2.1.5 Définir et coordonner la politique dans différents systèmes et contextes éducatifs

Dans les États fédéraux et dans les systèmes éducatifs décentralisés, il arrive souvent que les autorités éducatives infranationales soient les principales entités responsables de l’élaboration des politiques et de la prise de décisions ou qu’elles partagent ces compétences avec les autorités nationales. Par conséquent, une politique enseignante nationale doit impérativement aborder la question du partage des responsabilités en ce qui concerne son élaboration et sa mise en œuvre au moyen d’une coordination au-delà des frontières infranationales. Des pays comme le Brésil, le Canada, le Nigeria et les États-Unis d’Amérique ont mis au point différentes approches permettant d’harmoniser les politiques en faveur de l’égalité en matière d’accès et de normes de qualité tout en tenant compte des contextes infranationaux (encadrés 2.5 et 2.6).

Lorsqu’il en existe dans les systèmes fédéraux, les bonnes politiques enseignantes sont fréquemment définies de manière très générale, en raison du contrôle qui s’exerce au niveau infranational sur les pratiques relatives aux enseignants et à l’enseignement. L’outil principal des gouvernements fédéraux pour harmoniser la politique à l’échelon national est financier ; il est généralement lié à des normes définies pour l’amélioration de l’apprentissage ou de l’enseignement, avec une incidence directe ou indirecte sur les dimensions relatives aux enseignants.

ENCADRE 2.5 : APPROCHES DU SYSTEME FEDERAL EN MATIERE DE POLITIQUE ENSEIGNANTE AU BRESIL ET AU NIGERIA

Au Brésil, le Plan national d’éducation (PNE) adopté en 2010 et le Plan de développement de l’éducation (PDE) traitent de nombreuses questions de la politique relative à l’éducation et aux enseignants. Le PDE vise spécifiquement à renforcer une approche systémique à l’échelle nationale en faveur d’une plus grande égalité en matière d’accès et d’une amélioration de la qualité de l’éducation dans de nombreux États et régions du Brésil. Les deux s’inspirent de deux lois adoptées précédemment portant sur la création de mécanismes de financement nationaux pour parvenir à une plus grande égalité en matière d’accès et à une amélioration de la qualité de l’éducation dans les régions, États et municipalités plus pauvres : le fonds pour la gestion et le développement de l’enseignement primaire et pour l’amélioration de la condition enseignante (FUNDEF)  et le fonds pour le développement de l’enseignement primaire et la valorisation des enseignants (FUNDEB), complétés par le programme « BolsaFamilia » qui offre aux familles des versements en espèces en échange de l’assiduité scolaire des enfants.

Le FUNDEF a permis d’augmenter considérablement les investissements du gouvernement fédéral dans l’éducation, par exemple en affectant 60 % des fonds à la rémunération des enseignants et 40 % au fonctionnement des établissements scolaires. L’instauration d’une rémunération minimale nationale pour les enseignants a permis à ceux des États pauvres du nord de mettre à niveau leurs qualifications, tant et si bien qu’en 2002, la quasi-totalité des enseignants avaient effectué la formation minimale requise. Cette mesure a également favorisé un afflux d’enseignants pleinement qualifiés dans ces régions, d’où une augmentation de 20 % des effectifs d’enseignants entre 1997 et 2002. Les fonds spéciaux ont entraîné de fortes augmentations des effectifs scolaires dans les régions plus pauvres du nord, une hausse de la fréquentation scolaire moyenne chez les enfants issus des 20 % de familles les plus pauvres et de meilleures notes en mathématiques chez les élèves. Le PNE et le PDE ont par ailleurs donné lieu à une coopération accrue en matière de formation initiale et de perfectionnement professionnel des enseignants entre les établissements d’enseignement supérieur, les établissements d’enseignement ouvert, l’État et les municipalités employant des enseignants. De nouveaux outils du système éducatif ont également été mis au point pour favoriser la coordination à l’échelle nationale dans les domaines essentiels que sont notamment la formation des enseignants, le perfectionnement professionnel et les ressources pédagogiques.

Le Plan du Nigeria pour le secteur de l’éducation pour la période 2011-2015 est intégré à une « feuille de route » publiée en 2009. L’éducation est une responsabilité partagée entre les niveaux fédéral, étatique et local. Le Ministère fédéral de l’éducation (FME) est chargé de la politique nationale, de la collecte de données, de l’uniformisation des normes, y compris en matière d’assurance de la qualité, de l’élaboration des programmes d’enseignement et de l’harmonisation des politiques et procédures de l’État.

Le recrutement, la qualité, le perfectionnement, la motivation et la rétention des enseignants, ainsi que l’insuffisance des infrastructures et des ressources pédagogiques, sont les points à traiter recensés dans la feuille de route, parallèlement aux stratégies générales, aux indicateurs et aux délais visés regroupés dans une rubrique consacrée à la formation et au perfectionnement des enseignants et touchant à une pluralité de dimensions de la politique enseignante :

  • recrutement des enseignants (tenant compte de la parité entre les sexes) et dotation appropriée des établissements scolaires en personnel ;
  • incitations favorisant l’affectation des enseignants et leur présence dans les établissements scolaires en milieu rural ;
  • mise en œuvre de la politique nationale de formation des enseignants, cadres de perfectionnement professionnel, initiation et tutorat pédagogique des enseignants ;
  • harmonisation des grilles de rémunération nationales et étatiques ;
  • évolution de carrière des enseignants ;
  • environnements de travail propices pour les enseignants, notamment de bons ratios élèves-enseignant ;
  • renforcement du leadership et de la formation des chefs d’établissement.

Bien que le Plan pour le secteur de l’éducation soit large dans son champ d’application, la plupart des stratégies et indicateurs sont d’ordre général, avec des délais de mise en œuvre très serrés. Un rapport de 2012 sur la mise en œuvre a mis en évidence des difficultés et des failles en la matière, souvent imputables à des problèmes de financement.

Pour plus d’informations : Brésil : Ministère de l’éducation, Brésil, 2007 ; Bruns et al., 2012 ; UNESCO, 2014a ; Nigeria : FME, 2009 et 2012 ; Équipe spéciale sur les enseignants, 2011a.

ENCADRE 2.6 : APPROCHES DU SYSTÈME FÉDÉRAL EN MATIÈRE DE POLITIQUE ENSEIGNANTE EN AMÉRIQUE DU NORD – CANADA ET ÉTATS-UNIS

Au Canada, la politique et les programmes relatifs aux enseignants sont du ressort des conseils scolaires locaux et des provinces. Néanmoins, le Conseil des ministres de l’éducation du Canada (CMEC) est l’enceinte permettant aux ministres provinciaux et territoriaux de l’éducation de partager des informations, se consulter sur des questions d’intérêt commun, prendre des initiatives de coopération et représenter les intérêts des provinces et territoires auprès du gouvernement fédéral et au plan international, à tous les niveaux éducatifs. À ce jour, les travaux du CMEC sur la politique enseignante se sont essentiellement limités à l’harmonisation des normes pancanadiennes pour la certification des enseignants et à l’évaluation des titres de compétence des enseignants formés et recrutés à l’extérieur du Canada.

Aux États-Unis, comme au Canada, l’éducation et donc les dimensions de la politique enseignante sont la prérogative des autorités étatiques et locales. Ces dernières années, le gouvernement fédéral a essayé d’influencer les politiques étatiques et locales par des initiatives de réforme successives visant à satisfaire aux critères fédéraux (ou à des normes fondamentales préconisées par le gouvernement fédéral, élaborées par des organismes professionnels nationaux), grâce aux subventions globales fédérales. Connues sous les noms de loi « No Child Left Behind » (Aucun enfant laissé pour compte) et d’initiative « Race to the Top » (Course vers le sommet) de l’administration présidentielle Obama, ces réformes visent à améliorer les résultats des apprenants, en mettant l’accent sur les populations défavorisées, grâce à l’amélioration de l’efficacité des enseignants et aux mécanismes systémiques de responsabilité. Les dimensions de la politique enseignante directement ou indirectement influencées par les critères et les subventions aux niveaux étatique et local sont notamment : le recrutement, le perfectionnement professionnel, l’accompagnement et l’évaluation des enseignants ; la rémunération fondée sur l’efficacité et sur les performances ; les incitations et les sanctions ayant des effets sur l’emploi, sur la rémunération et sur les carrières, et pouvant aller jusqu’au licenciement des enseignants et des chefs d’établissement si les objectifs ne sont pas atteints. Les détracteurs de la politique, parmi lesquels de nombreux enseignants que l’on a obligés ou poussés à appliquer en classe des méthodes d’enseignement reposant sur l’évaluation, déplorent le recours excessif aux résultats des épreuves normalisées et aux « modèles de valeur ajoutée » qui se font jour pour mesurer la réussite, au détriment d’autres facteurs scolaires et d’apprentissage.

Pour plus d’informations : Canada : CMEC (2008 et 2014) ; Hargreaves et Braun (2013) ; Ministère américain de l’éducation (2009).

D’autres questions stratégiques se posent dans des États très grands ou très petits (en particulier les États insulaires). Elles ont souvent trait, dans les premiers, à l’envergure même de l’éducation et à l’étendue géographique qu’elle concerne (voir encadré 2.7 pour un exemple tiré de la République populaire de Chine) et, dans les seconds, à l’insuffisance des ressources humaines et financières.

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