Comme ce Guide le démontre, l’élaboration d’une politique enseignante est une entreprise complexe, qui dépend d’un certain nombre de facteurs politiques, sociaux, culturels et économiques dont bon nombre sont extérieurs à l’éducation.
D’abord, la mise en œuvre est souvent propre à chaque pays. Au cours de sa mise en œuvre, la politique enseignante peut ne pas avoir la « visibilité » politique que peuvent avoir, par exemple, une nouvelle école ou des inscriptions gratuites pour tous les apprenants.
Puisque les statistiques politiques doivent montrer des résultats immédiats pour les électeurs, l’élaboration d’une politique enseignante devient politiquement complexe et coûteuse, ainsi que le soulignent d’autres guides régionaux de politique (OREALC, 2013 : 9, 90). Les facteurs qui affectent la mise en œuvre sont les politiques gouvernementales générales, les capacités et l’orientation politique ainsi que l’état du système éducatif et de la profession enseignante au moment de l’élaboration et de la mise en œuvre de la politique. Les forces politiques et sociales en jeu dans le pays (par exemple, le pouvoir des organisations d’enseignants ou d’autres acteurs) en ajoutent à la complexité du projet.
Ayant à l’esprit toutes ces influences potentielles, le but ultime de l’élaboration d’une politique est de la mettre en œuvre dans la mesure du possible. Par conséquent, ainsi que le propose le chapitre 4, des plans de mise en œuvre doivent déjà être en cours d’exécution dans le cadre du processus d’élaboration des politiques, avec un calendrier et une feuille de route esquissés par les responsables de l’élaboration des politiques, et adaptés au pays et au contexte du système éducatif en question.
Certaines données destinées à guider la mise en œuvre des politiques éducatives dans les pays de l’OCDE peuvent contribuer à orienter les efforts futurs dans ces pays et dans d’autres (encadré 5.1).
L’une des premières décisions, en fonction du pays et du contexte politique, sera de déterminer si la politique est mieux appliquée par le programme ou la campagne du gouvernement, les décisions/règles de l’exécutif ou administratives, par la législation ou par une combinaison de tout cela. Les questions à garder à l’esprit au moment de prendre cette décision sont :
Comme indiqué au chapitre 4, le processus de réflexion consacré à un plan de mise en œuvre débute au cours du processus d’élaboration de la politique. La prochaine étape du processus consiste à mettre sur pied un moyen et un plan de mise en œuvre clair et maîtrisable pour les décideurs.
Les recherches sur la mise en œuvre efficace des réformes éducatives centrées sur les efforts d’amélioration scolaire dans les pays de l’OCDE à revenus élevés évoquent plusieurs facteurs parmi lesquels :
Cette section met l'accent sur la mise en œuvre de la politique et des structures qui doivent être en place pour garantir sa réussite.
En lisant cette section, prenez de brèves notes sur :
Pensez à votre propre contexte et réfléchissez aux aspects du processus de mise en œuvre qui sont forts et qui pourraient être renforcés.
Comme expliqué au chapitre 4 (dans la section consacrée à la phase 3 du processus politique), la législation de mise en œuvre d’une politique enseignante peut ou non être requise dans le cadre du système politique d’un pays, mais la mise en œuvre de la politique à travers la législation nationale lui ajoute une autre dimension politique potentiellement déterminante. Dans une société démocratique, le droit national prime sur la Constitution du pays. La législation est presque toujours accompagnée de mesures de mise en œuvre aux plans financier et administratif qui améliorent grandement (mais sans la garantir) la possibilité qu’une politique soit efficacement mise en œuvre. Comme indiqué dans l’encadré 2.6, tel est par exemple le cas de la législation « No Child Left Behind » (Aucun enfant laissé pour compte) des États-Unis, adoptée en 2001, et de l’initiative « Race to the Top » (Nivellement par le haut), introduite dans le cadre de la législation sur l’impulsion économique adoptée après le krach financier de 2008. Étant donné le caractère fédéral des États-Unis, les deux programmes ont adopté des incitations financières importantes, encourageant chaque État et district scolaire local à suivre les objectifs politiques, sur la base de critères et de plans strictement définis. De nombreux États et districts scolaires locaux ont élaboré des plans pour satisfaire aux critères de ces politiques et pour s’assurer les subventions fédérales nécessaires ; ces plans portent souvent sur les questions d’évaluation et d’emploi des enseignants, ainsi qu’il est indiqué dans l’initiative « Race to the Top ». Des rapports récents révèlent des résultats de mise en œuvre mitigés, mettant en lumière des défis tels que des ressources très réduites et le manque de communication et d’implication des acteurs (voir, entre autres, Baker, Oluwole, et Green, 2013 ; Boser, 2012 ; Weiss, 2013). Néanmoins, les débats politiques autour de la législation et les efforts déployés pour se conformer aux conditions des incitations de mise en œuvre ont donné aux politiques bien plus de visibilité et d’influence qu’elles n’en auraient eu autrement.
Planifier et apporter un soutien technique et juridique à l’organe législatif d’un pays pour adopter une/des loi(s) visant à mettre en œuvre une politique enseignante nationale ne va pas sans coûts, sans retards et sans revers. L’encadré 4.5 décrit le processus et le calendrier d’adoption de la loi indienne de 2009 sur le droit à un enseignement gratuit (Right to Free Education Act). Compte tenu des délais dus aux recours juridiques, cette politique n’a été officiellement approuvée qu’en 2012, au terme d’un processus qui a duré dix ans. L’adoption de la législation ainsi que sa réaffirmation conformément à la Constitution du pays constituent un outil potentiellement puissant pour les autorités éducatives et les acteurs dans le but de faire avancer la politique enseignante, dans un pays qui engage près de 15 % des enseignants des niveaux primaire et secondaire dans le monde, et qui a besoin d’un nombre d’enseignants supplémentaires estimé à 3 millions d’ici 2030 (UNESCO, 2014 ; ISU, 2014).
Si la législation est la méthode de mise en œuvre qui a été retenue, le soutien technique fourni par les responsables de l’élaboration de la politique est essentiel à différents stades, notamment pour : élaborer la législation en tenant compte des connaissances et des contributions des experts juridiques ; répondre aux questions parlementaires (commissions/comités ou réponses directes aux législateurs ou à leurs assistants) ; établir des relations avec les groupes d’intérêts politiques, entre autres les acteurs importants ; mener des actions auprès des législateurs et des médias ; et peaufiner la législation ou ses dispositions de mise en œuvre après adoption.
Les responsables de l’élaboration des politiques au sein du ME ou d’un autre organisme/service d’emploi/de gestion des enseignants peuvent être mandatés ou peuvent choisir d’emprunter des voies exécutives ou administratives pour la mise en œuvre de la politique. Découlant de l’autorité institutionnelle conférée par la législation et la réglementation s’y rattachant, de telles voies sont moins coûteuses (particulièrement en matière de personnel et de ressources financières). Il peut s’avérer plus difficile d’obtenir l’effet escompté, les responsables ne disposant pas toujours de l’autorité politique nécessaire et d’un soutien financier adéquat. En même temps, ces voies peuvent être un moyen plus économique de mise en œuvre de la politique, et même constituer un progrès par rapport à des instruments moins contraignants, tels que la publication de lignes directrices dans les systèmes décentralisés. La politique de recrutement des enseignants du Kenya en est un exemple (encadré 5.2).
Au Kenya, la TSC a reçu le mandat de créer et d’entretenir un service d’enseignement suffisant et professionnel pour les établissements d’enseignement publics du pays. La décentralisation des fonctions de la TSC au profit des districts et des écoles pour rapprocher les services des usagers a été suivie à la fin des années 1990 par un embargo du Gouvernement sur les recrutements dans le service public, mettant ainsi fin au recrutement automatique des enseignants formés. La Commission a alors adopté une nouvelle politique de recrutement des enseignants sur la base de la demande et des vacances de postes dues aux départs effectifs naturels et a appliqué les directives annuelles qui étaient révisées chaque année avant l’exercice de recrutement.
En 2006, la Commission a conçu et publié une politique complète visant à améliorer l’efficacité du recrutement des enseignants. La politique donne des orientations en ce qui concerne les futurs recrutements, définit les rôles des agents recruteurs, et indique les rôles et responsabilités des autres acteurs impliqués dans le processus. Elle établit un cadre institutionnel pour la mise en œuvre, notamment des unités de direction et de mise en œuvre, des outils de mise en œuvre (parmi lesquels des directives pour les unités décentralisées, des relevés d’emploi et des codes de conduite et d’éthique de la profession enseignante), un suivi, une évaluation (par exemple, une matrice) et une révision pour résoudre les questions urgentes. Son autorité lui est conférée par la législation (la loi sur la TSC) et la réglementation (le code de conduite de la TSC pour les enseignants).
La mise en œuvre d’une politique peut faire appel à un certain nombre d’outils ou d’instruments, notamment un plan d’action, un cadre logique (structure de travail cohérente), des directives ou des outils similaires. Les instruments choisis doivent comprendre un calendrier qui tient compte du temps nécessaire pour mettre en œuvre une politique, des difficultés qui se présenteront et des capacités d’opérationnalisation de la politique.
Un plan d’action sert de feuille de route aux autorités en ce qui concerne la façon dont les objectifs, les stratégies et les programmes peuvent être mis en œuvre, sur la base des ressources planifiées, des rôles et des responsabilités définis ainsi que du calendrier souhaité. Certains plans d’action sont formulés plus généralement, comme dans le cas du plan du Royaume-Uni pour la formation des enseignants (encadré 5.3).
En 2011, le ME du Royaume-Uni a publié un plan de mise en œuvre de la stratégie relative à la formation initiale des enseignants. Le public visé par le plan comprend les principaux acteurs de la formation des enseignants, notamment les établissements scolaires et les universités, les enseignants et les formateurs de ces derniers. Il est conforme aux principaux thèmes de la stratégie, énumérant les principales activités attendues dans le cadre de chaque thème principal : la qualité des stagiaires (cinq activités) ; un meilleur investissement – de meilleurs enseignants (douze activités) ; et réforme de la formation (neuf activités). Le plan comprend également un diagramme indiquant les dates importantes et les étapes majeures de la mise en œuvre de la stratégie.
Il est couramment admis qu’un plan d’action formulé de façon minutieuse accroît la probabilité d’une mise en œuvre efficace. Les éléments à prendre en considération dans l’élaboration d’un plan d’action sont :
L’élaboration d’un plan d’action ayant une chance raisonnable de favoriser la réussite de la mise en œuvre d’une politique enseignante implique que les différents acteurs (chacun ayant des tâches et des rôles spécifiques) dialoguent entre eux (voir chapitre 4 et encadré 5.1). Ce processus étant éminemment politique, un dialogue efficace doit être assuré aux différents niveaux décisionnels et avec l’éventail le plus large possible d’acteurs politiques, principalement entre :
Compte tenu de sa nature politique, le dialogue relatif à la mise en œuvre du plan, à l’instar du processus d’élaboration de la politique (voir chapitre 4), implique inévitablement des compromis quant à l’établissement des priorités liées à la nature et à la performance des activités requises. Des révisions, des reports ou des annulations des activités moins prioritaires doivent être prévus de façon à ce qu’un nombre maximal de parties prenantes/d’acteurs puissent participer activement au succès de la politique et du plan et se l’approprier. Au lieu d’affaiblir le plan, un processus s’appuyant sur le compromis renforcera souvent la probabilité de succès de la mise en œuvre, s’il réunit le maximum de partenaires autour de lui.
Une fois décidé, le plan d’action devra faire l’objet d’une évaluation complète des coûts et (autant que possible) être financé à partir des ressources existantes conformément aux paramètres ci-dessus. Le financement de la mise en œuvre peut être différent de celui de l’élaboration des politiques (voir section 4.3), même s’il fait partie d’un budget unifié couvrant les deux depuis le début du processus. Lorsque cela est nécessaire et possible, des ressources peuvent être sollicitées auprès des acteurs nationaux et/ou des partenaires internationaux, sur une base générale ou pour des projets spécifiques, comme c’est le cas pour le financement de l’enseignement général. Cet aspect souligne l’importance d’un appui large des acteurs à la politique et au plan, de façon à accroître les ressources consacrées à la mise en œuvre : habituellement les besoins en ressources humaines n’ont d’égal que ceux en ressources financières. S’il y a un déficit de financement, il peut s’avérer utile de repenser les objectifs et les ambitions du plan ou d’inclure d’autres moyens de surmonter les contraintes dans le plan. Le financement de la mise en œuvre au titre du plan doit toujours être envisagé avec une perspective de temps, pas simplement à court terme ou en association avec le premier plan, et le financement doit être programmé pour coïncider avec les cycles budgétaires du gouvernement et des autorités éducatives (ADEA, 2009 : 3 ; PME, 2014 : 350 ; IIPE et PME, 2012 : 15-16 ; OIT, 2014 : 4, 33 ; Yelland et Pont, 2014 : 31-32).
S’il est correctement adapté, un cadre logique (structure de travail cohérente), élaboré comme une conception de projet et une méthode de gestion et utilisé par de nombreuses agences bilatérales et multilatérales de développement dans les pays à revenus élevés (Banque mondiale, s.d.), peut aider les responsables de la mise en œuvre à suivre l’évolution. Une matrice de structure de travail cohérente relie les objectifs, les buts et les résultats attendus à travers les activités planifiées à des indicateurs « objectivement vérifiables » ou mesurables. Le but est de mesurer l’évolution tout en spécifiant également les moyens de vérifier les indicateurs (informations) et les hypothèses. L’on peut citer, à titre d’exemple au niveau international, la structure de travail cohérente élaborée par l’UNESCO pour la mise en œuvre de son Initiative de formation des enseignants pour l’Afrique subsaharienne (UNESCO, 2007 – http://unesdoc.unesco.org/ images/ 0015/ 001539/ 153940e.pdf).
Un plan de travail pour mettre en route les stratégies ou les programmes est en outre possible. Le plan de travail du Ghana à l'appui du plan de son secteur éducatif (voir encadré 2.1) contient plusieurs composantes groupées sous la rubrique des objectifs consacrés aux enseignants ou à l’enseignement : l’amélioration de la gestion de l’offre de services éducatifs ; et l’offre en personnel enseignant et son affectation. La matrice du plan de travail lie ces objectifs à des cibles (résultats et produits) ; elle donne une indication générale de la stratégie, des activités, des calendriers et des services/agences responsables (Gouvernement du Ghana, 2012).
L’élaboration soit d’une structure de travail cohérente, soit d’un plan de travail dans le cadre de la mise en œuvre de la politique peut clarifier les buts et les orientations et permettre de tisser une collaboration entre les unités, les services et les agences. Les limites de chacun de ces outils doivent néanmoins être reconnues : une tendance à la rigidité en fonction de la matrice et, par conséquent, un manque de souplesse d’adaptation de la mise en œuvre aux changements de circonstances et aux contraintes (politiques, économiques/financières et par-dessus tout humaines) ainsi qu’une difficulté à obtenir de la part des acteurs des contributions significatives à la matrice, que ce soit au stade de la conception, de la mise en œuvre ou du suivi/de l’évaluation. Des structures de travail cohérentes et des plans de travail demeurent des outils à usage interne, nécessaires pour ceux qui sont impliqués dans la conception et la mise en œuvre de la politique/du plan, à condition qu’ils aient les connaissances et la formation nécessaires pour utiliser efficacement ces outils.
Bien souvent, des lignes directrices détaillées et pratiques relatives à la mise en œuvre d’une politique peuvent présenter un intérêt pour la mise en œuvre. Des lignes directrices (qui peuvent également inclure ou être assorties de listes de contrôle) peuvent se révéler particulièrement utiles pour les acteurs et les parties prenantes n’ayant pas directement pris part à l’élaboration de la politique, par exemple : l’administration décentralisée ; des organismes tels que des prestataires de formation des enseignants ; et des organismes professionnels spécialisés, tels que des autorités de certification, des comités de normalisation ou des enceintes consacrées aux relations de travail. La politique kenyane sur le recrutement des enseignants (voir encadré 5.2) contient des lignes directrices de mise en œuvre et d’autres outils.
Un plan de suivi et d’évaluation assorti des instruments appropriés doit faire partie intégrante de tout plan de mise en œuvre pour s’assurer que les activités planifiées sont réalisées et que les objectifs sont atteints. Si les ressources le permettent, un service ou une unité (comme une unité spécialisée de suivi et évaluation, l’unité responsable de l’EMIS ou du TMIS, ou une équipe interservices) doit être chargé de la tâche de suivi périodique pour assurer l’exécution fidèle du plan. Lorsque les ressources humaines ou financières des autorités éducatives sont limitées (par exemple, dans les pays pauvres en ressources, les petits États ou les autorités décentralisées), au moins un membre de l’unité chargée de la conception du plan doit avoir de telles responsabilités.
Les activités de suivi peuvent être divisées comme suit :
Le suivi peut mettre au jour la nécessité de procéder à des changements en ce qui concerne certains indicateurs, tels que la façon de mesurer les évolutions (ou l’absence de mesure), mais il ne peut pas nécessairement indiquer ce qui est à l’origine de ces changements – d’où la pertinence de l’évaluation, qui peut révéler ce qui s’est passé, pourquoi cela s’est passé et quelle différence cela fait (Russon, 2010 : 108). Une évaluation à mi-parcours ou en fin de parcours (ou les deux), de préférence conduite par un agent indépendant pour en garantir l’objectivité, est importante dans l’évaluation de la mise en œuvre de la politique et dans l’orientation des futures mises en œuvre. Une dernière évaluation peut porter sur l’incidence et les résultats, la pertinence, la rentabilité et la durabilité, et énumérer les raisons de la réalisation ou de l’échec du plan, notamment en tirant des leçons pour guider la révision de la politique et les plans futurs (voir l’exemple de la Namibie dans l’encadré 5.4).
Dans la première partie du siècle, les principales politiques du Ministère de l’éducation en Namibie ont exigé des enseignants qu’ils utilisent des stratégies pédagogiques centrées sur l’apprenant et suivent la performance des apprenants selon une méthode d’évaluation continue. Pour appuyer les efforts de la réforme, le perfectionnement professionnel des enseignants était initialement fondé sur une formulation centralisée de la politique, la production de documents écrits sur les politiques et leur mise en œuvre, et une formation en cascade, passant du ministère central aux régions éducatives et à des groupes d’écoles plus petits et, finalement, aux enseignants dans les écoles.
Une stratégie évolutive du Ministère de l’éducation, s’appuyant sur un perfectionnement des enseignants décentralisé et ascendant, au titre de laquelle les enseignants étaient supposés agir comme les intermédiaires de la mise en œuvre de la nouvelle politique et des réformes, plutôt qu’être l’objet des lignes directrices et des programmes de formation, a amené le ME à mettre en place un système d’auto-évaluation scolaire. Des aspects de l’instruction en salle de classe des enseignants sont devenus l’une des composantes du système pour soutenir une mise en œuvre plus efficace des réformes de la stratégie d’instruction et pour suivre les performances scolaires. Un protocole d’observation doté d’indicateurs spécifiques a été utilisé comme base permettant aux enseignants, aux parents, aux membres de la communauté et au proviseur de discuter des réponses et de produire de manière conjointe un résumé scolaire, utilisé plus tard dans l’élaboration de plans scolaires pour les activités d’amélioration. Les résultats ont souligné la nécessité d’une plus grande collaboration entre les enseignants et plus encore celle d’un meilleur mécanisme de soutien et de retour d’information pour donner aux enseignants davantage voix au chapitre en ce qui concerne leur propre perfectionnement professionnel et, par extension, une meilleure mise en œuvre des politiques.
Un suivi et une évaluation efficaces exigent des indicateurs clairs et mesurables liés aux objectifs fixés. Les principaux indicateurs doivent être :
À cet égard, les indicateurs doivent être convenus et acceptés par les acteurs et, s’ils sont utiles à la mise en œuvre de la politique, par les partenaires du développement (IIPE et PME, 2012 : 15-18 ; OIT, 2012 : 64, 102, 133-134). Grâce à des mécanismes appropriés de dialogue social (voir chapitre 4), les enseignants au niveau de l’établissement scolaire et les organisations d’enseignants à d’autres niveaux peuvent apporter des contributions essentielles aux indicateurs prioritaires pour les résultats d’apprentissage, qui sont mesurables, pertinents et équitables par rapport aux réalités de la salle de classe, et respectent les exigences de cohérence au fil du temps.
Tandis que les concepteurs d’un plan de mise en œuvre auront invariablement des indicateurs quantitatifs pour les guider dans la mise en œuvre, peut être nécessaires pour jauger le succès ou l’échec, et ainsi influencer la planification de la politique et de la stratégie pour une meilleure incidence, de recourir davantage aux informations de qualité fournies par les acteurs ou les chercheurs indépendants. Cette approche est cruciale dans l’évaluation des attitudes et des comportements des acteurs probablement les plus importants dans la mise en œuvre de la politique (les enseignants) qui, pour plusieurs raisons liées à leur vécu et leurs expériences personnels et professionnels ainsi qu’à la perception qu’ils ont de leur condition, deviennent souvent réticents à mettre en œuvre une politique à laquelle ils avaient peu ou n’avaient pas du tout contribué au cours du processus d’élaboration (Smit, 2005 ; Hargreaves, 1994 ; Hargreaves, 1998).
En plus des perceptions et des retours d’information des enseignants et des directeurs d’établissement sur la mise en œuvre du plan et sur les objectifs généraux de la politique, le suivi et l’évaluation peuvent fournir l’occasion d’utiliser un mécanisme institutionnel (le dialogue social) pour permettre à l’enseignant de mieux s’exprimer dans le processus au niveau de l’école, si cela n’a pas été prévu à d’autres étapes politiques (voir chapitres 2 à 4) (OIT, 2012 : 216-217).
De plus en plus, une approche plus ascendante (opposée à descendante) en matière de suivi et d’évaluation de la conception et de la mise en œuvre des politiques est privilégiée :
Que ce soit dans un système éducatif centralisé, fédéral ou hautement décentralisé, déterminer qui est responsable de quelles parties de la mise en œuvre des politiques et à quel niveau (voir aussi chapitre 4) clarifie les responsabilités, les tâches et les lignes de communication (IIPE et PME, 2012 : 13 ; UNESCO, 2012a : 42-45). Les responsabilités doivent être définies à tous les niveaux, du responsable exécutif national le plus haut placé à l’établissement scolaire, d’autant plus pour ceux qui sont plus directement engagés avec les enseignants – par exemple les proviseurs/directeurs d’établissement, les inspecteurs, les formateurs des enseignants, les normalisateurs (organismes de qualification professionnelle) et les autorités qui emploient (les commissions du service des enseignants ou du service public, les responsables/employeurs d’établissements privés). Le monde à couches multiples de la planification et de la gouvernance de l’EPE, les compétences étant souvent réparties entre plusieurs ministères ou agences du gouvernement, constitue un bon exemple de l’importance de la coordination interagences/interministérielle pour la réussite de la politique éducative (OIT, 2014 : 33).
C’est pourquoi le processus exige une évaluation des facteurs clés de succès et des obstacles, ainsi que des décisions connexes sur qui fait quoi, quand, où et comment. De telles décisions doivent définir les responsabilités en matière de leadership et de mise en œuvre, en plus d’énumérer les capacités humaines et financières de mise en œuvre. La définition du processus de mise en œuvre doit lever les obstacles politiques et autres qui barrent la voie menant au succès. Si ces facteurs ne sont pas inclus dans le plan d’action, il convient de les définir dans une évaluation connexe, étayée par des directives organisationnelles, le cas échéant.
Il est essentiel de désigner les chefs de file qui sont responsables de l’ensemble de la mise en œuvre de la politique ainsi que des programmes ou activités spécifiques et de définir la manière dont ils doivent rendre des comptes ; cela doit se faire dans la politique enseignante, tout comme dans l’ensemble de la politique du secteur éducatif. Par exemple :
Une capacité suffisante pour mettre efficacement en œuvre une politique est essentielle pour assurer sa réussite. Parmi tous les facteurs qui peuvent être directement influencés par les personnes chargées de l’élaboration des politiques et les décideurs, une analyse des capacités des acteurs clés de la mise en œuvre doit au moins prendre en considération :
Une mise en œuvre réussie passe avant tout par le renforcement de la capacité à tenir compte de ces facteurs. Lorsque des lacunes sont repérées, la formation à la planification, à la gestion, à la communication et à d’autres compétences doit être prise en considération préalablement à la mise en œuvre ou parallèlement à celle-ci. Tout appui technique externe (par exemple, par des personnes, des institutions/agences ou des gouvernements) doit viser à consolider les capacités nationales, que ce soit au niveau central, régional ou local (IIPE et PME, 2012 : 8, 13, 24). L’objectif du Plan stratégique pour l’éducation de la République de Trinité-et-Tobago, à savoir transformer le Ministère de l’éducation en un organisme très performant, met l’accent sur la stratégie/priorité en matière de capacité et de compétence institutionnelle, entre autres sur 17 activités liées au leadership, à la gouvernance et à la gestion intégrée ; aux systèmes de suivi et d’évaluation ; à la planification ; à l’élaboration et la gestion des politiques ; aux opérations et procédures ; et à la gestion des systèmes d’information (ME/Gouvernement de la République de Trinité-et-Tobago, 2012 : 16-18).
Les contextes national et administratif ainsi que les décisions portant sur le leadership, les responsabilités et les capacités détermineront largement les structures ou les organismes de mise en œuvre les plus appropriés. La stratégie peut s’appuyer sur des structures existantes de l’administration publique ou éducative, particulièrement les organismes publics ou chargés de l’emploi des enseignants spécialisés (CSP ou TSC) ; transférer la responsabilité à une entité indépendante ou autonome, telle qu’un conseil professionnel des enseignants ou des qualifications ; ou créer une nouvelle structure de mise en œuvre (opérant potentiellement en dehors de l’autorité gouvernementale), telle qu’une fondation professionnelle nationale ou un autre organisme. Quelle que soit la solution choisie, elle doit répondre à certaines questions capitales :
La structure est-elle capable de communiquer efficacement avec tous les acteurs et parties prenantes politiques importants pour qu’ils comprennent, s’engagent et agissent par rapport aux objectifs et plans stratégiques ?
Tous les aspects de la mise en œuvre (au moins les principaux soulignés ci-dessus) doivent être budgétisés, y compris :
De même qu’avec l’élaboration des politiques (chapitre 4) et l’élaboration du plan d’action précédemment évoquées dans ce chapitre, les financements peuvent provenir de sources nationales ou infranationales (budget public ou une combinaison de sources publiques et privées), ainsi que de partenaires du développement. La mise en œuvre d’une politique enseignante peut être moins prioritaire pour les partenaires du développement, mais pas exclue. Les soutiens externes, lorsqu’ils sont nécessaires, peuvent être recherchés chez de nombreux partenaires cités au chapitre 2 (section 2.3), par exemple à travers la fonction de soutien du pays à l’Équipe spéciale internationale sur les enseignants pour Éducation 2030, ou les mécanismes de financement par subvention du développement et de la mise en œuvre du PME. Les conditions d’un tel financement, qu’il passe par l’appui au budget général ou à celui du secteur éducatif, ou même par un financement réservé à des activités sélectionnées, doivent être claires, et l’appropriation par le pays préservée. Un plan d’action politique réalisable, ou perçu comme tel, peut permettre de mobiliser des ressources pour mettre en œuvre les politiques.
En présence d’insuffisances de financement, il peut s’avérer utile de réviser les stratégies et les plans, par exemple en concevant des moyens de mise en œuvre plus rentables, y compris en renforçant les synergies au sein des structures/de la gestion ou des activités, ou en délégant la responsabilité des activités qui incombent aux organismes centraux à des organismes décentralisés ou à d’autres parties prenantes. Au cours du processus de révision, il importe de toujours garder à l’esprit les objectifs généraux et les priorités clés (IIPE et PME, 2012 : 14).
Comme indiqué dans le présent Guide, l’élaboration et la mise en œuvre d’une politique constituent un processus complexe et sujet à contestation politique. La mise en œuvre efficace d’une politique relative aux enseignants nécessite une prise en considération des conditions politiques et culturelles propres au contexte dans lequel ces politiques sont conçues et trouvent leur source. Il est dès lors indispensable d’adopter une approche de mise en œuvre qui prête explicitement attention aux contraintes et aux attentes contextuelles des agents et des citoyens locaux au-delà de l’État, et qui tient compte des relations de pouvoir pour s’assurer qu’une politique enseignante produira les changements souhaités.
Vous pouvez maintenant répondre au quiz du chapitre 5 pour essayer de gagner votre badge pour ce chapitre.