Semaine 1 Découvrir le spectre de l’autisme

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6. Témoignages personnels

Bien que toutes les personnes autistes ne soient pas capables de décrire leurs expériences, de plus en plus de témoignages personnels permettent une perspective intérieure, qui est à la fois complémentaire et différente de la perspective extérieure. Les parents peuvent également fournir des réflexions approfondies qui ne seraient pas accessibles sans ces liens de proximité forts. Souvenez-vous, toutefois, que les récits personnels sur l’autisme représentent une certaine parole et une certaine expérience qui ne sont pas forcément généralisables. Par exemple, certaines personnes autistes décrivent leur mode de pensée comme étant très visuel. Mais cela ne signifie pas nécessairement que la pensée visuelle est un trait général de l’autisme. Ci-après, vous allez avoir un aperçu de témoignages de certains parents et personnes autistes.

Activité 6 : Apprendre des témoignages personnels

Durée : environ 20 minutes

Lisez ces deux passages et écoutez l’extrait d’interview. Prenez quelques notes sur les similitudes et les différences entre les récits. Par exemple, les récits sont-ils fournis par les parents ou des personnes autistes ? De quels intérêts et difficultés parlent-ils ?

La compréhension sociale de Jessy est restée, et reste, radicalement incomplète. Des leçons pourtant toutes simples. « Nous ne pouvons pas leur demander de bouger parce qu’ils étaient là en premier ». La différence entre être agacée et être blessée dans ses sentiments. Comprendre les gens, « comprendre la signification générale des situations ». Ce que l’autiste adulte, comme l’autiste enfant, trouve de plus difficile.

Qu’est-ce que c’est qu’avoir un cerveau qui se souvient du terme « remembrance » lu dans un journal mais qui pourtant lutte pour comprendre le vocabulaire le plus simple des expériences sociales ? Qu’est-ce que ça fait de devoir apprendre une myriade de règles sur les interactions humaines, par cœur, une par une ? Je dis « par cœur », car le critère de « comment je me sentirais si » n’est pas accessible pour elle. Tant de ce qui lui plaît (ou la bouleverse) ne plaît pas aux autres, et que ce qui plaît (ou bouleverse) les autres lui plaît si peu.

Clara Claiborne Park écrit sur Jessy, âgée de 42 ans (Claiborne Park, 2001, pp. 16-17)

Je dois mentionner que le garçon adorait regarder les différents calendriers dans les différentes pièces et ensuite retenir les nombres. Il les comparait aussi. Il a donc passé beaucoup de temps à regarder fixement les nombres. Il voulait savoir ce qu’ils signifiaient. Il a trouvé une sorte de motif récurrent dans ces nombres. Il se demandait comment les chiffres s’abaissaient, se redressaient, se courbaient et parfois se cassaient !

Tito Mukhopadhyay âgé de 8 ans, écrit sur lui-même lorsqu’il était petit enfant (Mukhopadhyay, 2000, p.19)


Écoutez l’extrait suivant, issu d’un entretien enregistré avec Dr Wenn Lawson, discutant de son autisme avec Dr Ilona Roth (Lawson et Roth, 2011). (Notez qu’au moment de l’entretien Wenn vivait en tant que femme.)

Transcription

Ilona Roth (IR) : Vous avez un peu parlé de votre enfance et vous avez écrit sur votre enfance ; de quelles façons vous sentiez-vous différent des autres en grandissant ?

Wenn Lawson (WL) : Je sais que je n’ai pas expérimenté la vie de la même façon que les autres enfants simplement parce que les gens faisaient toujours référence à des choses qui n’avaient aucun sens pour moi, des choses du quotidien, des jeux d’enfants, ce que les adultes attendaient de vous, des choses qui étaient dites. Lorsque les gens disaient des choses comme « je serai à toi dans une minute », mais ce n’était pas une minute, c’était beaucoup plus long, j’avais l’impression que l’on me mentait et je me mettais très en colère pour des choses que les autres personnes, les autres enfants, acceptaient sans se plaindre. Donc sur ce genre de choses, je pense que j’ai eu une expérience très différente.

IR : Diriez-vous que vous vous sentiez isolé étant enfant ?

WL : C’est une question difficile parce que je ne pense pas que je me sentais isolé. Je me sentais souvent seul, du fait d’être mal compris, l’isolement de ne pas avoir cette se connecter à la compréhension, ce qui est plutôt différent du sentiment d’isolement, je pense.

IR : En regardant en arrière, comment pensez-vous que l’autisme s’est manifesté dans votre comportement d’enfant et d’adolescent ?

WL : J’étais très obsessionnel, j’avais des intérêts qui prenaient vraiment tout mon être, principalement des intérêts pour les insectes, les animaux, puis dans mon adolescence, une obsession pour les moteurs — les moteurs à piston en particulier, pas ceux rotatifs — et je pense que c’était très visible car mes sœurs et mon frère n’étaient pas intéressés par ce genre de choses et les choses qui les intéressaient variaient souvent, donc ils étaient intéressés par quelque chose pendant un très court moment puis ça changeait, alors que mes intérêts, mes passions, étaient très intenses et me restaient pendant un bon moment. D’autres choses qui étaient assez différentes, le fait que je n’ai parlé qu’à partir d’un certain âge et ensuite quand je me suis mis à parler, j’avais tendance à faire des monologues ou à parler des choses qui m’intéressaient, et je n’étais pas très bonne pour l’écoute ou le tour de parole, ce genre de choses ; c’était clairement différent de la façon dont mes sœurs et mon frère interagissaient avec leurs pairs et entre eux.
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Réponse

Tito Mukhopadhyay (qui était un jeune garçon en 2000) et Wenn Lawson (un adulte) proposent leurs propres réflexions, tandis que Clara Claiborne Park parle pour sa fille Jessy, aujourd’hui adulte

Tito et Wenn Lawson mentionnent leur intérêt passionné pour certains sujets (calendriers, nombres, insectes, machines), alors que Clara mentionne l’attention portée aux détails de Jessy.

Clara Claiborne Park et Wenn Lawson mentionnent tous deux les problèmes et les frustrations liés à la compréhension des subtilités du langage, les règles gouvernant les situations sociales, et la difficulté à prendre en compte les sentiments des autres.

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Pour finir, faites connaissance avec Alex, qui décrira ses expériences de l’autisme dans cet extrait et à différents moments de ce cours.  Cet entretien a été enregistré en janvier 2017.

Transcription

Alex : J’ai 21 ans et j’habite à Crawley, qui est proche de l’aéroport de Gatwick. Je travaille actuellement à mi-temps, mais j’étudie aussi. Je fais des sciences pharmaceutiques, car c’est la voie que j’aimerais emprunter, pour faire de la pharmacologie ou de la pharmacie.

Ilona Roth (IR) : Donc, tu as un diagnostic d’autisme ?

Alex : Ouais.

Ilona : Et te souviens-tu quel âge tu avais quand ça a été posé ?

Alex : J’étais vraiment parmi les chanceux, très jeune. Je devais avoir deux ans et demi, trois ans.

Ilona : Donc tu ne te souviendrais pas de ce que c’était d’être diagnostiqué. Mais ta famille ? Comment penses-tu qu’ils ont réagi ?

Alex : Ben, je pense que mon père était OK, mais ma maman était assez bouleversée par tout ça. Et elle se demandait si je serais capable de faire des choses de manière indépendante et tout ça. Mais évidemment, c’est le cas, maintenant. 

Ilona : Tes parents ont-ils été particulièrement aidants en t’encourageant à faire des choses de façon indépendante ?

Alex : Oui, je veux dire maintenant je suis pas mal indépendant. Je conduis, je travaille, évidemment. J’étudie. J’ai donc un mode de vie bien rempli.

Ilona : Vis-tu à la maison ?

Alex : Oui, pour le moment. Mais j’espère un jour avoir mon propre logement.
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