harris, 2009 ; UNESCO, 2014a : 280). Au Cambodge, les enseignants stagiaires sont normalement tenus de terminer la douzième année d’étude pour pouvoir entrer dans l’enseignement ; cependant, cette mesure a été assouplie pour les zones reculées ne disposant pas du second cycle de l’enseignement secondaire, ce qui permet une augmentation du nombre d’enseignants motivés pour rester dans lesdites zones reculées et capables de dispenser un enseignement dans la langue locale (Benveniste et al., 2008 ; UNESCO, 2014a : 235).
Certains pays à revenus élevé et intermédiaire ont mis en place des systèmes similaires aidant à recruter comme enseignants les meilleurs diplômés directement issus de l’enseignement supérieur. Ces autres voies d’entrée, utilisées pour la première fois aux États-Unis avec le programme « Teach for America », permettent de recruter les diplômés d’université qui souhaitent enseigner dans les établissements scolaires défavorisés des zones urbaines et rurales, en leur offrant une formation initiale et une initiation succinctes avant qu’ils ne commencent à enseigner. Ces programmes se sont étendus à plusieurs autres pays de l’OCDE et d’Amérique latine. Des évaluations indépendantes du programme « Teach for America » ont montré que ces enseignants sont aussi efficaces que d’autres enseignants également sans formation pour ce qui est d’obtenir des résultats d’apprentissage sur la base d’épreuves normalisées, mais qu’ils ne sont pas aussi efficaces que les enseignants débutants certifiés qui ont bénéficié de la formation classique à l’enseignement. De plus, 50 % de ces jeunes personnes quittent l’enseignement au bout de deux ans et 80 % après trois ans : des chiffres supérieurs encore aux taux moyens de départs d’effectifs aux États-Unis. Ces taux de renouvellement élevés ont des conséquences fâcheuses sur la stabilité des environnements d’apprentissage offerts aux élèves défavorisés et occasionnent des frais de recrutement supplémentaires pour les autorités éducatives qui les emploient (Vasquez Heilig et Jez, 2014 : 1, 13-14).
Une politique enseignante doit soigneusement peser les avantages et les inconvénients d’un recrutement à grande échelle d’enseignants contractuels par rapport à l’accès à l’éducation, à la qualité de l’éducation et aux objectifs de celle-ci en matière de diversité. Même si cela s’avère souvent nécessaire et bénéfique pour améliorer l’accès à l’éducation dans les zones rurales et reculées des pays à faible revenu, la coexistence de deux différents systèmes de qualifications et d’exigences pour entrer dans la profession entraîne une dégradation de la situation professionnelle qui compromet le recrutement de candidats de qualité sur le long terme. Un programme de ce type peut d’autre part conduire à l’appauvrissement de la qualité de l’enseignement et de l’environnement d’apprentissage dans les établissements scolaires, en raison des tensions et d’une coopération limitée entre les enseignants contractuels et les enseignants employés à titre permanent. Même si certains des exemples qui précèdent montrent qu’il est possible de formuler une politique de qualité dans des circonstances peu idéales, aux fins de l’élaboration d’une politique appropriée relative aux enseignants contractuels/communautaires, il est souhaitableNote de bas de page 9:
La plupart des pays disposent de procédures en place pour l’habilitation ou la certification des enseignants, destinées à assurer aux personnes désireuses d’enseigner les connaissances, les compétences et les caractéristiques nécessaires. Ces exigences sont très variables, mais comprennent généralement le niveau d’instruction, les aptitudes à l’enseignement, la nationalité, la maîtrise de la langue d’enseignement, ainsi que les contrôles médicaux et de sécurité. Les personnes chargées de l’élaboration d’une politique enseignante auront à cœur de collaborer avec des organismes professionnels (comme les conseils professionnels des enseignants lorsqu’il en existe) ou créer de telles structures là où elles ne sont pas en place, de façon à ce que les procédures d’habilitation des enseignants reflètent l’ensemble de la politique relative au développement et à l’éducation. Les mesures consisteront notamment à passer en revue les organes et les procédures d’habilitation, ainsi qu’à assurer la cohérence de la politique en matière d’habilitation par rapport à la formation des enseignants (voir section 3) et aux normes applicables aux enseignants (voir section 3.6). Il importe de veiller à la transparence et à l’équité des processus d’habilitation, afin d’éviter l’exclusion de certains groupes ou de certaines personnes (Darling-Hammond, 2001 : 751-776 ; OIT, 2012 : 16-17).
L’équité et la transparence dans le cadre du recrutement et de la rétention des enseignants constituent des principes fondamentaux. L’équité doit s’entendre non seulement comme une pratique inclusive en termes de sexe, d’âge, de langue et d’origine ethnique, mais également comme une approche plus large qui influe sur l’ensemble du processus de recrutement. Par exemple, la politique et les procédures de recrutement doivent comprendre des mesures concrètes pour garantir une égalité d’accès aux candidats handicapés, ainsi qu’à ceux issus de groupes minoritaires, provenant de communautés rurales, ayant des responsabilités familiales ou vivant avec le VIH. Cette disposition nécessite des mesures ou actions consistant notamment à:Note de bas de page 10
L’efficacité des chefs d’établissement est l’un des principaux facteurs dont dépendent l’efficacité des établissements scolaires et des enseignants, et donc les résultats scolaires. Or, dans de nombreux contextes, les chefs d’établissement ou les « chefs par intérim » sont choisis au sein du personnel enseignant existant et nommés aux fonctions de direction sans qu’ils aient les aptitudes, la formation ou l’autorité nécessaires à l’accomplissement efficace de ces fonctions (OIT, 2012 : 42 ; OCDE, 2014a : 68-70). Une politique enseignante doit prévoir un recrutement des chefs d’établissement fondé sur les principes d’efficacité, d’équité et de transparence. Même s’il est possible, dans certains contextes, de combiner la direction d’un établissement scolaire avec l’enseignement en salle de classe, tous les chefs d’établissement doivent être officiellement nommés et rémunérés pour leurs responsabilités de direction.
Le recrutement des chefs d’établissement ira de pair avec une formation à la gestion d’un établissement scolaire, que celle-ci soit dispensée avant le recrutement ou bien en cours d’emploi, dans le cadre du PPP. Ce processus doit se fonder sur les exigences auxquelles les chefs d’établissement doivent satisfaire en termes de qualifications, de connaissances, de compétences et de caractéristiques (voir sections 3.7 et 3.7.3). Les exigences en matière de qualification pour les chefs d’établissement allient généralement des qualifications universitaires, une formation professionnelle en tant qu’enseignant, une formation en gestion (axée sur l’administration scolaire, sur le leadership pédagogique et sur l’amélioration de l’établissement) et une durée minimale d’expérience pratique de l’enseignement (OIT, 2012 : 43 ; OCDE, 2014a : 71-72).
Le processus de recrutement doit se fonder sur ces exigences et permettre de trouver d’une manière transparente et ouverte des candidats capables d’y satisfaire. Un cadre pour les procédures de recrutement et les critères d’admissibilité a été recommandé en vue de faciliter ce processus. Lorsque des postes de chefs d’établissement se libèrent, leur annonce doit faire l’objet d’une diffusion adéquate, à travers des canaux de communication locaux appropriés et largement accessibles, à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de l’établissement scolaire. Des informations claires relatives au profil recherché (qualités requises), à la description du poste de travail et au processus de soumission des candidatures doivent être disponibles à titre gratuit. Les jurys de sélection doivent comprendre des représentants des employeurs, des enseignants et des parents, ainsi que des membres des organes de direction des établissements ou des conseils scolaires, préalablement formés au recrutement des chefs d’établissement. Si aucun candidat ne satisfait aux conditions établies, un candidat qui démontre qu’il est en mesure d’exercer les fonctions en question s’il bénéficie d’un accompagnement, d’une préparation et d’une formation professionnels suffisants peut être nommé ; dans ce cas, la confirmation de l’affectation doit être subordonnée à la condition que le candidat atteigne le niveau de qualification et de performance requis dans un délai convenu (OIT, 2012 : 41-45 ; OCDE, 2009 : 22, 39).
Il existe des conditions très spécifiques pour le recrutement des enseignants dans les États fragiles et dans les situations d’urgence, notamment les contextes de post-conflit et post-catastrophe (PCPC).
Ces recrutements doivent être planifiés de manière systématique et prévoir : des plans coordonnés à long terme garantissant la disponibilité et la stabilité des enseignants ; des conditions de travail et d’emploi clairement établies ; et des mesures de soutien et de perfectionnement professionnels pour les enseignants qui travaillent avec des apprenants confrontés à des conflits et éprouvant des traumatismes.
L’INEE a établi des normes minimales pour le recrutement et la sélection des enseignants dans les situations d’urgence (encadré 3.2).
L’INEE a proposé que l’objectif dans les situations d’urgence soit le suivant : « Un nombre suffisant d’enseignants et autres personnels de l’éducation dûment qualifiés est recruté à travers un processus participatif et transparent, selon des critères de sélection qui prennent en compte la diversité et l’équité » (p. 95).
Les notes d’orientation pour la réalisation de cet objectif recommandent ce qui suit :
Un cadre cohérent et global pour la formation des enseignants constitue une composante majeure d’une politique enseignante. « Il est nécessaire d’avoir, au niveau national et international, une politique solide et axée sur des objectifs pour la formation des enseignants, qui expose clairement l’offre et la demande, les besoins en termes de budgets et de ressources et la manière dont ceux-ci permettront d’atteindre les objectifs de l’éducation » (OIT, 2012 : 225). La formation des enseignants comporte trois étapes connexes : la formation initiale ; la période d’initiation, quand les enseignants nouvellement diplômés commencent à enseigner et doivent bénéficier d’un tutorat et d’un soutien assuré par un superviseur avant d’obtenir leur autorisation d’enseigner ; et le perfectionnement professionnel permanent (PPP) ou l’éducation et la formation dans le cadre du service (EFS), particulièrement importante chez les enseignants sans formation ou à la formation insuffisante (UNESCO, 2014a : 236).
La formation initiale des enseignants (aussi appelée formation des enseignants avant la prise de fonctions) est essentielle à la qualité et à la performance des enseignants. Darling-Hammond (2000 : 1) fait observer que :
Les résultats des études quantitatives et qualitatives indiquent que les investissements stratégiques dans la qualité du personnel enseignant peuvent favoriser l’amélioration des performances des élèves. Les analyses quantitatives montrent que les mesures de formation et de certification des enseignants constituent de loin les corrélats les plus marqués du niveau de réussite des apprenants en lecture et en mathématiques, aussi bien avant qu’après la prise en compte du niveau de pauvreté et du statut linguistique des élèves. [...] Cette étude indique que les politiques adoptées par les États [aux EUA] en matière de formation, de certification, d’embauche et de perfectionnement professionnel des enseignants peuvent avoir une influence certaine sur les qualifications et sur les capacités dont s’arment les enseignants pour leur travail.
En Inde, il a été constaté que la formation des enseignants avant leur prise de fonctions et l’obtention d’une qualification de niveau Master ont une importante corrélation positive avec les résultats des apprenants (Kingdon, 2006). Une étude à partir des données du Consortium d’Afrique australe et orientale pour le pilotage de la qualité de l’éducation (SACMEQ) a révélé que le nombre d’années de formation professionnelle des enseignants influe positivement sur le niveau de réussite en mathématiques dans certains cas, mais n’influe aucunement sur la réussite des élèves dans quatre pays sur cinq (Spreen et Fancsali, 2005).
Toutefois, la formation initiale des enseignants doit faire partie d’un modèle intégré de formation professionnelle, en lien avec l’initiation et le tutorat en début de carrière et avec le perfectionnement professionnel permanent tout au long de la carrière. La formation initiale des enseignants peut se planifier dans le cadre d’une stratégie de recrutement des enseignants fondée sur les besoins du moment (voir section 3.1). Pour cette raison, la coordination entre les programmes de formation professionnelle, les ministères ou services de l’éducation (y compris les structures décentralisées) et les organes responsables du financement de la formation et du recrutement des enseignants s’avère indispensable, en particulier au vu de l’importance accrue attachée aux résultats davantage axés sur le milieu scolaire et sur les apprenants (OIT, 2012 : 224-226 ; Moon, 2013 : 11-14).
Trop souvent, les candidats sont recrutés sur la base de conditions minimales d’admission, sans étude de leur attitude, de leur motivation et de leur aptitude à la profession enseignante. Les processus de sélection peuvent comprendre des entretiens, des épreuves d’aptitudes et une évaluation de l’aptitude à exercer et de la motivation. Même si leur mise en œuvre est coûteuse, ces mesures portent leurs fruits à moyen terme et à long terme, en améliorant la rétention et la performance des enseignants. Le fait d’offrir des bourses aux candidats les plus aptes peut permettre d’améliorer le recrutement des enseignants pour les matières rares. Il convient que les concepteurs de politiques mettent en place des mécanismes de sélection visant à repérer les candidats aptes et motivés pour la formation initiale à l’enseignement.Note de bas de page 11
Les conditions d’admission diffèrent en fonction du contexte : dans les pays où il y a peu de diplômés de l’enseignement supérieur, des candidats qui ont achevé avec succès leurs études secondaires (voire dix années de scolarité) peuvent se voir recrutés pour être formés en tant qu’enseignants du primaire, tandis que les candidats à la formation pour l’enseignement secondaire devront présenter un diplôme. Cependant, les conditions minimales d’admission doivent permettre d’établir un équilibre entre, d’une part, l’attraction de candidats disposant d’un niveau d’instruction suffisamment élevé et du potentiel pour devenir des enseignants efficaces et, d’autre part, la nécessité de s’assurer qu’ils sont suffisamment nombreux pour répondre aux besoins. En général, la révision à la hausse des conditions minimales d’admission constitue une stratégie efficace pour attirer les candidats les plus qualifiés et, par conséquent, améliorer la qualité de l’éducation. Toutefois, cette stratégie a des incidences budgétaires, car les candidats les plus qualifiés sont plus susceptibles d’être retenus pour d’autres secteurs et sont de ce fait en mesure d’exiger une rémunération plus élevée. Le rehaussement des normes peut également entraîner une réduction de la diversité parmi les enseignants recrutés et des répercussions négatives en matière d’équité (diminution du nombre de femmes, de personnes issues de minorités ethniques ou linguistiques, de candidats handicapés et donc de futurs enseignants), ce qui implique un compromis par rapport au caractère éminemment prioritaire de la formation initiale des enseignants (voir aussi section 3.2.6). De manière générale, quand l’un des objectifs d’une politique enseignante est d’améliorer la qualité de l’éducation, les conditions minimales d’admission à la formation des enseignants doivent être suffisamment élevées afin de s’assurer que les enseignants qui terminent leur formation ont les connaissances, les compétences et les caractéristiques adéquates (voir l’exemple à l’encadré 3.3).
Les discussions concernant les moyens d’améliorer la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage dans les établissements scolaires de la Nouvelle-Galles-du-Sud (Australie) ont abouti à un « Plan d’action pour un enseignement de qualité et un apprentissage inspiré », conçu pour servir de base à une réforme. Prenant acte du fait que les performances des élèves sont fortement influencées par la qualité des enseignants, ce Plan comprend des orientations futures pour le recrutement de candidats aptes à suivre la formation initiale des enseignants.
« Les participants à la formation des enseignants disposeront d’excellents résultats universitaires et de capacités bien établies en lecture, en écriture et en calcul, et feront preuve d’une aptitude à l’enseignement ». Les candidats admis à la formation initiale des enseignants doivent avoir obtenu des notes minimales bien précises dans le cadre de leurs examens de fin d’études et justifier de capacités en lecture, en écriture et en calcul équivalentes à celles des 30 % de la population les plus brillants ; s’ils ne satisfont pas aux critères établis en lecture, en écriture et en calcul, ils peuvent accéder à la formation initiale des enseignants, mais seront tenus de terminer leurs études au cours de leur formation et de se soumettre à un nouvel examen de lecture, d’écriture et de calcul avant leur stage professionnel de dernière année, afin de prouver qu’ils possèdent les niveaux de compétences requis.
« L’enseignement attirera davantage les plus brillantes et motivées des personnes qui finissent leurs études et de celles qui aspirent à une réorientation professionnelle ». Les incitations et les bourses d’études viseront à attirer vers l’enseignement les « meilleures et les plus brillantes » des personnes qui finissent leurs études, en particulier dans les matières qui connaissent un déficit en enseignants et dans les communautés rurales et reculées. Les établissements d’enseignement secondaire seront encouragés à repérer les élèves les plus performants témoignant d’une aptitude à l’enseignement dès la dixième année de scolarité et à les orienter vers l’enseignement, par exemple en leur proposant des stages professionnels axés sur les métiers de l’enseignement.
Les contenus et les trames des programmes de formation des enseignants seront nécessairement adaptés au contexte local et doivent s’aligner sur les politiques nationales en matière d’éducation et sur les questions spécifiques relatives à la classe, comme les politiques linguistiques. Toutefois, un ensemble d’études convergentes montre que les approches les plus efficaces en matière de formation des enseignants associent théorie et pratique, en faisant appel à la participation active des personnes concernées à leur propre formation. Les sessions de formation pédagogique les plus efficaces impliquent un apprentissage actif, empirique et fondé sur la pratique, axé sur les résultats plutôt que sur les moyens mis en œuvre. Dans le cadre de ces formations, les enseignants stagiaires sont considérés comme des « pratiquants réfléchis », qui apprennent à la fois en agissant et en réfléchissant à leur pratique.
Cela signifie que la formation des enseignants doit comporter une quantité importante de pratique de l’enseignement en classe, encadrée par des enseignants expérimentés et qualifiés triés sur le volet, pour permettre aux enseignants stagiaires d’acquérir des compétences scolaires et pédagogiques. La formation pratique des enseignants en milieu scolaire prépare les enseignants stagiaires aux réalités du travail dans les établissements. Les enseignants stagiaires sensibilisés aux réalités de l’enseignement (y compris le travail dans des établissements isolés avec des ressources d’enseignement et d’apprentissage limitées, où les enseignants sont appelés à faire preuve de créativité et de motivation afin d’obtenir de bons résultats) sont plus susceptibles de se montrer efficaces dès le début de leur carrière. Les établissements de formation d’enseignants, tels que ceux gérés par les organisations Humana People to People, préparent explicitement les enseignants stagiaires à ces réalités ; la formation comprend une préparation à la vie et à l’enseignement dans des communautés reculées, y compris l’élaboration d’outils didactiques et pédagogiques à partir de supports disponibles localement (Humana People to People, 2013).
Il faut des formateurs d’enseignants efficaces, motivés et qui constituent une source d’inspiration, afin d’assurer une formation adéquate des enseignants stagiaires, même si peu de cadres stratégiques insistent suffisamment sur ce point (Moon, 2013 : 23 ; Naylor et Sayed, 2014 : 11). Note de bas de page 12. En fonction des besoins du contexte, une politique enseignante peut comprendre des recommandations ou des exigences concernant le profil, les qualifications et le perfectionnement professionnel des formateurs d’enseignants. Les formateurs d’enseignants doivent comprendre et utiliser les méthodes d’apprentissage actif, et soutenir efficacement la formation. Ils doivent comprendre la pédagogie et se montrer capables de transmettre une diversité de méthodes, de techniques et de processus d’enseignement ; avoir des connaissances et de l’expérience en ce qui concerne les questions pratiques liées au travail quotidien en classe et en milieu scolaire ; et participer à la recherche se rapportant directement à leur domaine de spécialité ou, à tout le moins, s’en tenir informés. Ils doivent être capables de donner l’exemple d’un bon comportement pédagogique dans leurs salles de classe, de façon à donner aux enseignants stagiaires « une authentique expérience d’apprentissage, avec des informations de première main sur l’enseignement et l’apprentissage qui pourraient ne pas être pleinement appréciées ou comprises (par exemple, lorsqu’elles ont trait à la diversité des apprenants) si elles devaient être abordées ou transmises par d’autres moyens » (CE, 2013 : 9 ; voir aussi UNESCO, 2014a). Ils doivent avoir une connaissance approfondie du système éducatif national et de son contexte, posséder des aptitudes avérées au travail d’équipe et au travail en collaboration, et éprouver un plaisir à enseigner, afin de favoriser une attitude positive des élèves à l’égard de l’enseignement (OIT, 2012 : 242-243).
L’exercice de la profession de formateur d’enseignants requiert un accès à l’apprentissage tout au long de la vie et un engagement en faveur de celui-ci. En plus de se tenir au courant des évolutions dans les domaines de l’éducation, de l’enseignement, et dans leur propre profession, les formateurs d’enseignants doivent aussi être des apprenants permanents afin de promouvoir l’apprentissage tout au long de la vie auprès des enseignants qu’ils forment. Comme dans le cas des enseignants, cela passera par la sélection et la formation initiale, l’initiation et le PPP durant toute sa carrière (CE, 2013 : 21).
Les critères de sélection peuvent comprendre une qualification officielle en tant que formateur d’enseignants ; ils peuvent spécifier une combinaison entre un niveau seuil de qualification (le niveau Master par exemple) et une expérience de l’enseignement au niveau primaire ou secondaire, ou se fonder sur un référentiel de compétences (voir section 3.7). Bien que les formateurs d’enseignants soient souvent choisis en fonction de leur connaissance de la discipline concernée ou de leur expérience de chercheur, plutôt que de leurs compétences en matière de formation des enseignants, « les critères des qualifications pour l’admission et de l’expérience antérieure peuvent être des instruments utiles dans la détermination d’un niveau seuil au début de la carrière d’un formateur d’enseignants » (CE, 2013 : 21-22).
Comme beaucoup de formateurs d’enseignants ne bénéficient pas d’une formation spécifique, une phase d’initiation facilite le passage du statut d’enseignant à celui de formateur d’enseignants. Elle favorise la compréhension du rôle, le renforcement de la confiance professionnelle et l’accès à la base de connaissances et au langage propres à la formation des enseignants (CE, 2013 : 22).
Les formateurs d’enseignants doivent avoir accès à un perfectionnement professionnel permanent, en lien avec les normes convenues en matière de formation des enseignants, ainsi que la responsabilité d’entreprendre ce perfectionnement (UNESCO, 2014a : 246-247). Ils doivent se soumettre à des évaluations régulières, en rapport avec ces normes et avec leurs plans de PPP. Une politique peut comprendre des exigences formelles de PPP, ou créer des incitations, des mécanismes et des conditions favorables afin de stimuler l’apprentissage professionnel, y compris le PPP autogéré.
Les communautés professionnelles et les associations de formateurs d’enseignants aident à la création et au renforcement de l’identité professionnelle des formateurs d’enseignants : cet aspect doit être développé au sein de la communauté professionnelle et ne saurait être mis en œuvre uniquement au moyen de mesures politiques (CE, 2013 : 31). Ces communautés professionnelles peuvent être des organisations officielles, capables de représenter leurs membres dans le cadre d’un dialogue avec les parties prenantes externes ; il peut s’agir notamment de syndicats, d’associations de particuliers ou d’associations professionnelles investies d’une fonction de réglementation. Par ailleurs, elles peuvent prendre la forme de communautés et de réseaux à caractère informel regroupant des professionnels de la formation des enseignants.
Non seulement les formateurs d’enseignants jouent un rôle primordial pour favoriser, maintenir et améliorer la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage, mais ils sont aussi idéalement placés pour contribuer à la formulation d’une politique éducative et enseignante. Pourtant, les formateurs d’enseignants et leurs représentants sont trop souvent oubliés lors de la conception des politiques, ce qui signifie que leurs connaissances et leur expérience n’y sont pas mises à profit ni prises en considération (CE, 2013 : 29). Les formateurs d’enseignants et leurs représentants doivent être des acteurs essentiels de l’élaboration et de la mise en œuvre de politiques enseignantes en général, et de politiques en rapport avec leur propre profession en particulier (Darling-Hammond, 2006 : 3, 13).
Le fait de mener à bien la formation initiale, y compris le stage pratique, mène à la qualification ou à l’obtention du statut d’enseignant qualifié (SEQ). En réalité, ce n’est que le début d’une carrière d’enseignant qui inclura un perfectionnement permanent. Avant d’être certifiés ou autorisés à exercer, les enseignants nouvellement qualifiés peuvent être tenus d’effectuer avec succès une période de probation ; elle offre la possibilité d’encourager et d’initier les nouveaux arrivants dans le monde de l’enseignement et de l’apprentissage, d’établir et de préserver les normes professionnelles appropriées, et de favoriser le développement des qualités pédagogiques des enseignants. HSi la période probatoire n’est pas exigée dans tous les pays, elle est de plus en plus considérée comme une étape essentielle préalable à la confirmation d’une carrière d’enseignant et doit être considérée comme un élément indispensable de la politique enseignante. La durée normale de la période de probation (généralement de plusieurs mois à trois ans – OCDE, 2005) doit être établie à l’avance et les conditions de succès [doivent] être d’ordre strictement professionnel. En cas d’échec à l’issue de la période probatoire, le candidat enseignant doit bénéficier d’une seconde chance avec un soutien professionnel accru. Du reste, une période de probation qui se clôture par un échec indique finalement un manque d’aptitude à l’enseignement. Il convient néanmoins que des procédures soient en place afin d’offrir des garanties légales aux candidats désireux de contester une évaluation négative (OIT/UNESCO, 1966 : article 39).
Dans les contextes où une période probatoire précède la certification d’un enseignant, elle peut être associée à une formation professionnelle continue ou à un programme d’initiation officiel, évalué(e) par un examen officiel ou par le formateur pour démontrer que l’enseignant satisfait aux conditions de certification. En Écosse par exemple, l’initiation dure un an et s’achève par l’évaluation officielle d’un « profil final » présenté par l’enseignant pour démontrer sa capacité à satisfaire à 23 normes professionnelles (CE, 2010 : 33 ; voir aussi section 3.6 8). Lorsque des périodes d’initiation sont d’application, les conditions et les critères qui les régissent doivent être réalistes et adaptés au contexte, afin d’éviter un alourdissement disproportionné de la charge qui pèse sur les enseignants nouvellement qualifiés et sur les personnes qui les encadrent.
Idéalement, qu’il y ait ou non recours à des périodes probatoires, il convient que les enseignants nouvellement qualifiés suivent des programmes d’initiation au cours desquels ils ont la possibilité d’approfondir les connaissances, les aptitudes et les attitudes acquises lors de la formation initiale, dans le cadre d’un tutorat assuré par des enseignants expérimentés. Parallèlement à d’autres formes d’accompagnement professionnel et de programmes de tutorat, l’initiation des enseignants débutants permet de renforcer la satisfaction professionnelle, l’efficacité des nouveaux enseignants (mesurée par l’amélioration des résultats d’apprentissage) et la rétention des enseignants (OIT, 2012 : 22 ; OCDE, 2014a : 88). Lorsqu’il n’existe que peu ou pas d’initiation ou autre forme d’accompagnement professionnel, en particulier dans les contextes isolés tels que les régions reculées ou abritant des minorités linguistiques, la motivation et l’efficacité des enseignants en pâtissent et les départs d’enseignants sont plus fréquents (Bennell, 2004 ; Bennell et Akyeampong, 2007 ; VSO, 2008).
Il importe de considérer l’initiation comme une étape de l’apprentissage tout au long de la vie, qui s’appuie sur la formation initiale et alimente le PPP ; des liens effectifs doivent impérativement exister entre les prestataires et les coordinateurs de ces différents services (CE, 2010 : 23).
L’initiation peut s’effectuer au niveau des établissements scolaires (l’établissement se charge de l’accompagnement du nouvel enseignant), de la communauté enseignante (les syndicats d’enseignants organisent des programmes d’accompagnement), des municipalités ou des groupes scolaires (les municipalités ou les groupes scolaires mettent en œuvre des programmes d’initiation), ou elle peut reposer sur une approche coopérative entre les établissements scolaires et les établissements de formation d’enseignants (formation en tutorat ou tutorat collectif ou individuel organisé par les établissements de formation d’enseignants ; cette approche se retrouve le plus souvent dans le cadre de programmes d’initiation officiels au cours d’une période probatoire). Les groupes scolaires (qui mettent en relation un certain nombre d’établissements afin de favoriser le perfectionnement professionnel des enseignants au sein du groupe) constituent la forme de perfectionnement professionnel la plus répandue dans les pays en développement. Il existe en général un établissement coordinateur (dont la désignation s’effectue éventuellement à tour de rôle), qui initie et promeut le perfectionnement professionnel. Des groupes d’enseignants partagent leurs expériences et leurs problèmes, et apportent une entraide professionnelle. Les questions clés pour les groupes sont celles de leur prise en charge et de leur contrôle.
L’initiation doit apporter aux nouveaux enseignants un soutien personnel, social et professionnel ; cela peut prendre la forme d’un tutorat, de contributions d’enseignants experts ou de formateurs d’enseignants, d’un soutien entre pairs et d’une réflexion introspective (CE, 2010 : 16-21 ; OIT, 2012 : 245-246). Des recherches ont révélé que les programmes d’initiation réussis sont complets, collaboratifs et centrés sur l’apprentissage professionnel :
Les tuteurs jouent un rôle essentiel dans le cadre des programmes d’initiation et gagnent en importance ; à Singapour, des programmes de tutorat structurés prolongent l’initiation et les premières années de formation des nouveaux enseignants jusqu’à deux ans (OCDE, 2014a : 90, 93). Lorsque des enseignants expérimentés jouent le rôle de tuteurs auprès de collègues nouvellement qualifiés, les critères pour leur sélection doivent être clairement établis et reposer sur des référentiels de compétences ; les tuteurs doivent bénéficier d’un soutien et d’une formation adéquats, leurs activités de tutorat doivent faire l’objet d’évaluations régulières et ils doivent se voir confier une charge d’enseignement réduite et/ou bénéficier d’incitations, telles qu’une indemnité de responsabilité (UNESCO, 2014a : 244). Dans la mesure où les critères de compétence sont respectés, il est possible de faire appel à des enseignants retraités pour encadrer les enseignants nouvellement qualifiés, de sorte que leurs précieuses expérience et compétences puissent encore profiter au système éducatif après leur départ de l’enseignement.
L’absence d’initiation dans de nombreux pays, en particulier en Afrique subsaharienne, est peut-être l’une des causes à l’origine des taux élevés de départs d’enseignants. Le recours à un tuteur du même domaine ou à un emploi du temps commun et une collaboration avec d’autres enseignants sont les facteurs les plus susceptibles de favoriser une réduction de la rotation du personnel enseignant, dès lors que « les enseignants qui participent à des combinaisons ou à des ensembles d’activités de tutorat et d’initiation de groupe [sont] moins susceptibles de partir pour d’autres établissements scolaires ou de quitter l’enseignement à la fin de leur première année » (Smith et Ingersoll, 2004 : 706).
Les responsables politiques peuvent se poser un certain nombre de questions fondamentales lors de la conception d’un programme d’initiation approprié au contexte local :
L’encadré 3.4 contient une liste de contrôle pour les responsables politiques.
Objectifs
Conception
Mise en œuvre
Disposez-vous d’un système efficace de suivi, d’évaluation et d’assurance de la qualité de la politique et des procédures une fois mises en œuvre ?
Les principes d’inclusion et d’équité doivent caractériser tous les niveaux de la formation initiale des enseignants, du recrutement des enseignants stagiaires jusqu’au recrutement des formateurs d’enseignants, ainsi que le contenu et l’approche de la formation. Les contenus de la formation initiale des enseignants doivent mettre explicitement l’accent sur la formation à l’inclusion et à l’équité, afin que les stagiaires apprennent à enseigner d’une manière inclusive pour tous les apprenants, indépendamment du sexe, du handicap, de l’origine ethnique, de la langue ou de l’appartenance à des groupes minoritaires. Les enseignants doivent avoir conscience des mécanismes d’exclusion, de préjugés et de discrimination et doivent être préparés à adapter leurs méthodes et outils pédagogiques compte tenu des différents besoins de divers groupes d’apprenants, y compris ceux ayant des besoins éducatifs spéciaux. La formation doit comprendre l’éducation à la citoyenneté et à l’équité, afin d’assurer une participation effective. L’accent mis sur l’équité dans la formation permettrait de veiller à ce qu’il y ait un nombre suffisant d’enseignants formés pour dispenser l’enseignement dans la langue en usage (UNESCO, 2010d : 186-187 ; UNESCO, 2014a : 218, 239, 247).
La préparation à l’inclusion et à l’équité dans la formation initiale des enseignants doit refléter la politique nationale en matière d’éducation inclusive. Lorsqu’une telle politique n’existe pas encore, il convient que les gouvernements envisagent d’en élaborer une, tout en veillant à sa cohérence avec la politique enseignante.
Comme indiqué précédemment, la formation des enseignants doit être continue et couvrir l’ensemble de la carrière d’un enseignant. L’accès à un PPP régulier et de bonne qualité permet aux enseignants d’être efficaces et motivés, et d’actualiser leurs savoirs dans la matière enseignée, leurs compétences en classe et leur connaissance des évolutions politiques ; les études font état d’avantages évidents pour un meilleur apprentissage (OIT, 2012 : 75 ; OCDE, 2014a : 97, 107). Le PPP doit s’aligner sur les autres dimensions d’une politique enseignante holistique intégrée. Les structures ou schémas de carrière des enseignants, fondés sur les normes convenues définissant les compétences et comportements essentiels attendus d’un enseignant aux différentes étapes de son perfectionnement professionnel (voir section 3.4 ci-après), peuvent inclure la réussite d’un programme de PPP en tant que critère d’évolution de carrière et de progression de la rémunération (voir section 3.6 ci-après).
Le PPP doit être bien intégré à la formation initiale des enseignants et s’inscrire dans le prolongement de celle-ci. Pour être efficace, le PPP doit s’effectuer en milieu scolaire (dans la mesure où les ressources permettent le PPP dans les établissements) et être axé sur la pratique, intégré aux tâches quotidiennes des enseignants en classe et lié aux réformes systémiques visant l’amélioration de la qualité de l’éducation. Si le PPP permet d’améliorer considérablement les résultats des élèves, les systèmes scolaires doivent réfléchir stratégiquement à son contenu et à la manière de le dispenser, et adapter la formation aux besoins particuliers des différents enseignants. L’accompagnement personnalisé sur le terrain constitue un moyen efficace de donner des conseils sur la pratique en classe et doit être au cœur de tout bon programme de perfectionnement professionnel. Il doit également être adapté aux besoins des enseignants, se dérouler dans l’enceinte des établissements scolaires et porter sur les approches pédagogiques (notamment les approches axées sur l’apprenant) et sur les compétences que les enseignants peuvent utiliser en classe (Schwille et al., 2007 ; Sayed, 2009 ; UNESCO, 2014a : 245). Un PPP efficace doit également être suffisamment long et continu pour avoir un effet sur les pratiques des enseignants. Une formation « en cascade », ponctuelle et à court terme, ne saurait être une forme efficace de PPP, surtout si le but est de changer les pratiques pédagogiques des enseignants.
Les employeurs doivent mettre en place un environnement propice au PPP, notamment en s’assurant que les enseignants disposent du temps et des possibilités de perfectionnement professionnel nécessaires pendant leur séjour au sein d’un établissement (OCDE, 2014a : 107-108). Il importe que le PPP en milieu scolaire comprenne des apports extérieurs à l’environnement immédiat et à l’expérience de l’enseignant. Il peut s’agir de sessions de formation assurées par des enseignants experts au niveau de l’établissement ou du groupe scolaire, de cours de formation à distance au moyen de supports imprimés ou électroniques, ou de cours en résidence dans les établissements de formation d’enseignants (OIT, 2012 : 77-79). Le tutorat par des enseignants experts, ainsi que le tutorat et l’observation entre pairs et les réunions d’équipe pour la préparation des cours et l’accompagnement, constituent des aspects importants du PPP en milieu scolaire (voir aussi section 3.2.5).
Du fait de leur statut de professionnels, les enseignants ont à la fois le droit et l’obligation de participer à des activités de PPP pour renforcer leurs compétences professionnelles et pour se tenir informés des évolutions dans leur domaine. Cela revêt une importance particulière dans le cadre de la profession enseignante, où la perception des bonnes pratiques évolue régulièrement au gré de la disponibilité de nouvelles données. Le principe selon lequel les enseignants doivent être maîtres de leur propre perfectionnement professionnel est important si l’on veut que les enseignants soient des professionnels actifs, disposant d’un degré élevé d’autonomie dans leur pratique en classe.
Le PPP doit être accessible à tous les enseignants, indépendamment de leur niveau de qualification et de leur situation géographique, afin qu’ils enseignent en tant que « pratiquants réfléchis ». En particulier, une politique enseignante doit trouver des moyens créatifs pour que les enseignants affectés dans les zones rurales et reculées puissent avoir régulièrement accès à des possibilités de perfectionnement professionnel. Le fait de proposer des possibilités attrayantes de PPP peut faire partie d’un ensemble de mesures visant à encourager les enseignants à accepter des affectations lointaines pour une période bien définie. Un élément de PPP pour les enseignants en poste dans des zones reculées sera probablement la création d’outils d’enseignement et d’apprentissage à partir de supports disponibles localement. Les possibilités de PPP associées aux nouvelles technologies et à l’apprentissage mixte présentent un intérêt particulier pour les enseignants des zones reculées, comme évoqué ci-après.
Il convient d’inscrire le PPP dans les budgets consacrés à l’éducation au niveau national, régional, local ou des établissements, en fonction de la nature du système éducatif. Une politique enseignante doit prévoir un financement spécifique pour le PPP, afin d’éviter que les fonds destinés à l’éducation ne soient utilisés à d’autres fins, comme le comblement de déficits de rémunération. Une allocation annuelle de PPP par enseignant, ajustée en fonction de la parité des pouvoirs d’achat et tenant compte du coût de la rémunération des enseignants remplaçants, le cas échéant, peut constituer une stratégie pour le financement du PPP. L’encadré 3.5 présente l’exemple d’un pays.
Il convient d’inscrire l’offre de PPP dans les budgets consacrés à l’éducation au niveau national, régional, local ou des établissements, en fonction de la nature du système éducatif.
Il est souhaitable qu’une politique enseignante prévoie un financement spécifique pour le PPP, afin d’éviter que les fonds destinés à l’éducation ne soient utilisés à d’autres fins, comme le comblement de déficits de rémunération. Une allocation annuelle de PPP par enseignant, ajustée par rapport au pouvoir d’achat, peut constituer une stratégie pour le financement du PPP et peut comprendre le coût de la rémunération des enseignants remplaçants, le cas échéant. L’encadré 3.5 présente l’exemple d’un pays.
En 2010, après avoir examiné les données disponibles, la Commission aux enfants, aux écoles et aux familles de la Chambre des communes du Royaume-Uni a relevé que l’incidence du perfectionnement professionnel sur l’efficacité des enseignants représente « souvent jusqu’à six mois supplémentaires de progrès par an chez les élèves ». Le rapport a révélé que « la détermination d’un niveau seuil de dépense pour le perfectionnement professionnel (en tant que pourcentage du budget total d’un établissement) appuierait les efforts généraux visant à ancrer une culture du perfectionnement professionnel chez le personnel des établissements », recommandant que « l’allocation de ces fonds intervienne dès que possible ».
L’enseignement est une activité dynamique en constante évolution, suivant les besoins sociaux et les environnements culturels, économiques et technologiques, aussi bien au niveau mondial qu’au niveau local. Les enseignants évoluent également au fil de leur carrière : leur assurance, leur style pédagogique et leur maîtrise de la matière et des techniques d’enseignement ne sont pas du tout les mêmes à différents moments de leur vie professionnelle. C’est pourquoi les plans de perfectionnement professionnel continu, associés à des évaluations et à un accompagnement professionnel personnalisé, peuvent permettre aux enseignants de planifier leur perfectionnement professionnel en fonction de leurs points forts, de leurs points faibles et de leurs besoins du moment, ainsi que des besoins de leur établissement scolaire et de ceux du système éducatif dans son ensemble. En effet, le PPP doit systématiquement s’accompagner d’évaluations et de retours d’information, sur la base de normes établies (OCDE, 2013c ; voir aussi section 3.6 ci-après). Dans les systèmes éducatifs où il existe des plans de développement des établissements scolaires, il convient d’intégrer les plans individuels de perfectionnement professionnel à ces derniers. Le cas échéant, une évaluation des plans individuels des enseignants peut constituer un élément de l’inspection scolaire. L’accompagnement des enseignants dans l’élaboration de plans individuels de perfectionnement professionnel peut les aider à s’approprier leur PPP et à le prendre en charge. Le plan forme alors la base d’un accord entre l’enseignant et son employeur, qui énonce les conditions et les responsabilités pour les deux parties : de combien de temps l’enseignant disposera-t-il pour son PPP au sein de l’établissement et en dehors ? Comment les sessions spécifiques ou autres possibilités de PPP seront-elles financées ? Quelle sera la contribution de l’employeur au PPP de l’enseignant ? Quelle sera la contribution de l’enseignant ?
L’encadré 3.6 ci-après présente un exemple de PPP au Japon.
« L’Étude de la leçon » (du terme japonais jugyokenkyu) est un exemple de PPP en équipe, dirigé par les enseignants et continu, qui existe au Japon depuis 200 ans. Cette méthode, qui a connu un grand succès au Japon, a aussi été adaptée et appliquée dans d’autres pays. Les enseignants se réunissent pour planifier, analyser et améliorer leurs pratiques pédagogiques. Cette approche peut consister en la préparation collective d’une leçon par les enseignants, suivie de l’observation de la leçon dispensée aux élèves par un membre du groupe. À la suite de la leçon, les enseignants échangent sur son déroulement, sur les réactions des élèves et sur les voies d’amélioration possibles. La leçon peut être enseignée par la suite à un autre groupe d’élèves, en y incorporant les améliorations.
L’étude de la leçon comprend toutes les caractéristiques essentielles d’une activité de PPP réussie : elle se déroule en classe et est généralement liée aux efforts de l’ensemble de l’établissement, puisque tous les enseignants sont encouragés à y prendre part. Elle est participative, dirigée par les enseignants, et se consacre à la recherche des voies et moyens d’amélioration de l’enseignement. Elle est centrée sur l’objet de l’enseignement dispensé aux élèves et sur leurs stratégies d’apprentissage, et constitue un processus continu avec un retour d’information constant.
Les possibilités offertes par les TIC s’avèrent essentielles dans le cadre de la formation des enseignants pour deux raisons. D’une part, ces technologies permettent de coordonner la formation et le PPP des enseignants et de les dispenser partiellement ou totalement à l’aide d’outils et de médias électroniques [à la fois en présentiel et à distance, entre autres à travers les formations en ligne ouvertes à tous, appelées MOOC (Fyle, 2013)]. D’autre part, les enseignants de ce XXIe siècle (où de nombreux apprenants sont des utilisateurs quotidiens, ou du moins très réguliers des technologies fondées sur Internet) doivent être conscients du potentiel de la pédagogie ayant recours aux TIC en classe et se familiariser avec l’utilisation de différents outils d’enseignement. Les données émanant des pays à revenu intermédiaire et des pays à revenu élevé montrent que les enseignants accordent une grande importance à ces formations (OCDE, 2014a : 107). La nécessité pour les enseignants d’être capables d’assister les apprenants dans l’utilisation des TIC ne signifie pas que ces outils puissent remplacer les enseignants ou se substituer aux moyens d’apprentissage traditionnels. Au contraire, l’utilisation des TIC en classe nécessite une formation approfondie des enseignants afin qu’ils sachent les utiliser et acquièrent les compétences utiles pour développer des applications qui répondent à des besoins spécifiques et dont ils ont la maîtrise (IICD, 2007).
Les TIC doivent être enseignées en tant que matière et intégrées à l’enseignement des matières dans le cadre de la formation initiale et continue des enseignants (Latchem, 2010). Il existe un certain nombre de référentiels de compétences en matière de TIC pour les enseignants, parmi lesquels notamment celui de l’UNESCO (UNESCO, 2011). Un examen des politiques nationales relatives aux TIC et à la formation initiale des enseignants portant sur 31 pays de l’OCDE révèle que dans de nombreux pays, l’accent est mis sur l’utilisation des TIC davantage dans la formation continue que dans la formation initiale des enseignants. L’étude préconise une intégration accrue des TIC dans la formation initiale des enseignants, ainsi qu’une définition plus claire des compétences numériques requises des enseignants. Il faut élaborer les politiques et stratégies nationales en matière de TIC pour la formation des enseignants davantage à partir de la base, afin d’éviter qu’elles ne soient trop normatives et d’assurer leur crédibilité et leur appropriation par les parties prenantes qui les mettront en œuvre. Une cohérence est primordiale entre les différentes politiques en matière de TIC dans des domaines tels que l’élaboration des programmes scolaires, les référentiels de compétences pour les enseignants et les cadres et pratiques d’évaluation (Rizza, 2011 : 40). Le bureau de l’UNESCO à Bangkok présente des études de cas sur l’intégration des TIC dans les programmes de formation initiale des enseignants en Australie, en Chine, en République de Corée, aux Philippines, à Singapour, en Thaïlande et au Viet Nam (UNESCO, 2013).Note de bas de page 13 Parmi les organisations possédant une vaste expérience et des données probantes relatives à la préparation des enseignants à l’utilisation des TIC en classe figurent l’UNESCO, le Commonwealth of Learning (voir Danaher et Umar, 2010, pour une analyse approfondie des expériences et problématiques nationales en matière d’apprentissage ouvert et à distance et de formation des enseignants), le Commonwealth Educational Media Centre for Asia et l’OCDE.
Outre leur utilisation dans la formation initiale des enseignants, les TIC offrent de nombreuses possibilités intéressantes de PPP à distance pour les enseignants. Les enseignants en exercice peuvent perfectionner leurs compétences et connaissances professionnelles au moyen de cours exclusivement électroniques, accessibles en ligne ou hors ligne, ou de sessions d’apprentissage mixte qui allient formation en présentiel et apprentissage autonome à l’aide de supports numériques. En plus de faciliter la diffusion des supports de formation des enseignants, Internet favorise le PPP en libre accès en permettant aux enseignants de choisir des supports en fonction de leurs propres besoins, objectifs et préférences, et s’adapte à différents styles et rythmes d’apprentissage. Toutefois, les enseignants doivent apprendre à évaluer d’un œil critique les supports et outils disponibles et à opérer des choix judicieux, ce qui nécessite généralement un certain niveau d’accompagnement. Internet permet également aux enseignants d’entrer en contact et de communiquer avec d’autres enseignants et d’apprendre les uns des autres au sein d’une vaste communauté de pratiques. En raison des évolutions technologiques, dans de nombreux contextes, l’apprentissage en ligne se transforme en « apprentissage mobile » (au moyen d’appareils mobiles et de la transmission sans fil), qui offre une meilleure accessibilité aux enseignants dans les régions qui n’ont pas actuellement accès à l’Internet filaire, mais sont couvertes par les réseaux de téléphonie mobile (Mayes et Burgess, 2010).
La prise de conscience de la nature non durable, à de nombreux égards, des modes de vie et des pratiques du monde moderne a permis à l’EDD de voir le jour : il s’agit d’une approche fondée sur le principe selon lequel l’éducation est capitale pour promouvoir les valeurs, les comportements et les modes de vie nécessaires à un avenir durable. Dans le cadre du programme « Éduquer pour un avenir durable » de l’UNESCO, un programme de formation des enseignants intitulé « Teaching and learning for a sustainable future » a été mis sur pied, qui vise à placer les questions d’environnement et de durabilité au cœur du processus d’enseignement et d’apprentissage et à aider les apprenants à « mieux comprendre le monde où [ils] vivent, en affrontant la complexité et l’interdépendance de problèmes tels que la pauvreté, le gaspillage, la détérioration de l’environnement, la dégradation des villes, la croissance démographique, les questions de santé publique, les conflits et les violations des droits de l’homme, qui menacent notre avenir » (UNESCO, 2010b : www.unesco.org/ education/ tlsf/ mods/ theme_gs/ mod0a.html). Une politique enseignante doit inclure les principes de l’EDD dans la formation des enseignants et veiller à ce que ses autres aspects, comme la gouvernance scolaire, soient en concordance avec les principes du développement durable (UNESCO, 2010b).
En Asie, l’initiative des écoles écologiques de l’UNESCO assure la promotion de l’éducation comme instrument permettant de responsabiliser les enseignants et les élèves face aux problèmes environnementaux, afin de favoriser l’engagement à l’égard des questions environnementales au sein de leurs communautés et à l’échelle mondiale.
En 2012, les enseignants de sciences des écoles cibles de Banjarmasin ont été formés pour mettre en œuvre les projets de l’initiative avec leurs élèves. Leur formation portait sur les questions environnementales aux niveaux local, national et mondial, sur les approches pédagogiques en matière d’éducation au changement climatique, ainsi que sur la planification, la budgétisation, la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation des projets. Les enseignants et leurs élèves ont par la suite entamé la mise en œuvre de leurs projets dans l’un des cinq domaines suivants : les déchets, l’eau, la forêt, l’énergie et la biodiversité. Les projets comprenaient des activités de nettoyage de l’environnement, de reboisement, de nettoyage des étangs et de recyclage scolaire, ainsi que des concours d’économie d’énergie.
Les établissements scolaires performants ont souvent à leur tête des responsables efficaces ; en revanche, les établissements qui accusent de mauvais résultats sont parfois dirigés par des personnes qui manquent d’efficacité. Les chefs d’établissement ont un rôle essentiel à jouer pour assurer la gestion efficace des établissements. En collaboration avec une équipe de direction, qui peut inclure les adjoints aux chefs d’établissement, les administrateurs et des représentants d’autres parties prenantes, ils sont responsables en dernier ressort de l’enseignement dispensé au sein de l’établissement, de la gestion et de l’encadrement du personnel enseignant et non enseignant, ainsi que du développement de l’environnement physique et moral de l’établissement. Ce rôle nécessite un recrutement savamment planifié (voir section 3.1.6), ainsi qu’un soutien et une formation appropriés, en particulier pour les chefs d’établissement moins expérimentés et pour ceux des zones rurales et reculées. La formation des chefs d’établissement doit se fonder sur le contexte local et sur les besoins recensés ; elle comprendra probablement des cours de gestion et de leadership pédagogique axés sur la gestion des enseignants, par exemple le suivi de leur assiduité, de leur gestion du temps, de leur professionnalisme et de leur performance ; la fourniture de services d’accompagnement, d’orientation et de conseil pédagogiques aux enseignants ; l’orientation des apprenants et de leurs parents et l’interaction avec eux ; et la prise en charge des questions financières et d’autres questions de gestion, ainsi que de l’administration scolaire (OIT, 2012 : 255-257 ; OCDE, 2014a : 80-81 ; UNESCO, 2014a : 303). La formation initiale et le PPP des chefs d’établissement doivent s’appuyer sur des normes définies dans le cadre d’un référentiel de compétences approprié et être associés à un système d’évaluation (OCDE, 2009). Des écoles spécialisées en leadership ont été créées dans des pays tels que l’Australie et le Royaume-Uni pour élaborer des normes et les promouvoir, et proposer des formations en leadership (Australian Institute for Teaching and School Leadership – AITSL, 2014 ; National College for Teaching and Leadership du Royaume-Uni, 2014).
Les enseignants exerçant dans des contextes PCPC ont besoin d’une formation appropriée, fondée sur les besoins du contexte particulier dans lequel ils travaillent et tenant compte des besoins des enseignants et des apprenants. Si possible, les autorités éducatives doivent assurer la coordination de la conception et de la mise en œuvre des activités relatives à la formation des enseignants ; dans le cas contraire, l’orientation et la coordination peuvent être confiées à un comité de coordination interorganisations. Dans les contextes PCPC, les enseignants peuvent avoir différents niveaux d’expérience et de formation et il peut s’agir d’apprenants plus âgés ou de membres de la communauté ; en conséquence, ils doivent pouvoir bénéficier, si besoin, d’une formation pour acquérir les connaissances fondamentales dans la matière visée, mais également d’une formation à la pédagogie et aux méthodes d’enseignement, principalement la pédagogie positive et la gestion de classe, les approches participatives centrées sur les apprenants et l’éducation inclusive eu égard à la gestion de la diversité et de la discrimination (INEE, 2010 : 83-84). Une formation peut en outre s’avérer nécessaire dans les domaines suivants :
Bien que la formation des enseignants soit souvent considérée comme relevant du rôle de l’État, sous l’égide des ministères de l’éducation, il existe de nombreux cas dans lesquels des acteurs non étatiques apportent une contribution inestimable en la matière. Par exemple, des organisations non gouvernementales (ONG) peuvent assurer la formation des enseignants, à la place ou pour le compte de l’État : ce cas de figure peut se présenter lorsque les institutions et les programmes de formation étatiques ne sont plus opérationnels (par exemple, au cours ou à la suite de conflits) ou parallèlement à des initiatives publiques dans le cadre de programmes intégrés de formation des enseignants. Quel que soit le cas, un cadre de partenariat clair couvrant des aspects tels que la réglementation et la supervision est nécessaire.
L’existence d’une pluralité de partenaires, lorsqu’ils font l’objet d’une réglementation et d’une supervision appropriées, peut favoriser l’élaboration de méthodologies et de méthodes pédagogiques plus probantes pour la formation des enseignants dans l’ensemble d’un système national de formation des enseignants. À titre d’illustration, au Mozambique, 11 établissements de formation d’enseignants gérés par ADPP Mozambique, une ONG nationale affiliée à la fédération Humana People to People, opèrent parallèlement à un réseau d’établissements publics de formation des enseignants (Humana People to People, 2013). Ils appliquent les mêmes programmes d’enseignement, et les stagiaires passent un examen commun ; il est largement reconnu que les établissements chapeautés par ADPP ont eu un effet positif sur les méthodes de formation des enseignants employées par les établissements publics.
Une stratégie de déploiement fondée sur les besoins du moment nécessite des informations actualisées et fiables sur les caractéristiques, les besoins et les préférences des enseignants en recherche de déploiement et des établissements en recherche de personnel enseignant. Comme indiqué précédemment, l’utilisation efficace de TMIS ou EMIS bien conçus constitue la meilleure manière de gérer cette stratégie de déploiement (pour plus d’informations, voir OIT, 2012 : 14-16).
Il existe deux modèles de base pour le déploiement des enseignants :
Le choix du modèle dépendra de la façon dont les services publics, notamment l’éducation, ont été historiquement organisés dans un pays donné. Chaque modèle présente des avantages et des inconvénients. Au nombre des effets négatifs des modèles nationaux et infranationaux de déploiement figure le fait que des enseignants peuvent se retrouver affectés dans des régions dont ils ne parlent pas la langue, ce qui nuit à la fois à leur bien-être et à leur aptitude à enseigner. Cependant, les systèmes gérés par les établissements scolaires peuvent accentuer les inégalités existantes en matière de déploiement des enseignants, en accordant la priorité aux établissements aisés et urbains.
En principe, les systèmes à gestion centralisée doivent favoriser un déploiement plus équitable des enseignants, en termes d’adéquation entre les besoins des établissements et les profils des enseignants à la recherche d’un emploi. En réalité, les deux modèles aboutissent à l’attribution des postes les plus convoités (dans des établissements, souvent urbains, affichant de bons résultats scolaires) à des enseignants plus expérimentés et très qualifiés. Les postes les moins convoités par les enseignants (par exemple, dans les établissements scolaires des zones rurales reculées, des zones peuplées de minorités ethniques ou des zones urbaines défavorisées) sont généralement proposés aux enseignants les moins qualifiés ou les moins expérimentés, potentiellement les moins aptes à les occuper. Ces postes sont aussi plus susceptibles de rester vacants et de connaître des taux de rotation élevés. Que le déploiement des enseignants soit gérée au niveau central ou au niveau des établissements, l’interaction et la communication entre les autorités nationales et locales sont essentielles afin de garantir un déploiement quantitativement et qualitativement appropriée des enseignants au niveau local. Dans le cadre d’un système géré par les établissements scolaires, une politique enseignante nationale peut chercher à promouvoir une plus grande égalité entre les zones locales, de manière à éviter d’accentuer les inégalités à travers la sélection des enseignants par les établissements.
Pour être efficace, une stratégie de déploiement doit impérativement trouver des moyens d’affecter les enseignants aux postes appropriés, en assurant un équilibre entre les besoins des établissements et le bien-être des enseignants. Il est primordial de réaliser cet « ajustement » pour permettre aux enseignants d’obtenir de bons résultats et pour assurer leur engagement à l’égard du poste. L’élaboration d’une stratégie de déploiement est une tâche complexe, qui doit être en prise avec la structure de carrière, l’accès au PPP et les gratifications et incitations. Il s’agit donc d’un aspect clé de la politique enseignante, qui comporte des implications financières dont il y a lieu de calculer le coût. Le financement d’une stratégie de déploiement fait partie du processus complexe d’établissement des coûts et de détermination des financements pour une politique enseignante, présenté aux chapitres 4 et 5.
Dans une stratégie de déploiement efficace, les enseignants sont affectés là où le besoin s’en fait le plus sentir. En particulier, une stratégie de déploiement doit garantir la présence d’enseignants dans les zones rurales reculées et les zones urbaines difficiles. Une telle stratégie doit tenir compte des réalités et des besoins spécifiques des établissements scolaires de ces zones ; elle doit permettre de trouver, de recruter et de conserver les enseignants qui ont les aptitudes et l’engagement nécessaires pour travailler dans ces établissements et sont capables de s’impliquer auprès des apprenants, de leurs parents et de la communauté au sens large, et de les motiver. Plusieurs stratégies prometteuses permettent le déploiement d’enseignants dans ces zones. Elles consistent à :Note de bas de page 14
Comme évoqué ci-avant, pour répondre aux besoins des établissements scolaires des zones difficiles d’accès, il est également possible de recruter et de former des enseignants locaux, qui sont plus susceptibles d’être bien acceptés et intégrés dans la communauté locale, parlent déjà la langue locale et sont prêts à rester dans l’établissement ou dans la localité. Il importe de reconnaître que ces stratégies ne s’excluent pas mutuellement : une stratégie d’affectation peut comprendre, par exemple, l’emploi et la formation d’enseignants locaux et, dans le même temps, l’attraction d’enseignants originaires d’autres zones géographiques à l’aide d’incitations substantielles, ce qui favorise la diversité et la qualité du personnel enseignant des établissements scolaires difficiles à pourvoir. Les stratégies incitatives ne sont efficaces que si elles s’inscrivent dans le cadre d’une politique bien conçue et mise en œuvre qui permet d’atténuer efficacement les effets pervers et imprévus.
Les pays de l’Organisation des ministres de l’éducation de l’Asie du Sud-Est (Southeast Asia Ministers of Education Organization – SEAMEO) ont adopté un certain nombre d’incitations créatives visant à assurer l’affectation d’enseignants là où le besoin s’en fait sentir : création de postes spéciaux d’enseignants pour les zones très reculées (à l’instar du programme des enseignants mobiles aux Philippines) ; systèmes de primes ou autres incitations destinées à attirer les enseignants vers les communautés mal desservies (indemnité de logement en République démocratique populaire lao, allocations spéciales pour certaines matières ou financement de projets au Viet Nam) ; allocations de formation en échange d’affectations convenues dans des zones reculées (Indonésie et République démocratique populaire lao) ; primes et récompenses (Chine, Philippines et Viet Nam) ; développement des classes à plusieurs niveaux dans les petites circonscriptions scolaires (République démocratique populaire lao et Indonésie) ; programme d’enseignants itinérants (Philippines) ; recrutement local, formation dans le cadre du service à proximité des lieux de travail, et information simple et transparente relative aux affectations pour les gestionnaires locaux (système de codage par couleurs aux Philippines).
L’encadré 3.8 présente le développement de l’enseignement à plusieurs niveaux comme une stratégie de répartition équitable. En règle générale, l’enseignement à plusieurs niveaux est une stratégie qui permet aux pays en voie de développement de répondre aux besoins éducatifs des zones rurales reculées et agricoles, où la population est peu nombreuse. Les données de l’ISU (2012) indiquent que dans certains pays d’Afrique subsaharienne, notamment au Burkina Faso, au Mali, au Niger, au Sénégal et au Togo, au moins 10 % des élèves étudient dans des classes à plusieurs niveaux. Au Tchad, près de la moitié des élèves sont scolarisés dans ces classes. Le plan stratégique du Cambodge pour le secteur de l’éducation vise à développer la formation aux méthodes d’enseignement à plusieurs niveaux pour les enseignants des établissements scolaires reculés, en donnant la priorité à ceux qui enseignent déjà dans des classes à plusieurs niveaux. L’idée est également d’élaborer un plan d’action annuel en matière d’enseignement à plusieurs niveaux dans les zones reculées et dans celles peuplées de minorités ethniques (UNESCO, 2014a).
Le déploiement des enseignants nouvellement qualifiés à leurs premiers postes doit faire partie d’un système intégré de déploiement et se fonder sur les principes d’équité et de transparence. Pour ces déploiements il convient en outre de s’assurer que :
Le déploiementNote de bas de page 15 doit respecter le droit à une vie de famille. Les personnes ayant des responsabilités familiales, en particulier des enfants en âge scolaire et préscolaire, doivent être affectées à des postes leur permettant d’assumer ces responsabilités. Les déploiementsdoivent tenir compte du lieu d’emploi des conjoints des enseignants. Lorsque les postes proposés ne sont pas compatibles avec la vie de famille, des mesures en faveur de la réinstallation des familles doivent être proposées, par exemple la mise à disposition d’un logement approprié. Les enseignants qui acceptent des déploiements ne leur permettant pas de vivre dans le foyer familial doivent bénéficier d’indemnités de déplacement de façon à pouvoir rentrer régulièrement chez eux.
Certaines dispositions doivent être prises pour la mutation des enseignants dont la situation personnelle ou professionnelle change, dans la mesure où cela est compatible avec les besoins en personnel des établissements scolaires. La gestion des mutations doit obéir aux mêmes principes d’équité et de transparence que ceux qui régissent les déploiements, en assurant un équilibre entre les besoins des enseignants et ceux des établissements. L’utilisation des EMIS et TMIS peut faciliter les demandes de mutation et leur gestion.Note de bas de page 16
L’existence d’une structure ou d’un schéma de carrière permettant à un enseignant de progresser et d’évoluer au cours de sa carrière est primordiale aux fins de l’attraction, de la motivation et de la rétention des enseignants : cela contribue à la constitution d’un corps enseignant disposant des connaissances, compétences et attitudes nécessaires pour favoriser l’amélioration de l’apprentissage. Le fait de favoriser l’avancement professionnel permet d’assurer la disponibilité d’enseignants expérimentés et compétents, capables d’encadrer et de former les enseignants moins expérimentés. Une structure de carrière influe également sur la rétention étant donné que les enseignants sont motivés par la possibilité d’avancement. Si les schémas de carrière peuvent paraître coûteux, cela revient moins cher que de former des enseignants pour les voir s’en aller peu après leur première déploiement à un poste d’enseignement. Un schéma de carrière doit prévoir des gratifications et des incitations intéressantes, aussi bien financières que non financières, afin de motiver les enseignants à progresser. Comme évoqué ci-avant, l’évolution de carrière est associée à l’accès à des possibilités intéressantes de PPP. Par conséquent, il est impératif d’aligner le PPP sur les différents rôles envisageables dans la structure de carrière des enseignants, afin que ceux-ci puissent bénéficier d’un perfectionnement professionnel systématique qui favorise leur avancement professionnel.
La structure de carrière doit être équitable et favoriser l’égalité des chances en matière d’évolution de carrière ; elle s’appuiera sur une classification efficace des emplois et sur des critères clairs, transparents et équitables applicables à l’évolution et à la promotion. Les structures de carrière doivent tenir compte des besoins du système éducatif et du contexte particulier : si, par exemple, un système éducatif est confronté à un trop grand nombre de départs d’enseignants ou à une pénurie d’enseignants ayant le profil requis pour devenir tuteurs ou chefs d’établissement, il y a lieu d’adapter la structure de carrière pour répondre à ces besoins (OIT, 2012 : 54).
Une bonne structure de carrière enseignante qui tient compte des besoins du système éducatif sera diversifiée, de manière à présenter aux enseignants des possibilités de carrière multiples mais équivalentes.
Encore assez récemment, le seul moyen pour les enseignants de progresser au-delà d’un certain point en termes de responsabilité et de gratifications consistait trop souvent à quitter la salle de classe pour occuper des fonctions dans la gestion de l’établissement scolaire, dans l’administration de l’éducation ou dans l’élaboration des politiques ; cela s’appelait l’avancement professionnel « vertical ». À présent, un éventail de possibilités permet une évolution « horizontale » de la carrière, compte tenu de la nécessité de permettre aux bons enseignants de continuer à enseigner et de mettre leur expérience et leurs compétences au service des autres enseignants. Un schéma de carrière horizontal comprendra plusieurs catégories et des fourchettes de rémunération correspondantes. La promotion de la première catégorie (celle des enseignants nouvellement qualifiés ou diplômés) au statut d’enseignant confirmé peut être subordonnée à l’obtention d’une autorisation d’enseigner ou d’une certification. Plusieurs systèmes éducatifs ont établi une série de catégories ou de niveaux différent(e)s, avec des titres tels que « enseignants accomplis », « enseignants experts », « enseignants d’élite », « enseignants tuteurs » ou « enseignants de niveau avancé ». Chaque catégorie doit être associée à un référentiel de compétences précis, décrivant les normes à respecter en matière de performance et les données probantes utilisées pour les définir (voir section 3.7).
Les possibilités d’avancement professionnel horizontal consistent généralement soit à rester dans la classe en tant qu’« expert », notamment pour des activités d’élaboration de programmes et de supports d’enseignement, d’accompagnement et de tutorat de collègues, de planification et de coordination des enseignements dans une matière ou dans un niveau de scolarité (comme responsable d’une section d’études ou d’une classe), soit en tant qu’« enseignant de niveau avancé », parallèlement investi de responsabilités en matière d’appui à la direction de l’établissement scolaire. Il peut aussi s’agir d’assumer des fonctions à l’extérieur de l’établissement, comme encadrer des enseignants dans un groupe scolaire, assurer le leadership ou la formation de groupes d’enseignants ou contribuer à l’élaboration des programmes d’enseignement ou à la recherche. En plus d’une augmentation de la rémunération, ces postes peuvent donner lieu à des gratifications supplémentaires, comme des « primes de responsabilité en matière d’enseignement et d’apprentissage », des primes pour la coordination de classes ou d’une matière, des primes de tutorat, ou une réduction du nombre d’heures d’enseignement.
Les schémas de carrière verticaux impliquent en général une progression vers des fonctions d’appui à l’enseignement, habituellement dans le cadre d’un poste de gestion ou de direction. Ces schémas comprennent souvent la promotion à des postes de chef d’établissement ou d’adjoint au chef d’établissement, d’inspecteur scolaire, de formateur d’enseignant, de responsable pédagogique au niveau du district, au niveau régional/provincial ou au niveau central, ou des postes d’administration, de gestion, de conseil ou de planification au sein des ministères ou des services chargés de l’éducation. Les possibilités verticales d’avancement professionnel des enseignants présentent des avantages, à condition que ces promotions s’accompagnent de la formation et du soutien nécessaires. Les enseignants rompus à la pratique de la salle de classe et de l’environnement scolaire sont plus susceptibles de mettre à profit cette connaissance privilégiée dans le cadre de leur nouveau rôle ; en conséquence, leurs attentes et leur gestion des établissements et des enseignants peuvent s’avérer plus justes et plus réalistes. Cependant, il subsiste le risque que leur contribution soit limitée par les pratiques existantes, et qu’ils soient moins susceptibles d’entraîner des changements positifs importants. Chaque fois que les enseignants sont promus à des postes de direction d’établissement, ils doivent être officiellement nommés, bénéficier d’une formation aux fonctions de direction et être rémunérés pour ces responsabilités.Note de bas de page 17
Le fait d’accorder aux enseignants la possibilité de bénéficier de congés et d’enseigner à temps partiel à différentes étapes de leur carrière constitue une composante importante d’une structure de carrière diversifiée. Les enseignants doivent avoir le droit de prendre un congé ou d’exercer à temps partiel de manière à pouvoir poursuivre leur perfectionnement professionnel ou entreprendre une formation afin de progresser dans leur carrière. Ils doivent pouvoir se former pour passer d’un niveau d’éducation à un autre, par exemple de l’EPE à l’enseignement primaire (voir sections 2.1.3 et 3.2). Par ailleurs, la flexibilité et la possibilité de combiner une carrière avec d’autres responsabilités, par exemple pour s’occuper de jeunes enfants, assumer d’autres responsabilités familiales ou poursuivre d’autres plans d’épanouissement personnel ou professionnel, constituent des facteurs d’attraction et de rétention des personnes dans l’enseignement. Cette flexibilité va au-delà des droits statutaires aux congés, comme les congés de maternité ou les congés de maladie pour les maladies chroniques et débilitantes est un mot inapproprié et péjorotif. Je vous propose de mettre «handicapantes». Elle nécessite une politique favorisant la mise à disposition, l’emploi et le financement d’enseignants de substitution (encore appelés enseignants remplaçants ou enseignants suppléants) pour remplacer les enseignants absents dans le cadre de différents types de congé.Note de bas de page 18
Une structure de carrière doit inclure une disposition permettant aux enseignants de solliciter un poste à temps partiel à certaines étapes de leur vie personnelle et professionnelle et de pouvoir retourner travailler à temps plein une fois que leur situation a changé. La possibilité de travailler à temps partiel ou de prendre une période de congé est susceptible de favoriser la rétention des enseignants qui, autrement, seraient obligés de démissionner ou de prendre une retraite anticipée. Les demandes de congé ou de travail à temps partiel doivent être examinées compte tenu des besoins actuels de l’établissement ou du système éducatif concerné et de la possibilité de recruter des remplaçants pour couvrir la durée du congé ou la période de travail à temps partiel. Ces demandes doivent se fonder sur des principes et critères clairs, transparents et équitables.
Une politique enseignante devrait s’efforcer d’établir l’environnement (d’enseignement/d’apprentissage) de travail le plus susceptible de motiver chacun des enseignants et l’équipe scolaire à accomplir trois objectifs simultanés et interdépendants :
Un certain nombre de principes devraient guider la politique relative à l’environnement de travail éducatif :
Conformément aux normes internationales, la politique relative aux conditions de travail des enseignants devrait être établie en consultation ou en négociation avec les représentants des syndicats d’enseignants, un autre facteur majeur dans l’amélioration de la qualité de l’apprentissage (OIT/UNESCO, 1966 ; OIT, 2012 ; OCDE, 2005 ; UNESCO, 2014a).
Les conditions d’emploi et de travail ont une incidence significative sur la perception du statut de la profession d’enseignant, sur la capacité de la profession à attirer et à conserver les candidats de haute qualité et sur la motivation, le moral et la satisfaction professionnelle des enseignants (voir, par exemple, Bennell, 2004 ; Bennell et Akyeampong, 2007 ; Mulkeen, 2010 ; Mulkeen et Chen, 2008 ; VSO, 2002 et 2008 ; UNESCO, 2010a). Les conditions de travail qui ont une incidence positive ou négative sur le moral et la motivation des enseignants, ainsi que sur l’attraction, la rétention et l’engagement, comprennent :
D’après la Recommandation de 1966 (articles 89 à 93), les heures de travail devraient être fixées en tenant compte de toutes les dimensions du travail des enseignants et des besoins personnels et familiaux. Toutefois, les contrats d’enseignement restent bien souvent peu explicites sur la définition exacte des « heures de travail ».
Qu’elle soit fondée sur une définition du temps d’enseignement/instruction, de la présence à l’établissement/au poste, du nombre total d’heures de travail prévues par jour, par semaine, par mois, ou par an, une politique enseignante devrait fixer les heures de travail des enseignants en prenant en considération :Note de bas de page 19
En plus de définir les heures de travail des enseignants, il appartient à une politique enseignante de définir certains principes de l’enseignement en salle de classe, particulièrement en ce qui concerne le soutien scolaire privé qui, dans certains contextes, supplante l’enseignement en salle de classe (voir UNESCO, 2014a : 271-72 pour une analyse de cette question et des exemples de réponses données par les politiques d’un certain nombre de pays).
Lorsque les établissements fonctionnent avec plusieurs rotations du fait de l’insuffisance d’établissements ou d’enseignants pour la population en âge scolaire, les enseignants sont obligés ou décident souvent de recourir à l’enseignement multiposte. Là où les salaires des enseignants pour l’enseignement uniposte sont insuffisants, ce « choix » devient en réalité une nécessité. L’enseignement mulitposte, qui entraîne une réduction du temps d’enseignement pour les apprenants et la fatigue, le manque d’engagement chez les enseignants, met en péril la qualité de l’éducation et reste l’un des facteurs contribuant à la baisse de l’estime sociale et professionnelle des enseignants dans la majorité des pays plus pauvres (OIT, 2012 ; UNESCO, 2010a ; VSO, 2008). Les décideurs politiques sont encouragés à éliminer progressivement l’enseignement multiposte dès que possible ; par ailleurs, les enseignants ne devraient pas être obligés de recourir à l’enseignement multiposte par nécessité financière en raison de salaires scandaleusement bas (voir section 3.6).
Une bonne politique enseignante doit favoriser la flexibilité des charges et des modalités de travail afin de répondre aux critères d’efficacité des enseignants et aux objectifs de l’équilibre vie privée-vie professionnelle, notamment des modalités qui accordent une préférence aux enseignants plus jeunes ou plus âgés, aux hommes et aux femmes ayant des responsabilités familiales, aux enseignants désireux de travailler à temps partiel ou en partage de poste et à ceux vivant avec des pathologies telles que le VIH ou une un handicap. De telles politiques devront s’adapter et, autant que possible, éviter de surcharger l’administration/la gestion des enseignants. Elles peuvent comprendre des dispositions relatives :
Les effectifs de classe sont un facteur significatif de la charge de travail et de la satisfaction ou de l’insatisfaction professionnelle de l’enseignant. Les classes aux effectifs importants sont associées à de faibles niveaux de satisfaction professionnelle dans de nombreux pays (UNESCO, 2010a).
En plus d’établir les besoins en matière de recrutement des enseignants en fonction des REE souhaitables, une politique enseignante peut établir des limites réglementaires ou des indicateurs plus souples pour les effectifs de classe en tant que mesure d’un véritable environnement d’enseignement et d’apprentissage. Nonobstant certaines allégations selon lesquelles l’effectif de classe ne constitue pas une question de politique importante pour la réussite de l’apprentissage, il existe suffisamment d’éléments probants pour soutenir la mise en place de réglementations ou d’indicateurs d’effectifs de classe avec à l’esprit l’efficacité des enseignants et les objectifs d’apprentissage, en particulier :
Les résultats des recherches et les expériences vécues soulignent l’importance des politiques qui répondent aux spécificités des effectifs de classes en fonction du contexte national, surtout en ce qui concerne :
Du fait de son incidence sur les exigences relatives au recrutement des enseignants et, par conséquent, sur les ressources disponibles, et en raison de la nécessité de maintenir des normes de qualité dans les classes moins nombreuses, la politique relative aux effectifs de classe doit prendre en considération le financement actuel, prévu et potentiel de l’enseignement (voir section 3.6) (OIT/UNESCO, 1966 ; OIT, 2012 ; OCDE, 2005 ; OCDE, 2013a ; OCDE, 2014a ; UNESCO, 2014a ; UNESCO/OREALC, 2013 ; Banque mondiale, 2013).
Les infrastructures scolaires constituent un facteur de poids dans les résultats scolaires et la satisfaction professionnelle, la motivation et le statut social des enseignants. Les infrastructures scolaires et le mobilier médiocres et mal entretenus entravent l’apprentissage et envoient des signaux négatifs par rapport à la valeur des enseignants et de l’éducation (UNESCO, 2014a ; VSO, 2002 et 2008). Les enseignants devraient avoir accès à des salles de professeurs ou à des espaces spécialement prévus où ils peuvent réaliser des tâches professionnelles non pédagogiques, se concerter entre collègues, etc. Les employeurs des enseignants ont le devoir de veiller à la sécurité et à la fonctionnalité des bâtiments scolaires pour un enseignement et un apprentissage et des activités parascolaires efficaces, en collaboration avec les enseignants et leurs représentants. Les enseignants et les autres membres du personnel scolaire devraient être consultés par rapport à la conception et la construction des établissements.
Les établissements doivent respecter les normes sanitaires en vigueur. Ils doivent disposer d’une source d’eau potable et d’installations sanitaires suffisantes en quantité et en qualité, notamment des toilettes sécurisées, séparées pour les apprenants de sexes masculin et féminin et pour les enseignants hommes et femmes, avec des installations à proximité pour se laver les mains.
Comme les infrastructures scolaires ont inéluctablement une incidence sur le bien-être et le développement efficace des élèves ainsi que des enseignants et des autres employés de l’établissement, ces préoccupations relèvent d’une politique plus large de l’éducation. Cependant, une politique enseignante peut fixer les principes de la consultation des enseignants sur les questions de la conception et de l’entretien de l’établissement ainsi que sur les conditions d’un environnement de travail sûr, hygiénique et fonctionnel pour les enseignants (voir également la section 3.9 sur la gouvernance scolaire et la section 3.10 sur l’environnement scolaire).
La mise à disposition aux enseignants de matériels pédagogiques de bonne qualité en quantité suffisante, et aux apprenants des fournitures scolaires de bonne qualité en quantité suffisante, par exemple les manuels scolaires, constitue un facteur majeur de satisfaction et de motivation des enseignants, ainsi que des résultats scolaires (UNESCO, 2014a). Les enseignants devraient être consultés par rapport aux types de matériel pédagogique et d’apprentissage qu’ils utiliseront et être impliqués dans leur choix et leur élaboration (OIT/UNESCO, 1966). En plus d’accorder la priorité à la disponibilité du matériel pédagogique et d’apprentissage de bonne qualité, une politique enseignante devrait favoriser les solutions créatives afin de maximiser l’efficacité pédagogique. Lorsque les ressources sont pauvres, la formation des enseignants, à la fois initiale et continue, peut mettre l’accent sur la manière d’aider les enseignants à dispenser un enseignement efficace en utilisant les ressources disponibles dans l’environnement local et sur la formation des enseignants à la production d’aides pédagogiques sur la base des supports locaux. Lorsque les enseignants doivent produire leurs propres auxiliaires pédagogiques, cette responsabilité devrait se refléter dans leurs heures de travail.
La politique enseignante devrait aborder l’environnement de classe dans le cadre de mesures visant à améliorer la santé, la sécurité, la satisfaction au travail, et l’efficacité des enseignants, et par conséquent les résultats d’apprentissage. Les données des pays à revenu élevé et intermédiaire ont souligné l’importance croissante de l’indiscipline et des écarts de conduite des élèves dans les salles de classe et les établissements, et ont relevé une incidence majeure sur la satisfaction professionnelle et le sens d’auto-efficacité des enseignants par rapport aux comportements des apprenants. La qualité de la gestion et de la gouvernance scolaires (voir section 3.9) joue un rôle majeur dans la création d’environnements scolaire et de classe propices pour les enseignants et les apprenants (OIT, 2012 ; OCDE, 2005 ; OCDE, 2014a ; UNESCO/OREALC, 2013).
Dans de nombreux pays, l’enseignement est une profession à haut risque. Ces dernières années, les attaques visant des écoles, des enseignants et des élèves étaient fréquentes dans des pays tels que l’Afghanistan, la Colombie, la Géorgie, l’Inde, l’Iraq, le Népal, le Pakistan, la Palestine, la Thaïlande et le Zimbabwe. Les écoles et les enseignants peuvent être la cible d’attaques pour plusieurs raisons : empêcher l’accès à l’éducation, en particulier pour les filles ; cibler des apprenants, des enseignants ou des universitaires pour leurs opinions, leur activité politique, leur soutien aux droits de l’homme ou leur participation à des activités syndicales ; au cours d’opérations militaires ou de sécurité, ou dans le cadre de tactiques militaires ; pour enlever des enfants et des adultes et les forcer à rejoindre les rangs des rebelles ou de l’armée, ou pour fournir du travail ou des services sexuels forcés. Quelles que soient les motivations, ces attaques « impliquent l’utilisation délibérée de la force de façon à interrompre et décourager la fourniture ou l’accès à l’éducation » (UNESCO, 2010c : 27-28). Cette violence en milieu scolaire a de nombreuses conséquences pour les enseignants, par exemple :
Les politiques adaptées au contexte visant à favoriser le soutien et la protection des enseignants constituent un élément de la réponse politique destiné à « promouvoir le respect des établissements scolaires et d’autres institutions d’éducation en tant sanctuaires et zones de paix afin de protéger l’accès à l’éducation » (UNESCO, 2010c : 36).
Les autres formes de violence en milieu scolaire, telles que la violence sexospécifique contre les apprenantes et les enseignantes et les châtiments corporels, sont perpétuées par les enseignants eux-mêmes : la violence sexospécifique détruit les chances d’apprentissage des filles et constituent un facteur du départ des femmes de la profession (UNESCO, 2014a : 266, 269). Une politique enseignante devrait inclure des dispositions destinées à conscientiser les enseignants par rapport à leurs rôles et responsabilités professionnelles et à établir des sanctions pour les enseignants qui ne respectent pas les codes de conduite professionnelle (voir aussi section 2.1.4). La politique devrait faire explicitement référence aux violences à l’égard des élèves ; les sanctions devraient tenir compte des droits juridiques des enfants et des cadres de protection et devraient être effectivement appliquées (UNESCO, 2014a : 303). Au Kenya, les nouveaux règlements de la Commission des enseignants, rédigés avec le soutien de syndicats d’enseignants, contiennent des dispositions condamnant à la radiation les enseignants coupables d’infractions sexuelles contre les élèves (UNESCO, 2014a : 269-270) (voir encadré 3.9).
La collaboration directe avec les syndicats d’enseignants est un moyen de rallier des soutiens afin de sévir contre les enseignants réfractaires aux codes de conduite professionnels. Au Kenya, l’équipe de plaidoyer du mouvement « Halte à la violence contre les filles en milieu scolaire » a collaboré avec la Commission des enseignants, le Ministère de l’éducation, le syndicat national des enseignants du Kenya et le Département de l’enfance, à la rédaction d’un projet de loi fondé sur une circulaire de la Commission des enseignants sur les abus sexuels. Le projet de loi vise à renforcer les procédures de signalement des cas d’abus ou de violences perpétrés par les enseignants, et à s’assurer que les enseignants condamnés ne font pas simplement l’objet de mutations vers d’autres établissements. La circulaire prévoit, en outre, que toute omission de déclaration ou toute tentative de couvrir un incident expose le contrevenant à des sanctions disciplinaires. Le syndicat, qui par le passé faisait souvent obstacle aux réformes, se montre désormais disposé à ne pas protéger les enseignants reconnus coupables d’une infraction, et une base de données centralisée a été mise en place pour suivre les enseignants condamnés pour des délits sexuels.
Le professionnalisme des enseignants est associé à un ensemble de facteurs : une formation initiale et continue de haute qualité ; des niveaux relativement élevés de reconnaissance et de statut social ; et un degré d’autonomie et de contrôle de la pratique professionnelle, tant pour les enseignants individuels que pour la profession dans son ensemble. Ces différents éléments interagissent : le niveau de qualité et de formation des enseignants doit être suffisant pour leur permettre d’être autonomes. En Finlande, les enseignants ont un statut intellectuel, social et professionnel élevé, et jouissent d’un degré élevé d’autonomie par rapport à leurs salles de classe et à leurs conditions de travail, ayant « gagné la confiance des parents et de la société en général par la démonstration de leur capacité à faire preuve de discrétion et de discernement dans la gestion de leurs salles de classe et de répondre au défi d’aider la quasi-totalité des élèves à devenir de bons apprenants » ( voir l’encadré 2.3). À l’inverse, lorsque l’influence et le contrôle des enseignants et de leurs représentants sur leurs pratiques et conditions de travail sont insuffisants, ils sont plus susceptibles de se sentir démotivés, moins autonomes et moins en mesure de garantir aux apprenants les meilleurs résultats possibles. Se forme alors un cercle vicieux alliant faible statut social, manque de motivation, baisse de moral et performances et résultats professionnels médiocres. Une politique enseignante holistique se veut favorable aux stratégies destinées à renforcer progressivement la qualité de la profession enseignante grâce à la promotion de diverses dimensions de professionnalisme, dont une plus grande autonomie, dans le cadre d’une approche intégrée.
Les relations entre l’employeur et l’employé sont définies par des droits et des obligations. Une politique enseignante doit fixer les modalités de la relation de travail entre les enseignants et leurs employeurs. Dans certains cas, ces modalités peuvent faire l’objet d’une politique distincte en vertu du droit du travail, auquel cas la politique enseignante doit être en accord avec cette politique. La politique enseignante doit définir les droits et les responsabilités des enseignants, qui sont propres au pays et au contexte. Ceux-ci comprennent les dispositions et les procédures relatives au recrutement et à l’emploi des enseignants, à la certification, à la durée de l’emploi ou à la sécurité d’emploi, à l’évaluation/appréciation et au licenciement. Dans de nombreux cas, ils incluent également le droit à la liberté d’expression et de religion et, lorsque ceux-ci ne sont pas couverts par une politique distincte, la possibilité d’appartenir à un syndicat, et de prendre part aux négociations collectives. Cette politique peut en outredéfinir les droits et les responsabilités d’enseignement, comme ce qu’il est permis ou interdit d’enseigner, la liberté académique, la méthodologie, les politiques de notation des élèves, la manipulation des dossiers des apprenants, la santé et le bien-être des apprenants (Osborne et Russo, 2011).
La gratification comprend la gamme complète des paiements monétaires et non monétaires fournis à titre de compensation pour le travail, généralement sous la forme d’un « paquet » de différents composants. En plus de la rémunération de base (salaire de base), ces gratifications, telles que des allocations ciblées, des primes et un large éventail d’incitations financières et non financières, y compris les pensions et d’autres formes de sécurité sociale, les droits aux congés et l’accès aux possibilités de PPP, peuvent agir comme des leviers politiques. Une politique globale relative aux enseignants devra anticiper sur tous ces facteurs en relation avec le recrutement, la rétention le perfectionnement, la motivation et l’efficacité des enseignants. Ils font partie de la politique de rémunération des enseignants à un degré plus ou moins élevé en fonction des besoins et des circonstances nationales.
La rémunération des enseignants est d’une grande importance pour leur recrutement et leur rétention Du point de vue du marché du travail, les systèmes éducatifs qui paient des salaires attractifs par rapport à des professions comparables sont plus efficaces dans l’attraction et la rétention des enseignants de bonne qualité. Lorsqu’ils décident de devenir enseignants et de s’inscrire aux programmes de formation des enseignants, les candidats sont particulièrement influencés par les niveaux de salaire, ainsi que par les incitations professionnelles qui, ensemble, contribuent à faire de l’enseignement une carrière de haut statut. Une politique de rémunération qui valorise l’enseignement par rapport à d’autres choix de carrière contribue à orienter les meilleurs diplômés de l’enseignement secondaire vers la profession d’enseignant. Les données disponibles indiquent que, au cours de la dernière décennie, la rémunération a été l’un des facteurs clés (mais non le seul) de la réussite de ce que l’on appelle à l’heure actuelle les « systèmes éducatifs les plus performants » (OCDE, 2005 ; OCDE, 2013a ; Banque mondiale, 2013).
À l’inverse, lorsque les salaires des enseignants ne sont pas perçus comme étant proportionnels aux niveaux d’enseignement, à la formation et aux responsabilités nécessaires, ou ne permettent pas aux enseignants de vivre décemment sans prendre un deuxième emploi, il en résulte une perte de prestige pour la profession d’enseignant, et une incidence négative sur les trois préoccupations de la politique que sont le recrutement, la motivation et la rétention des enseignants. Les salaires qui n’atteignent même pas le seuil de pauvreté de base des ménages dans les pays à très faible revenu se traduisent par des difficultés de recrutement des enseignants, l’absentéisme et une gamme de faible performance des enseignants (UNESCO, 2014a : 254).
Pour répondre aux objectifs de la politique, les niveaux de rémunération des enseignants devraient être établis en fonction :
Pour de nombreux pays, la politique qui répond aux multiples demandes en matière de recrutement, de rétention de motivation et d’efficacité se situera davantage dans la perspective de l’EPT après-2015 et des discussions de coût-efficacité, entraînant dans de nombreux cas des choix politiques et des compromis difficiles (PME, 2014 : 152-156, en ce qui concerne les questions de statut et de salaire).
Dans certains contextes, cela reviendra à accorder la priorité au financement de l’éducation par rapport aux autres sollicitations de ressources. En partie à cause de sa proximité avec une Afrique du Sud plus riche, le Lesotho, un des pays les plus pauvres de la planète, consacre 13 % de son PIB et plus de 30 % des dépenses totales du Gouvernement à l’éducation pour maintenir les salaires des enseignants à des niveaux beaucoup plus élevés que dans de nombreux pays africains comparables – trois à cinq fois le PIB par habitant en 2005, mais toujours inférieur aux salaires des autres fonctionnaires (Mulkeen, 2010 ; PME, 2005 : 6-7).
De nombreux pays à faible revenu ont été invités à limiter les salaires des enseignants à une valeur de référence initialement établie, en vertu de l’Initiative de la voie rapide (IVR) de l’EPT, à 3,5 fois le PIB par habitant, afin d’assurer des ressources pour d’autres besoins d’enseignement et d’apprentissage. Une telle référence a été un facteur de l’embauche à grande échelle des enseignants contractuels (voir section 3.1). Si elle est utilisée, elle doit être fixée en fonction du PIB du pays, en particulier dans les pays à très faible revenu avec une base économique faible dans le secteur formel, sinon elle est susceptible de conduire à des salaires abusivement bas, parfois en dessous du seuil national de pauvreté (UNESCO, 2010a : 16 ; UNESCO, 2014a : 254). Cette référence ne tenant pas nécessairement compte des salaires d’autres emplois comparables dans le secteur public ou privé dans le pays exigeant le même niveau de formation et de responsabilités, l’effet peut alors être dissuasif sur le recrutement et la rétention des enseignants.
Dans certains pays, les niveaux de salaires plus élevés peuvent nécessiter un compromis avec les autres objectifs de la politique en raison des limites des recettes publiques. Le compromis le plus évident intervient entre les salaires et les effectifs des enseignants, et les REE et les effectifs de classe qui en dépendent. Le temps d’enseignement, d’instruction ou la totalité des heures de travail requises peuvent également être augmentés pour réduire le nombre d’enseignants requis et dégager plus de capacité pour l’augmentation des salaires. Dans les deux cas, l’incidence potentielle sur la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage devrait être évaluée avant l’adoption de politiques qui poussent à la hausse les effectifs de classe ou le temps d’enseignement, deux facteurs qui ont une incidence sur la charge de travail des enseignants (voir section 3.5) et pourraient réduire la satisfaction professionnelle des enseignants dans les conditions difficiles d’enseignement (OCDE, 2013a : 191).
En fait, certains pays à revenu élevé choisissent de payer des salaires beaucoup plus élevés aux enseignants bien formés et acceptent, en échange, des REE et des effectifs de classe relativement élevés. La République de Corée, le Japon et Singapour sont des pays à revenu élevé avec des effectifs de classe moyens dans l’enseignement secondaire qui dépassent trente apprenants par classe, légèrement moins dans l’enseignement primaire mais toujours largement au-dessus de la moyenne de l’OCDE. Ces pays paient leurs enseignants à un niveau beaucoup plus élevé que le PIB par habitant ou la moyenne des salaires gagnés par les diplômés de l’enseignement dans les emplois comparables du secteur public ou privé (OCDE, 2013a : 45 ; OCDE, 2014b : 411, 454).
Pays à revenu intermédiaire, l’Indonésie, pour sa part, a choisi au cours des dernières années de mettre l’accent sur les augmentations du traitement des enseignants fonctionnaires dans le cadre d’une plus grande professionnalisation de l’enseignement, en gardant dans le même temps des REE relativement faibles, en partie grâce à l’engagement à grande échelle des enseignants contractuels. À l’instar des enseignants fonctionnaires, ces enseignants contractuels devraient également profiter à terme des mesures salariales, d’emploi et de professionnalisation (Chang et al., 2014 ; UNESCO, 2014a).
Les pays qui ont déjà des REE et des effectifs de classe très élevés, principalement dans les écoles primaires, et qui s’efforcent d’atteindre l’EPU et l’EPT en même temps qu’ils font face à une pénurie d’enseignants de grande envergure, éprouveront des difficultés à opter pour ce type de compromis dans le cadre de la politique enseignante. Au lieu du recrutement massif d’enseignants contractuels avec de bas salaires tout en maintenant les salaires à un niveau suffisant pour attirer et maintenir à leur poste les bons enseignants, il serait souhaitable d’étendre et de diversifier les sources de financement de l’éducation. Dans de nombreux pays caractérisés par des salaires bas et des difficultés de recrutement/rétention des enseignants, les niveaux de financement destinés à l’éducation en pourcentage du PIB ou du PNB sont relativement faibles. Seuls 41 pays dans le monde consacrent au moins 6 % de leur PNB à l’éducation, l’objectif recommandé pour atteindre l’EPT. En dépit d’augmentations significatives depuis l’an 2000 dans le groupe des pays à faible revenu en général, 25 de ces pays consacrent moins de 3 % du PNB à l’éducation, certains réduisant davantage ce pourcentage. Une augmentation substantielle dans ces pays encore en dessous de l’objectif de 6 % permettrait de relever la part du budget alloué à l’éducation, ce qui fournirait davantage de fonds pour l’embauche et le paiement de salaires raisonnables aux enseignants nécessaires à la résorption des pénuries constatées (UNESCO, 2014a : 24, 110-113).
Les choix politiques s’avèrent en outre plus difficiles pour les pays qui dépendent dans une large mesure de l’aide internationale pour le financement de leur système éducatif. Les engagements de financements à long terme de la part des bailleurs de fonds internationaux semblent nécessaires pour compléter ceux des gouvernements nationaux afin d’ériger en priorité le financement de l’éducation, y compris la rémunération des enseignants. Il faut aussi instaurer un dialogue politique et une cohésion entre les différents partenaires et responsables du financement de l’éducation. Malgré les principes de l’efficacité de l’aide, qui favorisent l’alignement des mécanismes de financement des bailleurs de fonds sur les objectifs stratégiques du secteur de l’éducation, les bailleurs de fonds accordent la priorité au soutien aux projets par rapport à l’appui budgétaire, en raison de l’absence de cadres budgétaires fiables à moyen terme et de la peur de la mauvaise gestion financière (Steiner-Khamsi, et al, 2008 : 43, 46 ; OCDE 2005/2008). S’ajoutent à cela une réticence à supporter les coûts récurrents, tels que les salaires des enseignants, et les réductions de l’aide à l’éducation au cours des dernières années, ce qui signifie que d’autres sources de financement doivent être trouvées en même temps qu’une pression est exercée sur les principaux bailleurs de fonds afin qu’ils honorent les engagements antérieurs (UNESCO, 2014a : 127-133).
Un certain nombre de moyens ont été proposés aux fins de la « création d’une marge budgétaire » afin que les ressources supplémentaires servent à financer les salaires des enseignants. Ces éléments sont notamment les suivants :Note de bas de page 20
De nombreux pays utilisent une échelle salariale unique, avec des classes ou des groupes constitués en fonction de la qualification académique, et la progression en échelons à l’intérieur de celles-ci fondée sur l’ancienneté ou les années de service. Les niveaux d’aptitude ou de performance, fondés sur des normes définies dans les référentiels de compétences, sont de plus en plus utilisés comme bases pour l’augmentation des salaires (voir section 3.7). Généralement, à l’intérieur de ces échelles salariales, les augmentations marginales régulières sont fixées en fonction des années d’expérience, alors que les augmentations majeures sont liées au mouvement ascendant des niveaux de compétences définis par la structure de carrière – par exemple, d’enseignant nouvellement qualifié à titulaire d’une licence professionnelle, puis à professeur chevronné et à enseignant expert (ou quels que soient les termes utilisés dans une structure de carrière particulière, tel que décrit à la section 3.4).Note de bas de page 21
Dans de nombreux pays, il s’avère impossible d’opérer des changements sur l’échelle de rémunération des enseignants fonctionnaires sans les étendre à la totalité de la fonction publique.
En plus du salaire basique ou salaire de base, qui peut comprendre la pension de retraite et les dispositions de sécurité sociale (notamment les soins médicaux et les indemnités de maladie, les prestations d’accidents du travail et d’invalidité, les prestations de retraite et de survivants), les autres incitations financières qui font partie de la rémunération des enseignants comprennent les indemnités pour responsabilités particulières, des mesures incitatives pour attirer les enseignants vers les établissements difficiles à pourvoir, les allocations familiales, la fourniture ou les subventions de logements, les subventions de transport et les contributions financières en vue de la formation continue et du PPP.Note de bas de page 22
Comme évoqué plus haut, les incitations financières peuvent être utilisées pour attirer les enseignants vers les établissements où les postes sont difficiles à pourvoir, tels que ceux des zones rurales reculées et défavorisées. Ces incitations pourraient inclure les indemnités pour conditions difficiles (primes de sujétion), les primes de logement ou la fourniture de logements de qualité, les coûts de déménagement et de transport, et soit des bourses pour la formation des enseignants en échange d’un engagement à travailler dans des établissements où les postes sont difficiles à pourvoir, soit des bourses d’études pour une qualification de niveau supérieur une fois en poste.
Les incitations non financières comprennent diverses dispositions de congé (dont les congés d’étude), l’amélioration des possibilités de promotion, l’accès à différents types de PPP, la fourniture de téléphones intelligents, de lecteurs numériques ou d’ordinateurs portables avec des connexions Internet pour le PPP et le logement.Note de bas de page 23
Les incitations financières et non financières devraient faire partie d’une stratégie globale (incluant l’avancement professionnel) destinée à attirer les enseignants vers les établissements où les postes sont difficiles à pourvoir.
Certains pays ou systèmes d’éducation subordonnent les récompenses des enseignants à la performance, sous la forme de rémunérations ou de primes supplémentaires (souvent dénommée « rémunération au mérite » dans le passé et dans certains pays). Ces plans peuvent viser à attirer et à conserver les enseignants de qualité, ainsi qu’à renforcer la motivation et encourager les efforts conduisant à l’amélioration des résultats d’apprentissage. Les résultats de recherche n’étant pas concluants (OCDE, 2012), les instances chargées de l’élaboration des politiques devront peser attentivement le pour et le contre des régimes liés à la performance, les expériences des systèmes où ils ont été mis en œuvre ainsi que les objectifs qu’ils sont censés atteindre et la conception des régimes, avant de les intégrer dans une politique enseignante.
S’agissant des arguments en faveur de la rémunération au rendement, les données factuelles issues de la recherche donnent à penser qu’elle a permis d’améliorer la performance des enseignants et des apprenants. La Banque mondiale (2013 : 34-35) cite plusieurs études réalisées dans des pays à revenu élevé et intermédiaire pour étayer cette constatation ; (voir également OCDE, 2012 : 1, 4). Lier directement la rémunération à l’assiduité des enseignants et aux résultats des élèves semble déboucher sur une réduction de l’absentéisme chez les enseignants et un plus grand effort pédagogique de la part des enseignants, des indicateurs considérés comme étant les principaux contributeurs à la progression de l’apprentissage. Ce progrès est presque toujours mesuré, dans les études des partisans de ce régime, par les résultats des tests standardisés. D’autres suggèrent que, lorsqu’elles sont appliquées au sein des programmes scolaires, les incitations liées à la performance renforcent l’éthique du travail d’équipe, et lorsqu’elle est fondée sur l’évaluation des enseignants, la motivation est renforcée par la gratification, combinant ainsi les deux récompenses professionnelle (satisfaction quant au progrès des apprenants) et financière (revenu plus élevé). Ces arguments et les éléments probants qu’ils citent associent étroitement les incitations de la rémunération au rendement et les principaux objectifs de l’éducation.
S’agissant des arguments contre ces mesures, les recherches indiquent qu’il ne semble pas que l’amélioration des performances pédagogiques ou d’apprentissage soit liée à la rémunération au rendement [L’OIT, en 2012 (166-168) , cite des études et des études de cas effectuées dans plusieurs pays, en particulier dans des pays à revenu élevé; voir également OCDE, 2012 : 1, 4]. Les détracteurs affirment qu’il existe une multitude de résultats de recherches sur les conséquences négatives, telles que le renforcement des disparités entre les établissements, ce qui rend plus difficile pour les écoles défavorisées d’attirer les enseignants dont elles ont besoin. Les enseignants qui travaillent dans cette optique ont tendance à « enseigner pour l’examen » afin que les apprenants obtiennent de bons résultats aux tests standardisés, rétrécissant ainsi les aptitudes et connaissances qu’ils ont acquises. Les régimes de rémunération au rendement peuvent ne pas tenir compte des facteurs influant sur l’apprentissage qui échappent aux enseignants (la pauvreté, la langue, la participation des parents et l’incidence des enseignants précédents). Un plan fondé sur la fixation d’objectifs et la gestion des performances est complexe et exige du temps, des aptitudes et de la formation qui risquent de surcharger les chefs d’établissement. Lorsqu’elle repose uniquement sur la gratification des individus, la rémunération au rendement sape le travail d’équipe en tant que facteur de progression de l’apprentissage et de qualité des établissements, ainsi que la motivation individuelle des enseignants qui considèrent le plan comme injuste. Ces arguments s’appuient sur des éléments probants selon lesquels les incitations de la rémunération au rendement vont fondamentalement à l’encontre des principaux objectifs de l’éducation.
Là où les incitations liées à la performance sont utilisées plus fréquemment, les éléments de preuve réunis ces dernières années montrent que leur mode d’application joue un rôle significatif dans la réalisation des objectifs en matière d’éducation. Parmi les principaux facteurs à prendre en considération, citons les méthodes d’évaluation des enseignants en tant que base des récompenses ; la taille des incitations ; leur soutenabilité financière au fil du temps ; la relation étroite entre les comportements attendus et les rémunérations ; et le niveau des récompenses, pour l’enseignant individuel ou le groupe d’enseignants ou l’ensemble de l’établissement (Harris, 2007 ; Ingvarson et al., 2007 ; Banque mondiale, 2013, citant un éventail d’études). Le système salarial dans son ensemble joue aussi un rôle. À titre d’exemple, les pays à revenu élevé et intermédiaire de l’OCDE utilisent une gamme variée de plans pour encourager des performances exceptionnelles de la part des enseignants, y compris la position sur l’échelle de salaire de base et des paiements supplémentaires et complémentaires (de niveau ou de grade). Les performances des apprenants sont généralement plus élevées lorsque des systèmes de rémunération au rendement sont en place dans des pays où les salaires des enseignants sont comparativement bas (moins de 15 % supérieurs au PIB par habitant) et moins élevées dans des pays où les salaires des enseignants sont relativement élevés (plus de 15 % supérieurs au PIB par habitant) (OCDE, 2012 : 2-3).
La politique de gestion des ressources humaines montre qu’un plan de rémunération au rendement dans le cadre d’une politique enseignante doit répondre aux questions suivantes :
Au rang des principes administratifs à observer pour une réussite de la rémunération au rendement figurent l’équité et la transparence dans la mise en application ; les critères divers et pertinents ; une communication efficace ; une compréhension suffisante du système par les enseignants ; et un accompagnement professionnel pour les enseignants dont les performances ne répondent pas aux normes, jusqu’au moment où un tel accompagnement n’est plus nécessaire (voir aussi section 3.9).
En somme, là où les besoins d’enseignement et d’apprentissage, la capacité de gestion et les ressources disponibles montrent que la rémunération au rendement pourrait s’avérer utile et possible, les instances chargées de l’élaboration de la politique pourraient examiner les questions suivantes (OIT, 2012 : 166, citant plusieurs spécialistes de la question salariale) :
Enfin, il est crucial, en ce qui concerne l’ensemble des travaux en matière de politique enseignante, de favoriser l’acceptation et la coopération et de garantir la réussite d’un plan de rémunération au rendement en associant les enseignants et leurs syndicats/associations représentatifs à la conception et à l’application par le dialogue social (OIT/UNESCO 1966 : article 124). De nombreux régimes, voire la majorité d’entre eux, échouent s’ils choisissent d’ignorer ce principe.
Afin de comprendre et de définir les qualités d’un bon enseignant et d’encourager la compétence et le professionnalisme chez ce dernier, avec pour objectif général d’améliorer la qualité de l’éducation et les résultats de l’apprenant, de plus en plus de pays élaborent des normes concernant la profession d’enseignant (ci-après appelées les « normes »). Alors qu’il existe différents concepts du terme « normes », il se rapporte, dans le présent Guide, aux attentes relatives aux connaissances, aux compétences et aux caractéristiques ainsi qu’au niveau requis de performance (normes de performance) des enseignants. Il est généralement admis que les normes doivent décrire, de manière claire et concise, en quoi consiste un bon enseignement dans un contexte particulier et ce que les enseignants doivent savoir et être capables de faire pour assurer un tel enseignement.
L’établissement de normes pour les enseignants peut contribuer à des fins multiples :
La majorité des documents normatifs existants sont génériques, dans le sens où ils ne font aucune différence entre les niveaux et les matières, avec des exceptions remarquables comme au Chili, qui a élaboré des normes propres aux enseignants du primaire et aux enseignants spécialisés des écoles secondaires (Ingvarson, 2012).
Certains cadres normatifs définissent deux à quatre niveaux de rendement scolaire différents par rapport à des compétences clés et à la carrière de l’enseignant. Parmi ces niveaux, on compte les normes pour l’enregistrement provisoire (diplômé, niveau de recrutement, nouveaux enseignants et enseignants débutants), l’enregistrement complet (enseignants compétents), les enseignants accomplis (expérimentés et avancés) et les directeurs d’établissement (éminents).
Les cadres normatifs comportent généralement plusieurs niveaux, allant d’énoncés généraux à des énoncés plus spécifiques (tableau 3.1). Cependant, tous les cadres normatifs ne renferment pas tous les niveaux et pourraient aussi se distinguer par des détails.
Niveau 1 – Principes | Guider la vision d’un apprentissage de qualité et le travail des enseignants |
Niveau 2 – Domaines | Organiser des catégories pour les normes d’enseignement |
Niveau 3 – Normes | Descriptions de ce que les enseignants doivent savoir et être capables d’appliquer dans chaque domaine |
Niveau 4 – Descriptions | Description de l’importance des normes en fonction des domaines particuliers d’enseignement |
De nombreux documents sur les normes contiennent des énoncés de vision qui décrivent la bonne pédagogie en contexte. Le programme américain InTASC Model Core Teaching Standards présente, par exemple, « une nouvelle vision de l’enseignement pour un meilleur résultat chez l’élève » (Council of Chief State School Officers, 2011).
De nombreux cadres mis en place dans différents pays organisent leurs normes en plusieurs domaines (tableau 3.2).
Pays | Domaine 1 | Domaine 2 | Domaine 3 | Domaine 4 |
---|---|---|---|---|
Australie | Connaissance professionnelle | Pratique professionnelle | Engagement professionnel | |
Écosse (Royaume-Uni) | Valeurs professionnelles et engagement personnel | Connaissance professionnelle et compréhension | Compétences professionnelles et aptitudes | |
Singapour | Pratique professionnelle | Leadership et gestion | Capacité personnelle de rendement | |
InTASC (États-Unis) | L’élève et l’apprentissage | Connaissance du contenu | Pratique pédagogique | Responsabilité professionnelle |
Québec (Canada) | Fondations | Loi sur l’enseignement | Contexte social et éducatif | Identité professionnelle |
Cadre de Danielson pour l’enseignementNote de bas de page 24 | Planification et préparation | L’environnement de la classe | Formation | Responsabilités professionnelles |
Les normes sont généralement énoncées de façon claire et précise ou sous la forme d’une série de courts titres suivis de leurs définitions. Elles mentionnent très souvent tous les aspects clés de la connaissance et de la pratique de l’enseignant qui sont appliqués dans un système éducatif. La majorité des cadres normatifs renferment des éléments similaires, tels qu’une bonne connaissance de la matière, les compétences pédagogiques, une bonne connaissance des apprenants, les compétences pour planifier l’enseignement, l’évaluation de l’apprentissage de l’élève, la gestion de l’environnement d’apprentissage et la capacité à se perfectionner.
Pour matérialiser une norme en performances observables, les énoncés généraux doivent être précisés, afin d’être suffisamment spécifiques pour la mise en application. Le cadre de normes du Qatar présente une illustration claire des normes et le niveau de description (figure 3.1). PDF
Certains pays pourraient élaborer des normes pour un objectif spécifique, tandis que d’autres pourraient les utiliser comme cadre pour différents objectifs. Par exemple, en Australie, les normes professionnelles nationales pour les enseignants décrivent les compétences de base ainsi que les seuils de performance fixés pour quatre étapes de la carrière professionnelle : diplômé, expérimenté, de haut niveau et leader pédagogique (AITSL, 2014).
Dans certains contextes, les normes sont utilisées pour stimuler l’apprentissage professionnel des enseignants et pour améliorer la qualité de l’enseignement. Dans ces cas, les autorités éducatives doivent réfléchir sérieusement à la manière de motiver et de soutenir les enseignants, afin que ces derniers s’arriment aux normes. Ajouter des responsabilités à des enseignants déjà très occupés, sans aucun appui, pourrait ne servir à rien ou même être préjudiciable.
Des normes bien définies peuvent offrir un cadre systématique et pratique pour le perfectionnement de l’enseignant, y compris le PPP, un suivi des enseignants qui ont besoin d’une assistance supplémentaire, une évaluation formatrice qui leur donne un retour d’information,Note de bas de page 25 et des outils d’auto-évaluation et d’auto-apprentissage. Le site Web de l’Institut australien pour l’enseignement et la direction d’établissement (AITSL) propose une large palette d’outils et de ressources importantes pour la formation professionnelle des enseignants.
Les pays fixant des normes pour les enseignants novices doivent s’assurer que les cadres de formation avant l’entrée en service et pendant l’initiation sont appropriés. Il peut alors être nécessaire de procéder à une révision du programme des cours de formation de l’enseignant. Si un pays dispose d’un système d’accréditation pour les instituts/programmes de formation d’enseignants ou d’autres réglementations, les critères d’évaluation devraient être cohérents avec les normes. Celles-ci peuvent servir de point de référence en vue de l’établissement de critères pour la sélection des personnes à admettre dans les programmes de formation des enseignants.
Les normes relatives aux évaluations fondées sur les performances peuvent également être utilisées à des fins de gestion et de responsabilisationNote de bas de page 26. Ce type d’évaluation tient les enseignants responsables de leur performance et nécessite des outils d’évaluation bien conçus, valides et comparables, ainsi que des évaluateurs formés, afin de garantir l’impartialité de jugement.
En sus des normes pour les enseignants, certains pays ont élaboré des normes pour les directeurs d’établissement. Ces normes ont été créées principalement pour :
(CEPPE, 2013).
Bien que la structure des normes varie de manière significative, les normes pour les directeurs d’établissement sont élaborées de la même manière que les normes pour les enseignants, comme exposé ci-dessus.
Le plus important est que les normes pour les enseignants et les directeurs d’établissement soient cohérentes avec les objectifs du système éducatif en matière d’apprentissage de l’élève, étant donné que le but ultime d’un cadre normatif est d’améliorer la qualité des perspectives d’apprentissage pour les élèves dans les écoles (OCDE, 2005).
Il est fondamental de mettre en place des politiques et des systèmes cohérents, qui soutiennent en permanence l’amélioration des performances des enseignants tout au long de leur carrière. Sans une stratégie bien articulée, les politiques enseignantes dans différents domaines pourraient être mal connectées, fragmentées et incohérentes, ce qui nuirait à l’amélioration effective de la profession d’enseignant. Darling-Hammond (2012b) propose plusieurs éléments clés en ce qui concerne cette approche systémique :
Dans des systèmes efficaces, les cadres normatifs doivent faire partie intégrante d’une stratégie holistique visant à améliorer la qualité de l’enseignant.
La participation et/ou le leadership des enseignants sont essentiels dans l’établissement de normes. Les enseignants ont en définitive la responsabilité d’appliquer les normes dans leur activité et d’investir dans leur perfectionnement professionnel en fonction de telles normes (Asia Society, 2013 ; Hayes, 2006 ; OCDE, 2013b). Tout comme de nombreux corps professionnels dans d’autres domaines (comme la médecine, l’ingénierie et le droit) assument la responsabilité de définir et de maintenir des normes élevées, les conseils de l’enseignement devraient créer un espace propice à l’établissement de normes élaborées avec la profession et à l’assurance de la qualité.
Les normes exigent une évaluation et une recherche constantes. La question de savoir si les normes permettent réellement de repérer les bons enseignants et si elles peuvent s’appliquer à différents niveaux est une question récurrente (Darling-Hammond, 2001). La somme croissante de connaissances et d’expériences sur les enseignants et l’enseignement et l’évolution du rôle des enseignants dans différents contextes suppose le besoin de réexaminer les normes en permanence.
Les autorités éducatives doivent être vigilantes quant à l’utilisation de normes comme outil pour réduire et limiter la profession d’enseignant à quelque chose qui peut être contrôlé et mesuré. Les normes ne devraient pas s’opposer au recours à diverses approches, simplifier les complexités de la pratique ni ignorer les dimensions profondément sociales et contextuelles de l’enseignement (Darling-Hammond, 2001). Lorsque les normes sont utilisées comme des mesures décidées par la hiérarchie, « directoriales », plutôt que comme un instrument propre à une profession, elles peuvent entraver la pratique enseignante et aboutir à une conformité superficielle, plutôt qu’à des changements pédagogiques significatifs.
La mise en œuvre de normes nationales et de systèmes d’évaluation doit s’adapter au contexte de gouvernance spécifique d’un pays. Dans les pays où les systèmes éducatifs décentralisés accordent une plus grande autonomie aux écoles et aux enseignants, il peut être contre-productif d’introduire des normes nationales et des systèmes d’évaluation fondés sur des normes. La Finlande, par exemple, ne dispose pas de normes nationales ni d’un système d’évaluation des enseignants. En revanche, les directeurs d’établissement jouent un rôle privilégié dans la gestion de qualité ; les proviseurs et les enseignants tiennent des « conversations annuelles sur le perfectionnement » et la plupart des enseignants ont des plans de perfectionnement individuels conformes au plan de développement de l’école. Certains pays disposent de normes nationales, mais accordent une flexibilité considérable dans les phases de mise en œuvre. Les pays doivent réfléchir au meilleur équilibre entre la direction centrale et la flexibilité locale afin de s’adapter au contexte national, pour garantir la cohérence et la responsabilisation (OCDE, 2013b).
Le principe selon lequel les enseignants sont responsables de leur performance et de la qualité de leur enseignement est l’une des clés pour rehausser le statut d’enseignant et améliorer l’apprentissage. Il existe un principe de réciprocité selon lequel les systèmes éducatifs devraient être tenus responsables face aux enseignants, en ce qui concerne la mise à disposition d’un appui effectif et de conditions de travail acceptables. D’autant plus que les enseignants n’ont aucun contrôle sur les nombreux facteurs qui affectent leur propre performance et celle de leurs élèves. Alors qu’une politique enseignante devrait mettre l’accent sur la question de la responsabilité, elle devrait aussi s’inscrire dans un cadre plus général visant à améliorer l’enseignement et la formation. Il est essentiel que les appels publics et politiques à la responsabilité des enseignants ne condamnent pas les enseignants pour tous les problèmes rencontrés dans un système éducatif.
Il est de bonne pratique que les enseignants, comme tous les employés, soient régulièrement testés ; cela leur permet d’évaluer leur performance et contribue à leur perfectionnement professionnel. Les évaluations peuvent également servir à mesurer le progrès individuel d’un enseignant par rapport à son plan de perfectionnement professionnel : en effet, les évaluations et retours d’information doivent être étroitement liés au PPP (OCDE, 2013c ; et voir également la section 3.2 ci-dessus). Comme mentionné plus haut, les appréciations ou les évaluations axées sur la performance sont susceptibles de s’appuyer sur les cadres normatifs. L’évaluation de l’enseignant doit être formatrice, axée sur l’amélioration de la pratique professionnelle, liée à l’évaluation, à la stratégie et aux objectifs de l’école et fondée sur des critères holistiques intégrant des aspects propres au contexte de l’école.
Les objectifs des évaluations doivent être clairs et partagés par toutes les personnes concernées ; ils doivent notamment être transparents, équitables et justes et prôner aussi bien le besoin d’amélioration qu’un retour d’information positif. Par ailleurs, il convient d’indiquer si l’évaluation est réalisée à des fins de responsabilisation ou d’amélioration, voire les deux. Il existe cependant des risques à associer les deux fonctions, étant donné que les enseignants peuvent ressentir le besoin de cacher leurs faiblesses, plutôt que d’utiliser l’évaluation comme une occasion de discuter des stratégies qui leur permettront de les surmonter.
L’évaluation et l’appréciation de la performance reviennent à examiner la sous-/mauvaise performance de l’enseignant. S’agissant de la mauvaise performance en matière de programme d’enseignement, les mêmes principes de l’évaluation de la performance (à savoir, l’équité et la transparence) sont applicables. Toutefois, la voie juridique pour l’évaluation de la performance devrait être utilisée en dernier ressort. Les mesures de l’évaluation d’une bonne performance, ancrées dans la culture de l’amélioration continue et d’une pratique réfléchie, devraient recenser les faiblesses de l’enseignement à un stade précoce et prévoir des pistes d’amélioration. Ce n’est qu’en cas d’échec de ces mesures que des procédures plus formelles, pour renvoyer des enseignants non performants, peuvent être prises.
Le Cadre du General Teaching Council of Scotland (2012), qui a fait du soutien aux enseignants dont les performances sont faibles un élément central de la stratégie d’amélioration, fournit un résumé utile des procédures applicables en cas de performances insuffisantes (figure 3.2).(PDF)
Comme cela a été mentionné à la section 3.7.5 ci-dessus, l’évaluation peut s’accompagner d’incitations, pouvant être des récompenses financières ou non financières, telles qu’un accès au perfectionnement professionnel ou un congé de formation. Lorsque des incitations fondées sur la performance sont utilisées, les modalités de leur administration doivent être équitables, transparentes et crédibles et les individus responsables de leur gestion doivent être bien formés et capables de les utiliser de manière cohérente et juste. Les évaluations de la performance mal organisées et partiales, s’appuyant sur des critères subjectifs, le parrainage ou le favoritisme, peuvent être une source majeure de découragement. Lorsque la performance des enseignants n’est pas à la hauteur de la norme, ils doivent recevoir un retour d’information clair, constructif, leur expliquant les aspects de leur performance qui doivent être améliorés, comment les améliorer et un soutien pour y arriver.
Le suivi et l’évaluation réguliers de l’enseignement par des collègues qualifiés et encourageants peuvent aider les enseignants dans l’utilisation de méthodes et de pratiques appropriées et promouvoir leur perfectionnement professionnel, contribuant ainsi à une formation de qualité. L’évaluation de l’enseignant devrait inclure un appui aux enseignants afin de déterminer si l’élève produit les résultats escomptés de l’apprentissage et d’appliquer la mesure palliative adéquate le cas échéant. Dans de nombreux pays, les évaluations d’enseignants sont réalisées par des inspecteurs, des membres des services d’inspection spécialistes attachés aux autorités éducatives régionales ou sous les auspices des départements ou des ministères de l’éducation nationale. Compte tenu du fait que les enseignants peuvent avoir peur et se méfier des inspecteurs externes, les visites de ces derniers peuvent perturber les routines de l’école et être une source majeure d’anxiété et de stress chez l’enseignant. Lorsque des inspections externes sont menées, les inspecteurs doivent être recrutés en fonction de cadres de compétences bien définis, garantissant qu’ils ont la connaissance, les compétences et les aptitudes nécessaires pour évaluer et soutenir les enseignants. Par ailleurs, les inspecteurs doivent utiliser des cadres d’évaluation inclusifs et sans ambiguïté de manière cohérente, objective et équitable. Les inspecteurs doivent être formés, en particulier en matière d’équité, de non-discrimination et d’impartialité. Les inspections doivent être constructives plutôt que punitives et mettre l’accent sur l’élaboration d’un retour d’information formateur afin de stimuler l’amélioration continue.Note de bas de page 27
Il existe une tendance croissante à se détacher des inspections externes pour se tourner vers des systèmes d’évaluation de l’enseignant plus collégiaux, flexibles et suivant le modèle scolaire (OIT, 2012 : 94). Les collègues enseignants, les chefs d’établissement, les organes de gestion des écoles, les conseils scolaires ou les conseils d’établissement et les apprenants peuvent tous jouer un rôle dans l’évaluation de l’enseignant, qui comprend aussi l’auto-évaluation. Partout où ces méthodes sont appliquées, les personnes responsables de l’évaluation des enseignants doivent également recevoir une formation afin de les évaluer de manière cohérente, objective, équitable et constructive.
Une politique enseignante doit également prévoir l’évaluation de la performance des dirigeants d’établissement, déterminer la fréquence et la méthode d’évaluation et établir des critères d’évaluation clairs et transparents. Les systèmes d’appréciation des directeurs d’école comprendront un retour d’information sur leur performance de la part des enseignants et d’autres personnes sous leur direction, ainsi que de leurs propres supérieurs. Les critères d’évaluation seront alignés sur les priorités et la politique d’éducation nationale et y seront intégrés ; ils peuvent comprendre des critères tels que les acquis d’apprentissage de l’élève, l’accompagnement de l’élève, la gestion et la supervision des enseignants et la satisfaction et la rétention des enseignants. Les systèmes d’évaluation doivent être intégrés au PPP et à d’autres perspectives d’avancement de carrière. Les personnes responsables de l’évaluation de la performance des dirigeants d’école doivent être correctement formées. Le processus d’évaluation « ne doit pas devenir un exercice de pure forme, de case à cocher, et doit être assez clair pour comprendre les modèles sous-jacents de comportement ayant résulté d’une gestion efficace » (OIT, 2012 : 45).
La gouvernance scolaire fait partie des facteurs essentiels recensés aussi bien pour la motivation de l’enseignant (et par conséquent pour le moral, la performance et la rétention de ce dernier) que pour la performance et les acquis de l’apprenant (Hightower et al., 2011 ; UNESCO, 2014a). Parmi les conséquences d’une mauvaise gouvernance scolaire ayant une incidence négative sur les apprenants, citons notamment à titre d’exemple : l’absentéisme et la présence aléatoire des enseignants ; des enseignants offrant des cours particuliers non contrôlés, au lieu d’assumer leurs missions pédagogiques de base, afin d’augmenter leurs revenus ; la violence sexospécifique et d’autres comportements non professionnels. Le Rapport mondial de suivi sur l’EPT 2013/14 réaffirme l’importance de l’intégration de la gouvernance scolaire avec les autres dimensions de la gestion scolaire exposées dans le présent chapitre, en recensant quatre stratégies visant à améliorer la gouvernance : attirer les meilleurs enseignants ; améliorer la pédagogie de l’enseignant pour que tous les élèves puissent apprendre ; envoyer des enseignants dans les lieux où on en a le plus besoin ; et appliquer des mesures d’incitation pour conserver les meilleurs enseignants (UNESCO, 2014a : 266). Les autres solutions visant à améliorer la gouvernance consistent à former les directeurs d’établissement et les autres parties prenantes, à les amener à jouer leurs rôles de manière efficace et à s’assurer que tous les acteurs impliqués dans l’établissement et le maintien de l’environnement matériel et culturel de l’école reconnaissent qu’il s’agit d’un élément déterminant dans la mise en place d’une formation et d’un apprentissage efficaces.
Il existe de nombreux ouvrages sur le rôle de la direction dans la création d’établissements performants et la promotion de la gouvernance de l’enseignant (voir, par exemple, Pont, Nusche, et Moorman, 2008 ; Hightower et al., 2011 ; UNESCO, 2014a). Bien qu’ils soient de plus en plus conscients de la nécessité d’assurer un recrutement et une formation efficaces des dirigeants d’école ou des proviseurs (voir sections 3.1 et 3.2), de nombreux pays manquent toujours de stratégies pour détecter et former les dirigeants d’école qui semblent être choisis parmi le personnel enseignant et qui sont supposés gérer une école et ses ressources, matérielles et humaines, avec plus ou moins de préparation.
Comme cela a été indiqué à la section 3.2, les dirigeants d’école sont les ultimes responsables de l’éducation que reçoivent les élèves à l’école, directement depuis la salle de classe et indirectement dans les aires communes de rassemblement dans les écoles et les cours de récréation. Il leur revient également de gérer et de soutenir le personnel enseignant et non enseignant, et de s’assurer de la présence et de la ponctualité des enseignants, ainsi que de la surveillance de l’environnement matériel et moral de l’école. Les dirigeants d’école ont notamment pour mission d’encadrer, de soutenir et de conseiller les enseignants ; d’orienter les apprenants : de communiquer et d’entrer en contact avec les parents et les tuteurs ; de gérer les finances de l’école et les autres fonctions administratives ; de donner le ton et de définir la culture et les valeurs de l’établissement. Une politique enseignante doit permettre aux directeurs d’établissement de jouer ce rôle fondamental et comporter des dispositions visant à : repérer, recruter et conserver les dirigeants d’école motivés et talentueux (voir section 3.1.6) ; garantir la formation appropriée (initiale et PPP) des dirigeants d’école (voir section 3.2.10) ; et évaluer régulièrement les dirigeants d’école (voir section 3.8.4).
Les autres groupes et parties prenantes ont également un rôle important à jouer dans la gouvernance scolaire. Il s’agit des parents, des administrateurs d’école, des associations de parents et d’enseignants, des membres et dirigeants de la communauté, des responsables locaux de l’éducation, des membres du personnel enseignant et non enseignant, tels que les administrateurs, les concierges ou gardiens, le personnel d’entretien et les jardiniers. Toute personne qui travaille régulièrement dans une école ou qui se rend dans une école (un bénévole, par exemple, contribuant aux activités de l’école, telles que le sport ou les repas de la cantine) a un rôle à jouer dans la mise en place et le renforcement de la culture et des valeurs de l’école. Tous ces individus doivent s’assurer que leur comportement s’inscrit dans le droit fil des normes les plus élevées, qu’ils montrent le bon exemple aux élèves et ne nuisent, en aucune manière, aux élèves, aux enseignants ou au personnel. Le directeur d’établissement et son adjoint sont chargés de communiquer et de faire appliquer ces règles et ces normes ; dans cette tâche, ils doivent recevoir le soutien des membres, en particulier celui du responsable du conseil de l’école ou de l’organe administrateur.
Le directeur d’établissement, en collaboration avec les autres acteurs, est responsable de la création et de la préservation d’un environnement scolaire sûr, adapté au besoin ; il doit aussi favoriser une éducation de qualité. L’environnement de l’école comprend aussi bien l’environnement physique/matériel que l’environnement culturel.
Créer et maintenir un environnement matériel scolaire efficace suppose de gérer et d’entretenir les infrastructures et le mobilier de l’école, s’assurer de la propreté et de l’hygiène de l’école, de l’absence de détritus, de pollution et de tout danger. Les toilettes doivent être sûres, pour que les élèves (les filles en particulier) puissent les utiliser en toute sécurité ; du papier et de l’eau pour se laver les mains doivent être disponibles. Créer et gérer un environnement propice à l’enseignement et à l’apprentissage suppose de s’assurer que l’école ne présente pas un niveau de bruit trop élevé et qu’elle est aussi agréable que possible du point de vue esthétique. Les écoles dans lesquelles les travaux scolaires et les œuvres artistiques des apprenants sont affichés de manière ostensible font savoir aux élèves, parents et visiteurs que ce travail est important et valorisé. Un environnement scolaire efficient est adapté aux élèves, aux filles et aux enseignants, afin de stimuler la motivation et la performance des élèves et des enseignants (voir la discussion sur l’interaction entre les conditions de travail et la motivation et la performance de l’enseignant à la section 3.5). La responsabilité de la préservation de cet environnement revient à toutes les personnes qui l’utilisent, mais c’est au directeur d’établissement qu’elle incombe en dernier ressort.
L’environnement culturel dominant est tout aussi important et est lié à l’environnement matériel de l’établissement. Une école doit être un lieu où l’apprentissage est valorisé et dans lequel les élèves et les enseignants se sentent soutenus et appréciés. Elle doit intégrer les valeurs de tolérance, d’inclusion et d’équité à tous les niveaux et dans toutes les activités. Tout groupe vulnérable doit être protégé et l’école doit promouvoir une culture forte de l’égalité. Créer un environnement culturel dans lequel les élèves apprennent à vivre en société et à traiter leurs pairs et leurs enseignants avec respect nécessite une direction forte, ce qui est la responsabilité du directeur d’établissement.
Le présent chapitre a présenté et examiné plusieurs aspects différents, mais liés, qui doivent soutenir une politique enseignante holistique et intégrée. La figure 3.3 montre certain(e)s des principaux problèmes/des principales questions, examiné(e)s dans le présent chapitre, qu’une politique enseignante peut chercher à régler. Elle indique que l’efficacité de la politique enseignante et des programmes dépend de la relation entre les variables clés des milieux de l’éducation et de la formation des enseignants, compte tenu du contexte national politique, économique, social et culturel dans chaque pays. (PDF)
Le chapitre suivant examine le processus d’élaboration de cette politique.
Vous pouvez maintenant répondre au quiz du chapitre 3 pour essayer de gagner votre badge pour ce chapitre.
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