5.4 Suivi et évaluation

Un plan de suivi et d’évaluation assorti des instruments appropriés doit faire partie intégrante de tout plan de mise en œuvre pour s’assurer que les activités planifiées sont réalisées et que les objectifs sont atteints. Si les ressources le permettent, un service ou une unité (comme une unité spécialisée de suivi et évaluation, l’unité responsable de l’EMIS ou du TMIS, ou une équipe interservices) doit être chargé de la tâche de suivi périodique pour assurer l’exécution fidèle du plan. Lorsque les ressources humaines ou financières des autorités éducatives sont limitées (par exemple, dans les pays pauvres en ressources, les petits États ou les autorités décentralisées), au moins un membre de l’unité chargée de la conception du plan doit avoir de telles responsabilités.

Les activités de suivi peuvent être divisées comme suit :

  • suivi périodique au moyen d'études documentaires ou d'études effectuées sur le terrain, de l’analyse des documents de mise en œuvre et des registres d’activités, de la collecte permanente de données et de réunions structurées dans et entre les services/agences chargé(e)s de la mise en œuvre. Ce type de suivi est nécessaire pour évaluer les progrès vers les objectifs et les points de référence (étapes majeures) énumérés dans le plan de mise en œuvre, répertorier les contraintes et proposer des solutions aux problèmes au fur et à mesure qu’ils surviennent. Les plans de travail annuels et les rapports périodiques peuvent être utilisés pour aider à structurer ces exercices (Kusek et Rist, 2004 : 97-98). Dans le plan stratégique de Trinité-et-Tobago pour l’éducation, le suivi repose sur des rapports mensuels établis par chaque responsable et toutes les divisions/unités impliquées dans le plan (ME/Gouvernement de la République de Trinité-et-Tobago, 2012 : 30-31). L’analyse des informations opportunes générées par l’EMIS/le TMIS ou les unités statistiques peut également être utilisée. Le plan stratégique de la Papouasie-Nouvelle-Guinée pour l’égalité entre les sexes dans l’éducation s’appuie sur un suivi fondé sur des données ventilées par genre pour les étudiants, les enseignants, les directeurs d’établissement et les responsables de l’éducation, produites annuellement (ME, Papouasie-Nouvelle-Guinée, 2009 : 13-25). Le suivi périodique doit comprendre des organismes décentralisés chargés des activités du plan ;
  • des rapports de suivi périodiques préparés par des spécialistes du suivi et de l’évaluation, sur la base d’études régulières réalisées par l’équipe ou l’unité de suivi et utilisant les lignes directrices et les outils convenus (par exemple, un questionnaire évaluant les résultats des réalisations, ou une liste de contrôle alignée sur les activités de mise en œuvre) sont importants. Les rapports doivent parvenir aux principaux décideurs aux niveaux appropriés, pour qu’ils prennent connaissance en temps réel des contraintes et des actions correctives recommandées afin de pouvoir effectuer les ajustements essentiels concernant la mise en œuvre ;
  • une évaluation annuelle avec les acteurs doit être planifiée et effectuée par les responsables du suivi, pour évaluer la mise en œuvre du plan avec les principales parties prenantes (représentants des enseignants, des élèves, des parents, ONG ou société civile). En plus d’utiliser les résultats du suivi périodique et les rapports, l’équipe du suivi effectuant l’évaluation annuelle doit recourir à un processus consultatif ouvert qui permet aux acteurs de faire part de leurs préoccupations ainsi que des succès enregistrés dans la mise en œuvre du plan et, d’un œil critique, d’indiquer là où les activités doivent être modifiées. Ce retour d’information est essentiel à l’évaluation de la mise en œuvre de la politique. Le rapport produit à l’issue de l’évaluation doit être honnête, en énonçant les difficultés et même les échecs, et non motivé par le désir de plaire aux personnes responsables de l’élaboration des politiques ou aux décideurs de haut niveau ;
  • un rapport annuel d’évaluation des performances, incorporant les éléments pertinents issus des autres exercices de suivi. Ce rapport servira de document de base à une évaluation de haut niveau des réalisations, des lacunes et des améliorations possibles. L’évaluation doit, à son tour, servir de pilier à un plan d’action révisé. Pour être utile, elle devra être alignée sur les objectifs du plan d’action, en ce qui concerne les dimensions clés des ressources humaines et financières.

Le suivi peut mettre au jour la nécessité de procéder à des changements en ce qui concerne certains indicateurs, tels que la façon de mesurer les évolutions (ou l’absence de mesure), mais il ne peut pas nécessairement indiquer ce qui est à l’origine de ces changements – d’où la pertinence de l’évaluation, qui peut révéler ce qui s’est passé, pourquoi cela s’est passé et quelle différence cela fait (Russon, 2010 : 108). Une évaluation à mi-parcours ou en fin de parcours (ou les deux), de préférence conduite par un agent indépendant pour en garantir l’objectivité, est importante dans l’évaluation de la mise en œuvre de la politique et dans l’orientation des futures mises en œuvre. Une dernière évaluation peut porter sur l’incidence et les résultats, la pertinence, la rentabilité et la durabilité, et énumérer les raisons de la réalisation ou de l’échec du plan, notamment en tirant des leçons pour guider la révision de la politique et les plans futurs (voir l’exemple de la Namibie dans l’encadré 5.4).

ENCADRE 5.4 : RÔLES DES ENSEIGNANTS DANS L’ÉLABORATION ET LA MISE EN ŒUVRE DES POLITIQUES EN NAMIBIE – ÉVALUATION DES SALLES DE CLASSE ET PERFECTIONNEMENT PROFESSIONNEL

Dans la première partie du siècle, les principales politiques du Ministère de l’éducation en Namibie ont exigé des enseignants qu’ils utilisent des stratégies pédagogiques centrées sur l’apprenant et suivent la performance des apprenants selon une méthode d’évaluation continue. Pour appuyer les efforts de la réforme, le perfectionnement professionnel des enseignants était initialement fondé sur une formulation centralisée de la politique, la production de documents écrits sur les politiques et leur mise en œuvre, et une formation en cascade, passant du ministère central aux régions éducatives et à des groupes d’écoles plus petits et, finalement, aux enseignants dans les écoles.

Une stratégie évolutive du Ministère de l’éducation, s’appuyant sur un perfectionnement des enseignants décentralisé et ascendant, au titre de laquelle les enseignants étaient supposés agir comme les intermédiaires de la mise en œuvre de la nouvelle politique et des réformes, plutôt qu’être l’objet des lignes directrices et des programmes de formation, a amené le ME à mettre en place un système d’auto-évaluation scolaire. Des aspects de l’instruction en salle de classe des enseignants sont devenus l’une des composantes du système pour soutenir une mise en œuvre plus efficace des réformes de la stratégie d’instruction et pour suivre les performances scolaires. Un protocole d’observation doté d’indicateurs spécifiques a été utilisé comme base permettant aux enseignants, aux parents, aux membres de la communauté et au proviseur de discuter des réponses et de produire de manière conjointe un résumé scolaire, utilisé plus tard dans l’élaboration de plans scolaires pour les activités d’amélioration. Les résultats ont souligné la nécessité d’une plus grande collaboration entre les enseignants et plus encore celle d’un meilleur mécanisme de soutien et de retour d’information pour donner aux enseignants davantage voix au chapitre en ce qui concerne leur propre perfectionnement professionnel et, par extension, une meilleure mise en œuvre des politiques.

Pour plus d’informations : LeCzel et Gillies, 2006.

Un suivi et une évaluation efficaces exigent des indicateurs clairs et mesurables liés aux objectifs fixés. Les principaux indicateurs doivent être :

  • limités en nombre et centrés sur les priorités majeures ;
  • présentés dans un cadre axé sur les résultats ou qui privilégie ceux-ci, de façon à ce qu’ils soient mesurés de manière pertinente ;
  • formulés pour permettre une analyse des disparités ou des déséquilibres (par genre, environnement urbain ou rural, populations défavorisées, etc.) dans la mise en œuvre d’une politique ;
  • cohérents et stables tout au long du cycle de mise en œuvre et, plus important encore, facilement compréhensibles par tous les utilisateurs, depuis les décideurs de haut niveau jusqu’aux utilisateurs les plus directement concernés, c’est-à-dire les enseignants et les apprenants.

À cet égard, les indicateurs doivent être convenus et acceptés par les acteurs et, s’ils sont utiles à la mise en œuvre de la politique, par les partenaires du développement (IIPE et PME, 2012 : 15-18 ; OIT, 2012 : 64, 102, 133-134). Grâce à des mécanismes appropriés de dialogue social (voir chapitre 4), les enseignants au niveau de l’établissement scolaire et les organisations d’enseignants à d’autres niveaux peuvent apporter des contributions essentielles aux indicateurs prioritaires pour les résultats d’apprentissage, qui sont mesurables, pertinents et équitables par rapport aux réalités de la salle de classe, et respectent les exigences de cohérence au fil du temps.

Tandis que les concepteurs d’un plan de mise en œuvre auront invariablement des indicateurs quantitatifs pour les guider dans la mise en œuvre, peut être nécessaires pour jauger le succès ou l’échec, et ainsi influencer la planification de la politique et de la stratégie pour une meilleure incidence, de recourir davantage aux informations de qualité fournies par les acteurs ou les chercheurs indépendants. Cette approche est cruciale dans l’évaluation des attitudes et des comportements des acteurs probablement les plus importants dans la mise en œuvre de la politique (les enseignants) qui, pour plusieurs raisons liées à leur vécu et leurs expériences personnels et professionnels ainsi qu’à la perception qu’ils ont de leur condition, deviennent souvent réticents à mettre en œuvre une politique à laquelle ils avaient peu ou n’avaient pas du tout contribué au cours du processus d’élaboration (Smit, 2005 ; Hargreaves, 1994 ; Hargreaves, 1998).

En plus des perceptions et des retours d’information des enseignants et des directeurs d’établissement sur la mise en œuvre du plan et sur les objectifs généraux de la politique, le suivi et l’évaluation peuvent fournir l’occasion d’utiliser un mécanisme institutionnel (le dialogue social) pour permettre à l’enseignant de mieux s’exprimer dans le processus au niveau de l’école, si cela n’a pas été prévu à d’autres étapes politiques (voir chapitres 2 à 4) (OIT, 2012 : 216-217).

De plus en plus, une approche plus ascendante (opposée à descendante) en matière de suivi et d’évaluation de la conception et de la mise en œuvre des politiques est privilégiée :

  • des recherches menées en Chine ont montré un fossé entre l’évaluation des enseignants et celle des autorités quant au succès de la politique de mobilité des enseignants des zones urbaines vers les zones rurales. Des faiblesses ont été répertoriées dans le système des incitations, les mécanismes d’évaluation et le système d’appui des administrations locales, toutes choses qui appellent un surplus de travail afin que la politique soit un succès. L’une des recommandations de changement résultant de l’analyse de la politique était de permettre que les enseignants soient davantage consultés, fournissent un retour d’information et participent à l’élaboration des politiques (Liu, Li et Du, 2014 : 78-80) ;
  • de même, une évaluation des plans nationaux pakistanais en matière d’éducation de 1992 à 2010 dans la vaste province du Punjab, a permis de relever un certain nombre de raisons d’échec et a mis en lumière la faiblesse de la mise en œuvre, du fait de l’administration. L’une des recommandations en faveur du renforcement de la mise en œuvre des plans d’éducation était de rendre plus actif, plus responsable et plus redevable le mécanisme de mise en œuvre, à l’aide d’une approche ascendante structurée autour d’une plus grande implication des APE, des enseignants et d’autres acteurs (Siddiq, Salfi et Hussain, 2011 : 294) ;
  • enfin, l’analyse des expériences des enseignants concernant mise en œuvre de la politique en matière d’éducation inclusive dans deux districts du Ghana a montré que les enseignants avaient des compréhensions limitées et généralement déformées de la politique et des innovations requises dans leur pratique. Pour être efficace, le processus d’introduction de la politique doit devenir plus clair et plus inclusif pour permettre aux acteurs d’en comprendre le but et d’accepter le programme qui l’accompagne (Alhassan, 2014 : 127).

5.3.3 Lignes directrices et autres instruments

5.5 Modalités organisationnelles de la mise en œuvre