3.6.1 La politique en matière de rémunération

La rémunération des enseignants est d’une grande importance pour leur recrutement et leur rétention Du point de vue du marché du travail, les systèmes éducatifs qui paient des salaires attractifs par rapport à des professions comparables sont plus efficaces dans l’attraction et la rétention des enseignants de bonne qualité. Lorsqu’ils décident de devenir enseignants et de s’inscrire aux programmes de formation des enseignants, les candidats sont particulièrement influencés par les niveaux de salaire, ainsi que par les incitations professionnelles qui, ensemble, contribuent à faire de l’enseignement une carrière de haut statut. Une politique de rémunération qui valorise l’enseignement par rapport à d’autres choix de carrière contribue à orienter les meilleurs diplômés de l’enseignement secondaire vers la profession d’enseignant. Les données disponibles indiquent que, au cours de la dernière décennie, la rémunération a été l’un des facteurs clés (mais non le seul) de la réussite de ce que l’on appelle à l’heure actuelle les « systèmes éducatifs les plus performants » (OCDE, 2005 ; OCDE, 2013a ; Banque mondiale, 2013).

À l’inverse, lorsque les salaires des enseignants ne sont pas perçus comme étant proportionnels aux niveaux d’enseignement, à la formation et aux responsabilités nécessaires, ou ne permettent pas aux enseignants de vivre décemment sans prendre un deuxième emploi, il en résulte une perte de prestige pour la profession d’enseignant, et une incidence négative sur les trois préoccupations de la politique que sont le recrutement, la motivation et la rétention des enseignants. Les salaires qui n’atteignent même pas le seuil de pauvreté de base des ménages dans les pays à très faible revenu se traduisent par des difficultés de recrutement des enseignants, l’absentéisme et une gamme de faible performance des enseignants (UNESCO, 2014a : 254).

Pour répondre aux objectifs de la politique, les niveaux de rémunération des enseignants devraient être établis en fonction :

  • des niveaux de revenu national, habituellement mesurés en PIB par habitant ;
  • des niveaux de vie minimaux dans les pays les plus pauvres ;
  • des professions de référence : professions exigeant des qualifications, une durée de formation, des connaissances, des compétences et des responsabilités similaires ;
  • de la capacité fiscale ou des recettes des autorités de l’éducation (OIT, 2012 : 148-150 ; UNESCO, 2010a : 2-3).

Pour de nombreux pays, la politique qui répond aux multiples demandes en matière de recrutement, de rétention de motivation et d’efficacité se situera davantage dans la perspective de l’EPT après-2015 et des discussions de coût-efficacité, entraînant dans de nombreux cas des choix politiques et des compromis difficiles (PME, 2014 : 152-156, en ce qui concerne les questions de statut et de salaire).

Dans certains contextes, cela reviendra à accorder la priorité au financement de l’éducation par rapport aux autres sollicitations de ressources. En partie à cause de sa proximité avec une Afrique du Sud plus riche, le Lesotho, un des pays les plus pauvres de la planète, consacre 13 % de son PIB et plus de 30 % des dépenses totales du Gouvernement à l’éducation pour maintenir les salaires des enseignants à des niveaux beaucoup plus élevés que dans de nombreux pays africains comparables – trois à cinq fois le PIB par habitant en 2005, mais toujours inférieur aux salaires des autres fonctionnaires (Mulkeen, 2010 ; PME, 2005 : 6-7).

De nombreux pays à faible revenu ont été invités à limiter les salaires des enseignants à une valeur de référence initialement établie, en vertu de l’Initiative de la voie rapide (IVR) de l’EPT, à 3,5 fois le PIB par habitant, afin d’assurer des ressources pour d’autres besoins d’enseignement et d’apprentissage. Une telle référence a été un facteur de l’embauche à grande échelle des enseignants contractuels (voir section 3.1). Si elle est utilisée, elle doit être fixée en fonction du PIB du pays, en particulier dans les pays à très faible revenu avec une base économique faible dans le secteur formel, sinon elle est susceptible de conduire à des salaires abusivement bas, parfois en dessous du seuil national de pauvreté (UNESCO, 2010a : 16 ; UNESCO, 2014a : 254). Cette référence ne tenant pas nécessairement compte des salaires d’autres emplois comparables dans le secteur public ou privé dans le pays exigeant le même niveau de formation et de responsabilités, l’effet peut alors être dissuasif sur le recrutement et la rétention des enseignants.

Dans certains pays, les niveaux de salaires plus élevés peuvent nécessiter un compromis avec les autres objectifs de la politique en raison des limites des recettes publiques. Le compromis le plus évident intervient entre les salaires et les effectifs des enseignants, et les REE et les effectifs de classe qui en dépendent. Le temps d’enseignement, d’instruction ou la totalité des heures de travail requises peuvent également être augmentés pour réduire le nombre d’enseignants requis et dégager plus de capacité pour l’augmentation des salaires. Dans les deux cas, l’incidence potentielle sur la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage devrait être évaluée avant l’adoption de politiques qui poussent à la hausse les effectifs de classe ou le temps d’enseignement, deux facteurs qui ont une incidence sur la charge de travail des enseignants (voir section 3.5) et pourraient réduire la satisfaction professionnelle des enseignants dans les conditions difficiles d’enseignement (OCDE, 2013a : 191).

En fait, certains pays à revenu élevé choisissent de payer des salaires beaucoup plus élevés aux enseignants bien formés et acceptent, en échange, des REE et des effectifs de classe relativement élevés. La République de Corée, le Japon et Singapour sont des pays à revenu élevé avec des effectifs de classe moyens dans l’enseignement secondaire qui dépassent trente apprenants par classe, légèrement moins dans l’enseignement primaire mais toujours largement au-dessus de la moyenne de l’OCDE. Ces pays paient leurs enseignants à un niveau beaucoup plus élevé que le PIB par habitant ou la moyenne des salaires gagnés par les diplômés de l’enseignement dans les emplois comparables du secteur public ou privé (OCDE, 2013a : 45 ; OCDE, 2014b : 411, 454).

Pays à revenu intermédiaire, l’Indonésie, pour sa part, a choisi au cours des dernières années de mettre l’accent sur les augmentations du traitement des enseignants fonctionnaires dans le cadre d’une plus grande professionnalisation de l’enseignement, en gardant dans le même temps des REE relativement faibles, en partie grâce à l’engagement à grande échelle des enseignants contractuels. À l’instar des enseignants fonctionnaires, ces enseignants contractuels devraient également profiter à terme des mesures salariales, d’emploi et de professionnalisation (Chang et al., 2014 ; UNESCO, 2014a).

Les pays qui ont déjà des REE et des effectifs de classe très élevés, principalement dans les écoles primaires, et qui s’efforcent d’atteindre l’EPU et l’EPT en même temps qu’ils font face à une pénurie d’enseignants de grande envergure, éprouveront des difficultés à opter pour ce type de compromis dans le cadre de la politique enseignante. Au lieu du recrutement massif d’enseignants contractuels avec de bas salaires tout en maintenant les salaires à un niveau suffisant pour attirer et maintenir à leur poste les bons enseignants, il serait souhaitable d’étendre et de diversifier les sources de financement de l’éducation. Dans de nombreux pays caractérisés par des salaires bas et des difficultés de recrutement/rétention des enseignants, les niveaux de financement destinés à l’éducation en pourcentage du PIB ou du PNB sont relativement faibles. Seuls 41 pays dans le monde consacrent au moins 6 % de leur PNB à l’éducation, l’objectif recommandé pour atteindre l’EPT. En dépit d’augmentations significatives depuis l’an 2000 dans le groupe des pays à faible revenu en général, 25 de ces pays consacrent moins de 3 % du PNB à l’éducation, certains réduisant davantage ce pourcentage. Une augmentation substantielle dans ces pays encore en dessous de l’objectif de 6 % permettrait de relever la part du budget alloué à l’éducation, ce qui fournirait davantage de fonds pour l’embauche et le paiement de salaires raisonnables aux enseignants nécessaires à la résorption des pénuries constatées (UNESCO, 2014a : 24, 110-113).

Les choix politiques s’avèrent en outre plus difficiles pour les pays qui dépendent dans une large mesure de l’aide internationale pour le financement de leur système éducatif. Les engagements de financements à long terme de la part des bailleurs de fonds internationaux semblent nécessaires pour compléter ceux des gouvernements nationaux afin d’ériger en priorité le financement de l’éducation, y compris la rémunération des enseignants. Il faut aussi instaurer un dialogue politique et une cohésion entre les différents partenaires et responsables du financement de l’éducation. Malgré les principes de l’efficacité de l’aide, qui favorisent l’alignement des mécanismes de financement des bailleurs de fonds sur les objectifs stratégiques du secteur de l’éducation, les bailleurs de fonds accordent la priorité au soutien aux projets par rapport à l’appui budgétaire, en raison de l’absence de cadres budgétaires fiables à moyen terme et de la peur de la mauvaise gestion financière (Steiner-Khamsi, et al, 2008 : 43, 46 ; OCDE 2005/2008). S’ajoutent à cela une réticence à supporter les coûts récurrents, tels que les salaires des enseignants, et les réductions de l’aide à l’éducation au cours des dernières années, ce qui signifie que d’autres sources de financement doivent être trouvées en même temps qu’une pression est exercée sur les principaux bailleurs de fonds afin qu’ils honorent les engagements antérieurs (UNESCO, 2014a : 127-133).

Un certain nombre de moyens ont été proposés aux fins de la « création d’une marge budgétaire » afin que les ressources supplémentaires servent à financer les salaires des enseignants. Ces éléments sont notamment les suivants :Note de bas de page 20

  • l’accroissement des recettes grâce à une collecte plus efficace de l’impôt et des réductions des exonérations et de l’évasion fiscales ;
  • la diversification de l’assiette fiscale pour inclure les grandes entreprises, les petites et moyennes entreprises et le secteur informel ;
  • la redéfinition des priorités des dépenses dans les budgets du gouvernement au bénéfice de l’éducation en remplacement de lignes budgétaires relativement non productives comme les dépenses militaires ;
  • le relâchement des pratiques internationales restrictives sur les emprunts publics responsables ;
  • l’alignement des politiques d’aide des bailleurs de fonds en faveur de la stabilité macro-économique sur les dépenses récurrentes en matière d’éducation, telles que les salaires des enseignants.

3.6 Gratification et rémunération des enseignants

3.6.2 Échelle salariale des enseignants