3.2.5 Qualification, initiation de nouveaux enseignants, tutorat et période de probation

Le fait de mener à bien la formation initiale, y compris le stage pratique, mène à la qualification ou à l’obtention du statut d’enseignant qualifié (SEQ). En réalité, ce n’est que le début d’une carrière d’enseignant qui inclura un perfectionnement permanent. Avant d’être certifiés ou autorisés à exercer, les enseignants nouvellement qualifiés peuvent être tenus d’effectuer avec succès une période de probation ; elle offre la possibilité d’encourager et d’initier les nouveaux arrivants dans le monde de l’enseignement et de l’apprentissage, d’établir et de préserver les normes professionnelles appropriées, et de favoriser le développement des qualités pédagogiques des enseignants. HSi la période probatoire n’est pas exigée dans tous les pays, elle est de plus en plus considérée comme une étape essentielle préalable à la confirmation d’une carrière d’enseignant et doit être considérée comme un élément indispensable de la politique enseignante. La durée normale de la période de probation (généralement de plusieurs mois à trois ans – OCDE, 2005) doit être établie à l’avance et les conditions de succès [doivent] être d’ordre strictement professionnel. En cas d’échec à l’issue de la période probatoire, le candidat enseignant doit bénéficier d’une seconde chance avec un soutien professionnel accru. Du reste, une période de probation qui se clôture par un échec indique finalement un manque d’aptitude à l’enseignement. Il convient néanmoins que des procédures soient en place afin d’offrir des garanties légales aux candidats désireux de contester une évaluation négative (OIT/UNESCO, 1966 : article 39).

Dans les contextes où une période probatoire précède la certification d’un enseignant, elle peut être associée à une formation professionnelle continue ou à un programme d’initiation officiel, évalué(e) par un examen officiel ou par le formateur pour démontrer que l’enseignant satisfait aux conditions de certification. En Écosse par exemple, l’initiation dure un an et s’achève par l’évaluation officielle d’un « profil final » présenté par l’enseignant pour démontrer sa capacité à satisfaire à 23 normes professionnelles (CE, 2010 : 33 ; voir aussi section 3.6 8). Lorsque des périodes d’initiation sont d’application, les conditions et les critères qui les régissent doivent être réalistes et adaptés au contexte, afin d’éviter un alourdissement disproportionné de la charge qui pèse sur les enseignants nouvellement qualifiés et sur les personnes qui les encadrent.

Idéalement, qu’il y ait ou non recours à des périodes probatoires, il convient que les enseignants nouvellement qualifiés suivent des programmes d’initiation au cours desquels ils ont la possibilité d’approfondir les connaissances, les aptitudes et les attitudes acquises lors de la formation initiale, dans le cadre d’un tutorat assuré par des enseignants expérimentés. Parallèlement à d’autres formes d’accompagnement professionnel et de programmes de tutorat, l’initiation des enseignants débutants permet de renforcer la satisfaction professionnelle, l’efficacité des nouveaux enseignants (mesurée par l’amélioration des résultats d’apprentissage) et la rétention des enseignants (OIT, 2012 : 22 ; OCDE, 2014a : 88). Lorsqu’il n’existe que peu ou pas d’initiation ou autre forme d’accompagnement professionnel, en particulier dans les contextes isolés tels que les régions reculées ou abritant des minorités linguistiques, la motivation et l’efficacité des enseignants en pâtissent et les départs d’enseignants sont plus fréquents (Bennell, 2004 ; Bennell et Akyeampong, 2007 ; VSO, 2008).

Il importe de considérer l’initiation comme une étape de l’apprentissage tout au long de la vie, qui s’appuie sur la formation initiale et alimente le PPP ; des liens effectifs doivent impérativement exister entre les prestataires et les coordinateurs de ces différents services (CE, 2010 : 23).

L’initiation peut s’effectuer au niveau des établissements scolaires (l’établissement se charge de l’accompagnement du nouvel enseignant), de la communauté enseignante (les syndicats d’enseignants organisent des programmes d’accompagnement), des municipalités ou des groupes scolaires (les municipalités ou les groupes scolaires mettent en œuvre des programmes d’initiation), ou elle peut reposer sur une approche coopérative entre les établissements scolaires et les établissements de formation d’enseignants (formation en tutorat ou tutorat collectif ou individuel organisé par les établissements de formation d’enseignants ; cette approche se retrouve le plus souvent dans le cadre de programmes d’initiation officiels au cours d’une période probatoire). Les groupes scolaires (qui mettent en relation un certain nombre d’établissements afin de favoriser le perfectionnement professionnel des enseignants au sein du groupe) constituent la forme de perfectionnement professionnel la plus répandue dans les pays en développement. Il existe en général un établissement coordinateur (dont la désignation s’effectue éventuellement à tour de rôle), qui initie et promeut le perfectionnement professionnel. Des groupes d’enseignants partagent leurs expériences et leurs problèmes, et apportent une entraide professionnelle. Les questions clés pour les groupes sont celles de leur prise en charge et de leur contrôle.

L’initiation doit apporter aux nouveaux enseignants un soutien personnel, social et professionnel ; cela peut prendre la forme d’un tutorat, de contributions d’enseignants experts ou de formateurs d’enseignants, d’un soutien entre pairs et d’une réflexion introspective (CE, 2010 : 16-21 ; OIT, 2012 : 245-246). Des recherches ont révélé que les programmes d’initiation réussis sont complets, collaboratifs et centrés sur l’apprentissage professionnel :

  • Complets : Le processus d’initiation est « très structuré, complet, rigoureux et suivi de près » ; les rôles du personnel d’encadrement, des administrateurs, des instructeurs et des tuteurs sont clairement définis ;
  • Collaboratifs : la culture de l’enseignement se fonde sur le travail en collaboration ; la création d’une identité de groupe est fondamentale ; les nouveaux enseignants sont traités comme des collègues, qui partagent leurs expériences, leurs pratiques, leurs outils et leur langage.
  • Apprentissage professionnel : considérées comme une étape du processus d’apprentissage professionnel tout au long de la vie, les initiations sont axées sur l’épanouissement, l’apprentissage professionnel et le professionnalisme des enseignants (CE, 2010 : 41).

Les tuteurs jouent un rôle essentiel dans le cadre des programmes d’initiation et gagnent en importance ; à Singapour, des programmes de tutorat structurés prolongent l’initiation et les premières années de formation des nouveaux enseignants jusqu’à deux ans (OCDE, 2014a : 90, 93). Lorsque des enseignants expérimentés jouent le rôle de tuteurs auprès de collègues nouvellement qualifiés, les critères pour leur sélection doivent être clairement établis et reposer sur des référentiels de compétences ; les tuteurs doivent bénéficier d’un soutien et d’une formation adéquats, leurs activités de tutorat doivent faire l’objet d’évaluations régulières et ils doivent se voir confier une charge d’enseignement réduite et/ou bénéficier d’incitations, telles qu’une indemnité de responsabilité (UNESCO, 2014a : 244). Dans la mesure où les critères de compétence sont respectés, il est possible de faire appel à des enseignants retraités pour encadrer les enseignants nouvellement qualifiés, de sorte que leurs précieuses expérience et compétences puissent encore profiter au système éducatif après leur départ de l’enseignement.

L’absence d’initiation dans de nombreux pays, en particulier en Afrique subsaharienne, est peut-être l’une des causes à l’origine des taux élevés de départs d’enseignants. Le recours à un tuteur du même domaine ou à un emploi du temps commun et une collaboration avec d’autres enseignants sont les facteurs les plus susceptibles de favoriser une réduction de la rotation du personnel enseignant, dès lors que « les enseignants qui participent à des combinaisons ou à des ensembles d’activités de tutorat et d’initiation de groupe [sont] moins susceptibles de partir pour d’autres établissements scolaires ou de quitter l’enseignement à la fin de leur première année » (Smith et Ingersoll, 2004 : 706).

Les responsables politiques peuvent se poser un certain nombre de questions fondamentales lors de la conception d’un programme d’initiation approprié au contexte local :

  • Quels sont les objectifs stratégiques du programme d’initiation ?
  • La politique couvre-t-elle les aspects majeurs de l’initiation ?
  • Tous les acteurs ont-ils participé à la définition de la politique ?
  • Les rôles et responsabilités de chacun des acteurs sont-ils clairement définis ?
  • Tous les acteurs ont-ils reçu la préparation nécessaire pour assumer leurs responsabilités ?
  • Comment le processus d’initiation s’inscrit-il dans la continuité de l’apprentissage tout au long de la vie des enseignants ?
  • Des ressources financières adéquates et une quantité suffisante de temps sont-elles prévues ?
  • Par quelles mesures garantir la cohérence de la mise en œuvre de la politique ?

L’encadré 3.4 contient une liste de contrôle pour les responsables politiques.

ENCADRÉ 3.4 : LISTE DE CONTRÔLE POUR LES RESPONSABLES POLITIQUES

Objectifs

  • De quelles manières précises un programme d’initiation systématique pourrait-il être  profitable  aux  apprenants  de votre  pays,  et s’inscrire  dans  le  cadre  des objectifs de votre politique nationale ?
  • Quelles sont les attentes des parties prenantes ? (Ministre, enseignants débutants, enseignants en service, chefs d’établissement, formateurs d’enseignants, autorités locales, syndicats, associations professionnelles, etc.) ?
  • Quels seront les objectifs stratégiques de votre programme d’initiation ? Quelles mesures concrètes utiliserez-vous pour évaluer la progression vers ces objectifs ?
  • De quelles manières souhaitez-vous que le programme d’initiation soit lié au développement des établissements, ou au perfectionnement professionnel des enseignants expérimentés, des formateurs d’enseignants et des chefs d’établissement ?

Conception

  • Quel type de programme d’initiation correspondrait à vos objectifs et à votre contexte national ? Ex. : un programme lié à une période probatoire antérieure à l’inscription en tant qu’enseignant, ou un programme non formel ? Sera-t-il obligatoire pour tous les enseignants débutants ?
  • Que recherchez-vous exactement chez un enseignant ? Votre pays possède-t-il une description explicite des compétences attendues des enseignants à chaque étape de leur carrière ?
  • En quoi le programme d’initiation apportera-t-il un soutien personnel, social et professionnel à tous les enseignants débutants ? Quelles personnes et institutions seront investies de responsabilités ?
  • Dans votre contexte, comment pensez-vous pouvoir assurer au mieux l’articulation entre le tutorat, le soutien entre pairs, le soutien des experts et la réflexion introspective ?

Mise en œuvre

  • Avez-vous obtenu un soutien financier adéquat, en particulier pour la formation des tuteurs, ainsi que pour la réduction de la charge de travail des enseignants débutants et des tuteurs ?
  • Avez-vous l’intention de mettre sur pied un programme pilote en vue de mettre vos idées à l’épreuve ?
  • Chacune des parties prenantes soutient-elle le plan proposé ?
  • Le rôle de chacun des acteurs (parties prenantes) dans le plan proposé est-il clairement défini ?
  • Avez-vous mis en place des structures appropriées favorisant la communication et la coopération entre toutes les parties concernées ? Existe-t-il une relation de confiance ?
  • Les chefs d’établissement ont-ils reçu la formation et le soutien adéquats pour la création d’une culture d’apprentissage dans les établissements scolaires ?
  • Les tuteurs ont-ils reçu la formation adéquate ?
  • Le programme d’initiation se fonde-t-il sur les contenus de la formation initiale des enseignants et prépare-t-il au PPP ?

Disposez-vous d’un système efficace de suivi, d’évaluation et d’assurance de la qualité de la politique et des procédures une fois mises en œuvre ?

Source : Commission européenne, 2010 : 38-39 (reproduction autorisée).

Perfectionnement professionnel permanent (PPP)

3.2.6 Formation à l’inclusion et à l’équité