Semaine 8 : Prendre du recul, regarder en avant

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3. Le spectre de l’autisme au 21ème siècle

3.3. Un autisme ou plusieurs autismes ?

Dans une entrevue de 2017, Michael Baron, père de Timothy exprime sa propre inquiétude que l’image actuelle de la société de « ce qu’est l’autisme » minimise ou néglige les difficultés des personnes comme Timothy :

D’un côté, la prise de conscience accrue [de l’autisme] est une bonne chose et ne peut qu’améliorer les choses. Et d’un autre côté, je ne suis plus sûr que l’étiquette soit encore correcte pour toutes les personnes qui disent « Oh, je viens juste d’être diagnostiqué » … Je pense que la situation est devenue très fragmentée, très confuse. Le langage est très difficile et dans un sens je ne le reconnais pas. Et donc quand je regarde en arrière, les parents que j’ai connus … des – utilisons ce terme terrible – d’enfants « handicapés », c’étaient des enfants qui étaient rendus dépendants du fait de leur trouble, et au fil des années ils ont passé de la majorité à une majorité pas si grande, sinon, voire à une minorité maintenant. La situation a donc énormément changé. 

(Baron et Roth, 2017)

La vision de Michael Baron est que le moment est peut-être venu de réévaluer l’idée d’une condition unifiée de l’autisme. Il est intéressant de noter qu’il s’agit d’un sujet de discussion actuel entre les cliniciens (Boustead, 2015), et qu’il correspond aux suggestions de certains généticiens. Comme indiqué dans la semaine 4, les études génétiques ont montré que les variantes de l’ADN d’un grand nombre de gènes peuvent être impliquées – à l’exception de cas rares, l’autisme est une condition polygénétique. De plus, les personnes autistes semblent avoir différentes combinaisons de gènes candidats, ce qui signifie qu’il s’agit d’une condition hétérogène. À première vue, cette variation génétique correspond bien à l’idée d’un spectre d’hétérogénéité et d’individualité au niveau des symptômes et du comportement. 

Pourtant, certains experts soutiennent que le futur réside dans la différenciation de l’autisme en différents troubles ou conditions. Ceux-ci seraient définis en termes de gènes impliqués et de comment ils sont liés à certaines « comorbidités » telles que les problèmes digestifs ou la déficience intellectuelle (Deweerdt, 2014). Créer des sous-groupes d’autisme basés sur les différences génétiques a permis de relier certaines familles dont les enfants partagent des caractéristiques communes, permettant à ces familles de partager des informations sur les interventions qui ont fonctionné pour leurs enfants, de fournir des conseils aux enseignants et d’alimenter la recherche. Cependant, étant donné la vaste gamme de variantes génétiques possibles qui ont été identifiées dans l’autisme, et le fait que certaines d’entre elles se retrouvent dans des comorbidités, il peut n’être pas possible de regrouper qu’une petite proportion des personnes autistes de cette manière. Le débat sur la question de savoir si et comment l’autisme peut être subdivisé se poursuit. 

Quelle que soit l’idée que l’on se fait du spectre autistique, il est évident que certaines personnes autistes se débrouillent et même s’épanouissent sans appui, tandis que d’autres ont besoin de toute l’aide possible. Le défi pour tout le monde est de trouver le bon équilibre entre respecter le droit des personnes autistes à l’autonomie et l’auto-détermination, tout en fournissant un soutien lorsque que cela est nécessaire, notamment dans des domaines où même les personnes relativement autonomes ont des difficultés. Les personnes autistes devraient avoir autant d’information que possible concernant les décisions relatives à leurs soins et leur soutien. Au Royaume-Uni, ce besoin s’incarne dans une approche qui s’appelle « Person-centred Planning » (Planification centrée sur la personne). C’est une approche visant à permettre à une personne de participer autant que possible aux décisions concernant ses propres besoins en matière de soins et de soutien, afin d’accroître son autodétermination et d’améliorer son indépendance. L’approche aide à la personne d’identifier ce que sont les aménagements dont il peut avoir besoin pour fonctionner au mieux, avec la famille et les amis comme partenaires dans la planification.