Semaine 5 Répondre aux défis : outils d’intervention

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6. L’approche comportementale de l’intervention

6.2. Évaluations et points de vue sur l’ABA

Le « ABA » s’est révélé difficile à évaluer formellement pour deux raisons. Premièrement, comme TEACCH, il s’agit d’une approche très individualisée, avec des résultats adaptés au comportement de chaque enfant unique. Deuxièmement, l’ABA n’est désormais plus une seule approche unifiée, mais plutôt un ensemble de procédures variées, dont certaines ont été incorporées à autres types d’interventions.

En plus, il faut dire que les attitudes des professionnels, des familles et des personnes autistes eux-mêmes à l’égard d’ABA sont fortement divisées. Les tenants de l’approche mettent en avant le fait qu’il s’agit de l’une des rares interventions apparemment efficaces; qu'il peut apporter des améliorations très significatives, y compris le potentiel de développer des compétences linguistiques chez des enfants non verbaux, et de minimiser les comportements avec le risque d'automutilation. Une intervention précoce basée sur les principes de l’ABA, connue sous l’acronyme de EIBI (acronyme anglais pour Early Intensive Behavioural Intervention, ou en français, Intervention comportementale intensive précoce), a été évaluée comme particulièrement efficace (Peters-Scheffer et al., 2011). 

Cependant il y a eu un grand nombre de critiques de l’ABA, surtout de la part des porte-paroles du communauté autiste  (Milton, 2018). Par exemple, les opposants affirment que l’ABA est un outil simpliste, qui change le comportement « de surface » plutôt que les processus de raisonnement sous-jacents et qu’il inhibe la curiosité naturelle et l’exploration. Plus largement, selon ce point de vue, l'ABA est préjudiciable ou nuisible au bien-être psychologique des personnes autistes. Le fait que les parents et les thérapeutes décident du comportement à adopter a suscité d’autres critiques selon lesquelles l’ABA est une intervention dirigée par l'adulte, ce qui prive l’enfant de l’autonomie, de choix et de dignité (Devita-Raeburn, 2016). L’ABA exige également un niveau d’implication et financier qui la rend inaccessible à certaines familles.

Gardez ces points de vue contrastés à l’ésprit en regardant cet extrait vidéo qui illustre comment un jeune garçon appelé Joe est aidé dans ses compétences de communication par des thérapeutes utilisant l’ABA. Regardez ce clip maintenant.


Transcription

REBECCA MOSELEY : Voyons maintenant.

JOE : Puis-je avoir vidéo DVD ?

REBECCA : Tu aimerais ça, n’est-ce pas ?

JOE : Ouais.

REBECCA : Assieds-toi.

SEAN RHODES : Le programme que nous employons avec Joe est basé sur une approche qui s’appelle « analyse appliquée du comportement ». C’est l'étude scientifique du comportement basée sur les comportements que les gens utilisent, les réponses dans l'environnement qui maintiennent ces comportements, et de comprendre si ces comportements sont ou non ce qui pourrait être jugé fonctionnel ou approprié.

[Joe et Rebecca jouent au restaurant.]

REBECCA : Joe, avons-nous barré quelque chose du menu ?

JOE : Non.

REBECCA : Formidable.

JOE : Nous passons une bonne journée aujourd’hui.

REBECCA : Alors, Joe. Tu peux finir ton biscuit maintenant.

ANDY, la mère de Joe : Il a passé d’un enfant qui pouvait à peine communiquer du tout ; enfin, il le pouvait. Mais pas vraiment avec un discours fonctionnel – à un enfant qui est très sociable, qui parle, et nous ne pouvons pas l’empêcher de parler maintenant.

Quand nous avons commencé, nous avons eu de petites crises de colère, et c'est vraiment ainsi qu'il a communiqué son point de vue.

REBECCA : Continue. C’est à toi de jouer.

JOE: [Joe commente le jeu] Uf! Mes butoirs! J’ai cassé les butoirs! Six.

REBECCA : Alors, vas-y.

JOE : Un, deux, trois, quatre, cinq, six.

SEAN [Commentaire en voix-off] : Ce que l’on a fait avec Joe, lorsqu’on a commencé avec lui, c’est d’identifier les comportements spécifiques qui affectaient sa capacité, tout d’abord, d’interagir avec d’autres enfants et d’autres personnes, et en particulier d’explorer quels étaient ses déficits linguistiques. 

[Ils sont dans le jardin, avec un ballon.]

JOE : Tu es un garçon effronté.

SEAN : Alors, je suis un garçon effronté, hein ?

JOE : Oui. 

REBECCA : Viens voir combien de jetons Becc [= Rebecca] a pour toi.

SEAN : Retire tes jetons de la première règle de Becc, d’accord ?

JOE : Mais tu es un garçon effronté.

REBECCA : T’es prêt ?

Joe gagne des jetons pour faire les choses correctement, donc pour faire les choses tout de suite ou, par exemple, marcher de l’école à la voiture sans courir devant et rester avec moi, par exemple, ou… si c'est l'heure du tapis à l'école et lever la main. Plutôt que d’appeler, de lever la main et d’attendre que le professeur lui demande ce qu'il voulait dire.

SEAN : Donc, ce que nous avons identifié, c'est le genre d'activités et d'objets, de jeux, de réponses qu'il trouve renforçants et agréables. Et nous lui avons appris comment demander ces choses. C'est ainsi que nous y avons eu accès.

[Ils jouent à Snakes and Ladders (Serpents et Échelles), jeu similaire au jeu de l’oie.]

REBECCA : Qu’est-ce qu’il dit ?

JOE : Eh bien, quatre et cinq font neuf. Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf.

REBECCA : Je n’y crois pas !

JOE : Ouais !

REBECCA MOSELEY : Quelle chance as-tu ? Oh, je n’y crois tout simplement pas.

Joe adore jouer à Snakes and Ladders avec moi, et c'est parce que j'essaie toujours de le rendre vraiment, vraiment amusant et vraiment fortifiant pour lui, mais, en même temps, j’ai pu apporter beaucoup d’objectifs mathématiques, ainsi que d'autres compétences linguistiques.

[le jeu encore]

Qu'est-ce qui va m'empêcher de gagner ?

JOE : Le serpent.

REBECCA : Sur quel numéro est ce serpent ?

JOE : 98.

REBECCA : Alors, combien ai-je besoin pour atterrir sur 98 ? Combien d’espaces ?

JOE : Deux.

SEAN : C'est bien beau d’apprendre beaucoup de langue aux enfants, mais s’ils n'ont pas les situations sociales où ils peuvent appliquer les compétences que nous leur avons enseignées, alors, vraiment, c'est un peu inutile de leur enseigner. La récréation est un moment où la plupart des enfants ont l'occasion de vraiment pratiquer leur langue. Joe a donc besoin de la possibilité de sortir et d’interagir avec les enfants pendant la récréation, plutôt que d’être debout à la périphérie, à observer.

ANDY : Participer à un programme ABA a un impact énorme sur une famille, car nous avons des gens qui travaillent avec Joe, toute la journée, tous les jours. Joe a donc ce grand entourage de personnes, et, au départ, nous avons commencé avec eux à travailler dans la maison. C'est donc assez difficile d'avoir des gens chez vous tout le temps. Ce n'est pas facile et nous avons une autre enfant aussi, et ce n'est pas facile pour elle. Mais en raison des énormes progrès réalisés par Joe, cela en vaut vraiment la peine.

SEAN : Ah, d’accord. Alors, tu regardais La guerre des étoiles 2.

JOE : Que regardais-tu ?

SEAN : Eh bien, je ne regardais pas la télévision. Je jouais de ma guitare.

JOE : Ouais.

SEAN : Est-ce que tu joues d’un instrument ?

JOE : Je n’en ai pas.

SEAN : Quel instrument aimerais-tu jouer ?

[Joe fait semblant de jouer de la batterie.]

[Commentaire en voix-off] Pour le moment, il réussit très bien sur ses objectifs de conversation. Il comprend comment avoir une conversation. La difficulté pour Joe en ce moment est de gérer la vitesse à laquelle se déroulent les conversations et la nature imprévisible des conversations, en particulier au sein des groupes de pairs.

[Joe et Sean sont assis sur un canapé.]                     

Alors, tu me parlais de rugby. D’accord. Alors, comment joue-t-on au rugby ?

[Commentaire en voix-off] Eh bien, les adultes seront beaucoup plus indulgents dans un cadre de conversation que ses pairs. Joe doit être capable de penser beaucoup plus rapidement dans ces conversations.

JOE : Et si tu as le ballon, quelqu’un t’attrape au sol. Et s’ils ne t’attrapent pas au sol, tu cours et puis tu marques un essai.

SEAN  : Fantastique. Et que fais-tu après avoir marqué l’essai ?

JOE : On dit : ouais, essai !

SEAN : Tu as raison. On fait ça !
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