Semaine 3 Identifier et diagnostiquer l’autisme

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5. Défis pour le diagnostic

5.2. Diagnostiquer l’autisme dans différentes cultures

Dans de nombreux pays en voie de développement, l’accès au diagnostic est extrêmement limité, ce qui contribue à des estimations de la prévalence très inférieures (Elsabbagh et al., 2012). Il existe également des données probantes concernant des variations dans le taux de diagnostic entre différentes communautés ethniques au sein d’un même pays (Begeer et al., 2009).

La plupart des critères et outils diagnostiques ont été développés aux Royaume-Uni et aux États-Unis et reflètent la compréhension occidentale majoritaire de ce qu’est un comportement typique et de ce qui constitue une différence significative. Au-delà du défi de permettre un accès au diagnostic partout où cela est nécessaire, il reste la question de savoir quels critères et instruments diagnostiques sont appropriés à utiliser ; les normes culturelles concernant le comportement doivent être prises en considération (Norbury et Sparks, 2013).

Activité 6 : Quels facteurs affectent les estimations de prévalence variables selon les cultures ?

Durée : environ 10 minutes

Dans ces extraits, le Dr Prithvi Perepa, de l’Université de Northampton (au moment de tournage), s'appuie sur ses propres recherches pour considérer les implications des facteurs interculturels dans le diagnostic d’autisme. À mesure que vous écoutez les extraits, notez les principaux facteurs qu’il mentionne.

Extrait 1 

Transcription

Le nombre de personnes diagnostiquées avec autisme varie à travers le monde pour deux raisons ; en partie, je pense, en raison de l’accès aux services et la compréhension de l’autisme, qui varient dans différentes parties du monde. Mais personnellement, j’estime aussi qu’il y a une différence à cause de la façon dont l’autisme est compris et défini par les différents groupes. Étant donné que l’autisme n’a pas un diagnostic médical comme tel— c’est basé sur le comportement et comment nous comprenons les comportements— ce qui peut être considéré comme une difficulté ou une différence peut varier, particulièrement lorsqu’on étude les comportements sociaux et les normes sociales.
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Extrait 2

Transcription
Une recherche, par exemple, que j’ai menée à Oman récemment… les statistiques à Oman sont 1 personne sur 10 000 sur le spectre de l’autisme. Et au Royaume-Uni, comme nous le savons, les dernières études sont… nous estimons 1 personne sur 90. Donc c’est vraiment différent. Donc peut-être que ça n’est pas seulement une question d’accès aux services. C’est aussi et surtout comment nous appréhendons l’autisme comme un handicap.
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Discussion 

Prithvi reconnaît que l’accès limité aux services de diagnostic aura des impacts sur les estimations de prévalence : moins de cas diagnostiqués signifie prévalence plus basse. Cependant, il souligne également que les interprétations culturellement différentes de  l’autisme peuvent affecter la façon dont certains traits comportementaux spécifiques seront perçus ou non comme atypiques.

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Extrait 3 

Transcription

Pour diagnostiquer l’autisme, nous regardons les comportements qui sont manifestés ou non chez les personnes sur le spectre de l’autisme. Et l’importance que des différents groupes culturels accordent au même comportement peut être variée. Donc par exemple, dans certaines de mes recherches, j’ai découvert par hasard certains groupes culturels où ils n’enseignent pas forcément aux enfants à jouer de manière imaginative. Donc le jeu est de type très fonctionnel, une sorte de jeu fonctionnel. 

Maintenant, si un enfant comme ça arrive chez un professionnel en Occident, qui peut considérer les choses par le prisme de l’autisme, cela pourrait immédiatement tirer la sonnette d’alarme. Parce qu’on commence à penser que cette enfant ne présente pas de compétence de jeu imaginatif, l’une des difficultés majeures avec l’autisme. Et donc, cette personne pourrait être sur le spectre autistique. 

Ou il peut y avoir des soucis concernant des choses comme l’utilisation du langage par exemple. Là encore, dans certaines cultures africaines, il est inapproprié d’utiliser des pronoms personnels. Donc ces cultures encouragent vraiment les enfants à utiliser leur propre prénom. Donc plutôt que moi je dis « Je pense », ce serait plutôt « Prithvi pense qu’il aimerait quelque chose à boire ». 

Donc, là encore, ça serait considéré comme une des caractéristiques classiques de l’autisme, que là encore un professionnel pourrait penser que c’est la raison pour laquelle cet enfant agit de la sorte. Donc les façons dont différentes cultures communiquent et interagissent sont différentes, ce qui peut conduire des professionnels à tirer la sonnette d’alarme mais ne pas inquiéter les parents. Parce que venant d’Inde, par exemple, il y a l’idée générale dans les familles indiennes que les garçons développent le langage plus tardivement. Donc si un enfant ne développe pas le langage et que c’est un garçon, il est probable que des parents indiens ne s’inquiètent pas, même s’il a trois ou quatre ans, comme j’ai pu le constater dans certains de mes cas personnels, alors qu’il peut y avoir un vrai trouble de la parole ou même de l’autisme, par exemple. Mais ils ne vont pas rechercher de soutien. 
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Discussion 

Les attentes culturelles différentes peuvent être particulièrement marquées en ce qui concerne les étapes précoces du développement des enfants. Par exemple, alors que le jeu de faire semblant est considéré comme une étape importante en Occident, certaines cultures préfèrent que le jeu de leurs enfants soit « fonctionnel », c’est-à-dire que l’habileté à empiler des briques de jouets pourrait être considérée comme étant plus importante qu’utiliser ces briques comme des tasses pour faire semblant de boire. Dans certaines cultures africaines, il n’est pas attendu des enfants qu’ils se désignent par des pronoms personnels tels que « je », et en Inde, il n’est pas attendu des garçons qu’ils développent le langage précocement. De telles différences pourraient affecter si et quand un parent s'inquiète du développement de son enfant.

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Extrait 4

Transcription

Une grande partie de mon travail s’est faite autour de communautés africaines et asiatiques au Royaume-Uni, je suppose. Et le contact visuel a été un gros problème. Parce que, comme les gens de ces milieux le comprennent probablement, offrir un contact visuel a un adulte ou à quelqu’un d’autorité est considéré comme extrêmement impoli dans ces cultures. Donc on enseigne activement aux enfants à ne pas avoir de contact visuel, car avoir un contact visuel est presque une provocation envers quelqu’un. Donc vous êtes censés regarder à terre ou éviter le contact visuel.

Et là encore, parce que même les outils diagnostiques destinés à des enfants aussi jeunes que 18 mois ou trois ans se focalisent énormément sur le manque de contact visuel comme l’une des caractéristiques initiales de l’autisme, les professionnels pourraient penser que l’enfant ne donne pas de contact visuel, cela signifie-t-il qu’il fait partie du spectre de l’autisme ? Donc je pense que certaines de ces caractéristiques sont basées sur ce que sont les normes pour les enfants occidentaux et que peut-être elles ne sont pas toujours aussi transférables pour des enfants ou jeunes personnes venant d’autres parties du monde.
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En plus des différences dans les attentes culturelles concernant les grandes étapes développementales, il peut exister des différences concernant les comportements sociaux acceptables. De telles différences culturelles peuvent exister dans des communautés ethniques dans des pays comme la France ou le Royaume-Uni ou à travers différentes cultures dans le monde, explique le Dr Perepa.